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A quoi sert l’Assemblée nationale ? Plus de 30 ans et pas une seule proposition de loi votée


A un peu plus d’un an de la présidentielle pour laquelle le chef de l’Etat togolais se prépare à s’octroyer un cinquième mandat, le pouvoir a entamé un processus législatif dans le but de modifier la Constitution. L’objectif est clair, donner le champ libre à Faure Gnassingbé en lui offrant sur un plateau deux mandats supplémentaires. Alors qu’un autre coup d’Etat constitutionnel se prépare en douce, des partis de l’opposition ont les yeux rivés, eux, sur leur participation aux élections législatives, prévues au premier trimestre 2024.
Pourquoi les élections législatives sont-elles si convoitées par certains partis de l’opposition ? En effet, après une trentaine d’années à l’Assemblée nationale, sauf durant deux législatures, les députés de l’opposition togolaise n’ont jamais eu l’opportunité de faire voter une seule proposition de loi. Ce n’est pas qu’ils n’en ont jamais présentées, c’est juste qu’aucune considération n’est accordée à leurs propositions de loi par la majorité parlementaire toujours acquise, et de manière absolue, au pouvoir.
Au-delà de cela, aucune enquête parlementaire ni mission d’information n’ont jamais conduit à mettre en cause des auteurs d’éventuels malversations ou simplement de dysfonctionnements au sein de l’administration publique. A quoi sert donc une Assemblée nationale qui ne peut contrôler l’action gouvernementale, et plus précisément à quoi servent les députés qui se réclament de l’opposition s’ils n’ont aucune latitude à faire voter une proposition de loi ?
En fait, tout est orchestré pour que l’Assemblée nationale ne soit qu’une chambre d’enregistrement au service de l’Exécutif, sans jamais le challenger ni le mettre en difficulté. Et le député de l’opposition devient ni plus ni moins qu’un faire-valoir pour donner un vernis démocratique, afin de mieux cacher la vraie nature du régime… une dictature. Cette situation prend sa source dans les conditions iniques qui entourent l’organisation des élections législatives. Ce que l’opposition togolaise a toujours dénoncé avec véhémence et détermination.
Elle conteste la manière dont les inscriptions sur les listes sont faites et rejette le fichier électoral, elle désapprouve l’attitude ostensiblement partisane des institutions comme la Cour constitutionnelle, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Et bien sûr, elle réfute les résultats fabriqués sur mesure.
Au bout du compte, le parti au pouvoir s’octroie une majorité absolue à l’Assemblée nationale, ce qui lui permet de voter des lois sur mesure, sans laisser une marge de manœuvre aux députés de l’opposition pour faire passer des propositions de loi, en particulier quand elles sont en faveur des citoyens. Et accessoirement, c’est là un instrument servant à étouffer les scandales comme celui de la gestion des fonds destinés à la riposte Covid-19.
Au Togo, l’Assemblée nationale est une grande supercherie et les députés ne représentent en rien la Nation. Chacun des députés, y compris ceux de l’opposition, assis sur les bancs de cette noble institution ne le sont, directement ou indirectement, que par la bonne volonté de l’Exécutif. Au-delà d’être un artifice pour empêcher l’alternance, les élections au Togo sont devenues un instrument de confiscation du pouvoir. En clair, les élections ne servent à rien dans les conditions actuelles, elles ne sont pas transparentes, les dés sont pipés et elles n’ont aucun effet sur les politiques publiques.
Pour que l’élection retrouve ses vertus et redevienne un instrument de régulation de la vie politique, nous devons d’abord instaurer la démocratie et l’Etat de droit. Cela doit être la priorité de tous ceux qui aspirent aux libertés publiques. Pour cela, il faut éviter le piège des élections frauduleuses qui déchirent les forces pro-démocratie. Nous devons plutôt nous engager dans une lutte citoyenne, comme nos frères sénégalais l’ont fait en 2000 avec le mouvement « Sopi » qui a porté le président Abdoulaye Wade au pouvoir, et en 2012 avec le mouvement « Y’en a Marre » dont a bénéficié le président Macky Sall pour accéder à la magistrature suprême.
Sans nécessairement reproduire des schémas identiques, les Togolais doivent s’inspirer de ce qui est efficace ailleurs.
Gamesu
Nathaniel Olympio
Président du Cercle Kekeli
Cercle d’Etudes Stratégiques
Sur l’Afrique de l’Ouest

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