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Les heurs et malheurs de Yahya Jammeh

« C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser : il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites […] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (Montesquieu)

Le président gambien Adama Barrow s’est engagé à juger les responsables des crimes commis sous la dictature de Yahya Jammeh dont l’ancien autocrate lui-même. En 2017, la Gambie a  initié un processus de réconciliation, Commission Vérité, réconciliation et réparations (TRCC) qui, après deux années d’enquêtes -auditions de victimes, de témoins et d’auteurs des crimes-, a recommandé dans un rapport des poursuites judiciaires devant un tribunal international contre l’ancien dirigeant et plusieurs de ses complices.

La société civile, les associations de victimes et le Barreau gambien accentuent la pression sur Adma Barrow pour que les responsables des crimes répondent de leurs actes. La question que tout le monde se pose est si l’ancien président qui coule des jours heureux à Malabo sera extradé, même s’il n’existe aucun accord entre la Gambie et la Guinée Equatoriale.

Mais les organisations de la société ne lâchent pas la pression et tentent de mobiliser le régime de Barrow pour qu’il se rapproche de la Cedeao et de l’UA afin de faciliter l’extradition de Yahya Jammeh, accueilli en Guinée équatoriale et protégé par le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.

L’ancien autocrate mégalomane de la Gambie n’aurait jamais pensé qu’il fuirait un jour son pays la queue entre les jambes et serait dans une situation délicate aujourd’hui. Lui qui à ses heures de gloire, faisait voir de toutes les couleurs à ses compatriotes. Se prenant pour un être supra, il avait marqué son pays par sa tyrannie et son pouvoir hégémonique.

Le respect des droits de l’homme n’a jamais été sa tasse de thé. Paranoïaque et voyant des complots partout, il avait truffé sa garde présidentielle de ses parents et verrouillé le jeu politique. Sa redoutable police, la Nia, traquait impitoyablement les opposants ou les contraignait à l’exil. Beaucoup de Gambiens avaient disparu dans les geôles de la sinistre prison de Miles 2, ou passé carrément de vie à trépas

L’inénarrable satrape de Banjul se plaisait à répéter qu’il restera un milliard d’années au pouvoir tant que Dieu lui prêtera vie. Et dans sa mégalomanie, il avait nourri le projet de se courroner roi devant lui conférer la présidence à vie. Un projet qu’il n’a pas pu mener à terme, puisqu’il avait été défait dans les urnes et contraint de céder le pouvoir.

La situation de Yahya Jammeh devrait servir de leçon à ces tout-puissants dirigeants africains dont la cupidité et la pulsion sauvage du pouvoir les conduisent à des dérives et excès. Ils se prennent pour des demi-dieux dans leur pays, s’accrochent de toutes les forces au pouvoir, et oppriment leur peuple. Le pouvoir n’est pas éternel ni une garantie à vie comme ils le pensent. Tôt ou tard, ils seront appelés à le rendre et à rendre des comptes pour ceux qui ont des placards trop pleins de cadavres.

« La possession du pouvoir corrompt inévitablement la raison », disait Emmanuel Kant. Le Guinéen Alpha Conda aura payé de sa réputation cet appétit insatiable pour le pouvoir. On a vu récemment une image de lui affaissé dans comme un légume, le visage hagard et perdu dans un lit d’hôpital à Istanbul.

Les expériences de ces deux autocrates déchus, Yahya Jammeh et Alpha Condé serviront-elles de leçon aux autres ?

Médard AMETEPE

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