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La justice freine les ambitions d’Uhuru Kenyatta

«L’Afrique n’a pas besoin d’homme fort, mais d’institutions fortes» (Barack Obama)

Des institutions solides et fiables constituent un socle pour la démocratie. Au Kenya, la justice a débouté le président Uhuru Kenyatta à propos de la réforme constitutionnelle qu’il a initiée un an avant l’élection présidentielle devant lui permettre de prolonger son bail à la tête du pays. Le pouvoir est une drogue dure. Une fois qu’ils ont goûté l’ivresse du commandement, ils ne peuvent plus s’en passer. Ils rusent avec les textes pour prolonger la jouissance du pouvoir. Des manœuvres politiciennes qui ont permis à certains dirigeants en Afrique de l’Ouest –Faure Gnassingbé, Alassane Dramane Ouattara, Alpha Condé- de s’éterniser au pouvoir.

Mais au Kenya, la justice a contrecarré les ambitions du président Uhuru Kenyatta. Il va devoir vider le plancher au terme de ses deux mandats autorisés par la Constitution. Vendredi, la Cour d’appel a confirmé l’illégalité du processus de révision constitutionnelle lancé par le président kenyan. Cette réforme, baptisée « Building Bridge Initiative » (BBI), vise à modifier la constitution de 2010 – qui a instauré un régime présidentiel – pour créer notamment un poste de Premier ministre, deux de vice-Premier ministre et un de chef de l’opposition et augmenter le nombre de sièges au Parlement.

Pour le promoteur, cette réforme doit permettre d’atténuer le système actuel du « vainqueur rafle tout », cause des conflits post-électoraux qui ont jalonné l’histoire du pays. Cet avis n’est pas partagé par de nombreux Kenyans qui y voient des manœuvres à la Poutine et Medvedev, c’est-à-dire passer la main tout en ayant l’assurance de garder le pouvoir à travers le poste de Premier ministre.

Le texte divise aussi le pouvoir législatif et judiciaire. Si le parlement a donné son feu vert à la réforme, la justice, elle, y a opposé une fin de non recevoir. Le président de la Cour d’appel, Daniel Musinga a estimé que le président Uhuru Kenyatta n’a pas le pouvoir d’initier des modifications de la Constitution : « Un amendement constitutionnel ne peut être initié que par le Parlement ou par initiative populaire ».

Le Kenya a toujours brillé par la solidité de ses institutions, ce qui n’est pas le cas de plusieurs pays africains où les institutions sont inféodées au régime en place. Déjà en 2017, la Cour suprême kényane avait suscité l’admiration du continent et du reste du monde, suite à sa décision historique d’invalider l’élection présidentielle et la victoire de Uhuru Kenyatta pour fraudes électorales.

Au Togo par exemple, les institutions censées contrôler le pouvoir, en font plutôt partie intégrante. Elles sont toutes assujeties au régime. Résultante, elles ne disent jamais le droit. A leur tête ne se trouvent pas de corps de serviteurs exemplaires, mais de zélés militants dévoués corps et  âme à la dictature. L’Assemblée nationale, composée de 100% des députés du parti au pouvoir et de ses alliés, s’est transformée en une chambre d’enregistrement et depropagande qui « chante et applaudit le nom du président de la République ».

Dans les pays voisins, notamment au Bénin et au Ghana, les institutions impliquées dans l’organisation des élections ont permis l’alternance démocratique. Dans notre pays par contre, ce sont ces institutions, chefs d’orchestres des fraudes électorales massives, qui renforcent la tyrannie. Il est vain d’espérer dans ces conditions un quelconque changement.

Médard AMETEPE

 

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