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Gabon : Mourir de Covid ou mourir de faim

« Entre deux maux, il faut choisir le moindre » (Jean de La Fontaine)

« Le Gabon, un pays riche où l’on vit pauvrement ». Cette phrase de la consoeur Cathérine Rebuffel de La Croix résume parfaitement à elle seule la situation du pays des Bongo. Le Gabon est un petit pays d’Afrique centrale riche en pétrole. Dans ce pays qui compte à peine 2 millions d’âmes, les populations devraient normalement vivre heureuses. Mais pendant 54 ans, le clan Bongo a fait main basse sur la rente pétrolière et toutes les richesses du pays, réduisant l’écrasante majorité de la population à la misère et à la pauvreté.

La pandémie du coronavirus et les mesures drastiques prises par le gouvernement sont venues aggraver la situation des Gabonais déjà peu reluisante. La désespérance sociale est telle que, de toutes les villes du pays, les populations ont bravé les interdictions pour manifester contre la paupérisation accentuée par les mesures restrictives anti-covid.

Dans la plupart des pays africains comme au Gabon, l’économie est dominée par le secteur informel.  Les populations vivent au jour le jour. Elles ne bénéficient pas d’aides sociales, n’ont pas de moyens pour s’approvisionner en nourriture, n’ont pas accès à l’électricité ni à l’eau potable. Du coup, les diverses mesures décidées par le gouvernement gabonais pour lutter contre la propagation de Covid-19, notamment l’instauration du couvre-feu dès 18 heures, l’interdiction d’entrées et sorties de Libreville vers les provinces, l’interdiction de certaines activités commerciales, etc. sont jugées iniques et suicidaires par les Gabonais.

Entre mourir de faim et mourir de coronavirus, les populations ont fait le choix.  Comme la faim tue plus vite, elles ont préféré se mobiliser dans les rues, à travers la « révolution des casseroles ». Le mouvement de contestation contre les nouvelles mesures anti-Covid-19 a été enclenché dans la nuit du 17 février, dans un déluge de concert de casseroles. Tous les outils sont bons pour donner de la voix. Casseroles, fûts, bouteilles plastiques, couvercles de marmites et même les portails de certaines maisons, les Gabonais n’ont pas lésiné sur les moyens pour manifester contre les mesures imposées par les autorités.

Durant deux heures d’horloge, ils ont fait du tintamarre. Certains sont restés chez eux dans leurs maisons, sur les balcons, beaucoup d’autres sont descendus dans les rues sous la pluie en frappant bruyamment sur les casseroles et autres ustensiles de cuisine et en scandant des chants de protestation.

Selon Voaafrique.com, les manifestants reprochent aux autorités une gestion hasardeuse, opaque et arbitraire de la pandémie. Plus précisément, ils dénoncent l’imposition d’un couvre-feu à partir de 18 heures, la fermeture obligatoire des magasins vers le milieu de l’après-midi et l’obligation que certains employés produisent chaque semaine un test covid négatif, pour lequel ils doivent payer de leur propre poche.

Mais la manifestation a été réprimée dans le sang. Deux manifestants au moins ont été tués par balles à Libreville. Malgré la violente répression, ils étaient plus nombreux le lendemain dans l’ensemble des villes du Gabon à clamer leur mécontentement.

Le Gabon n’est pas pionnier dans « la révolution des casseroles ». Chez le frère Dupont du Gabon, le Togo, les femmes surtout à l’avant-garde de la contestation, avaient multiplié en 2013 des actions contre le régime de Faure Gnassingbé à travers des marches rouges, de la grève de sexe et des concerts de casseroles pour réclamer plus de démocratie et de justice.

Le Togo et le Gabon sont les deux plus vieilles dictatures en Afrique où les familles Gnassingbé et Bongo règnent sans partage depuis 54 ans. Autre point commun, les deux pays ont connu une dévolution monarchique du pouvoir où les fils Faure Gnassingbé et Ali Bongo ont été portés au pouvoir par l’armée à la suite du décès de leurs pères dictateurs. Il est difficile d’évoquer l’un sans parler de l’autre.

Médard AMETEPE

 

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