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Faure Gnassingbé et sa diplomatie à géométrie variable

« Quatre besoins mènent les hommes : la soif de reconnaissance, la soif de richesse, la soif de longévité, enfin la soif de pouvoir » (Jean Michel Quéguiner)

Le président togolais est sur tous les fronts de médiation sur le continent. Il s’est bâti une renommée dans le domaine. Dans le coup d’état militaire qui a renversé Mohamed Bazoum au Niger le 26 juillet dernier, Faure Gnassingbé fait énormément parler de lui.

Au début de cette crise, alors que la CEDEAO était inflexible avec les militaires déjà sous le coup de sanctions, et multipliait les réunions pour un retour à l’ordre constitutionnel au Niger, on avait appris que Faure Gnassingbé avait entrepris une médiation parallèle avec les membres du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et avait effectué le 8 août, dans la plus grande discrétion, un voyage à Niamey où il avait eu une entrevue avec le nouvel homme fort de Niamey, le général Abdourahamane Tchiani et ses hommes.

Des rencontres avaient également eu lieu au Burkina Faso entre les émissaires de Faure Gnassingbé et ceux du général Tchiani. Des démarches en solo qu’avaient trop peu goûté Bola Tinubu, président de la CEDEAO et son homologue du Sénégal Macky Sall qui se sont plaints de n’avoir pas été consultés.

Depuis quelques jours, il est rapporté que Faure Gnassingbé, en homme providentiel, a facilité le dialogue entre la CEDEAO et le pouvoir militaire au Niger. Les médias en font leurs choux gras. Ainsi rapporte-t-on dans le serail, grâce à la « diplomatie discrète et agissante » de Faure Gnassingbé, une délégation de l’organisation régionale conduite par l’ancien président nigérian, Abdulsalami Abubakar, a pu se rendre à Niamey et s’entretenir avec les nouvelles autorités nigériennes.

Des médiations parallèles, il en avait été également question au Mali après le coup d’Etat du 18 août 2020 qui avait chassé l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta. Alors que les relations entre les jeunes officiers maliens et la CEDEAO étaient au plus mal, les militaires s’étaient tournés vers Faure Gnassingbé pour solliciter son appui mais aussi ses conseils. C’est le président togolais qui avait sauvé Assimi Goita et ses hommes de l’ostracisme de l’organisation régionale.

De même, dans le conflit soudanais, le Togo s’y est invité, en ouvrant, les 23 et 24 juillet 2023, à Lomé, des consultations entre les différentes parties de la crise politique qui secoue leur pays. Alors que les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, les Nations Unies, l’Union Africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et la Ligue Arabe étaient en première ligne et menaient des négociations de paix avec les belligérants.

Aujourd’hui, il ne fait de doute, Faure Gnassingbé semble incontournable sur le continent. Tout à son honneur. Une diplomatie agissante qui peut valoir « plusieurs mandats », pour reprendre l’expression de son parrain Alassane Ouattara.

Les Togolais auraient souhaité que leur président soit tout autant impliqué dans la résolution des crises sociopolitiques en interne. Faute de dialogue et d’entente entre Faure Gnassingbé et son opposition, plusieurs leaders politiques parmi lesquels l’ancien Premier ministre Agbeyomé Kodjo qui réclame toujours la victoire à la présidentielle de 2020, l’Archevêque émérite de Lomé, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro qui avait soutenu sa candidature, le leader du Parti National Panafricain (PNP) Tikpi Atchadam par qui la grave crise sociopolitique de 2017 a éclaté, sont contraints à l’exil.

De plus, dans les geôles de la dictature moisissent depuis plusieurs mois, une centaine de prisonniers politiques dont une dizaine, victimes d’actes de tortures sont morts en détention. Le régime de Faure Gnassingbé s’est toujours opposé à leur libération.

Un autre fait concerne la fable de la tentative d’atteinte à la sûreté de l’État dont on avait accusé Kpatcha Gnassingbé et coaccusés en 2009. Depuis 14 ans, le demi-frère du chef de l’État et deux ses compagnons d’infortune, le Capitaine Dontema Casimir et le Commandant Abi Atti, gravement malades, sont toujours maintenus dans des conditions épouvantables en prison.

Cette diplomatie à géométrie variable de Faure Gnassingbé qui consiste à jouer au grand médiateur sur la scène continentale et à traquer les opposants à l’interne, ne vise qu’un seul objectif : se présenter comme le seul à même de diriger et d’assurer la stabilité du Togo. Et ainsi continuer à jouir indéfiniment du pouvoir…

Médard AMETEPE

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