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Est-Mono : La dangereuse politisation de la chefferie traditionnelle

Le 04 mai dernier, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires, Payadowa Boukpessi a abrogé l’arrêté N° 0250/MATDCL du 02 avril 2015 portant reconnaissance officielle de la désignation par voie coutumière de M. Orreh Kodjo comme chef de village de Oligo dans le canton de Badin. Nous sommes dans la préfecture de l’Est-Mono, tenue d’une main de fer par le Colonel Koumah Biténéwé, ancien Directeur de Cabinet du ministère de la Défense. Déjà, une autre demande de reconnaissance est introduite auprès du ministère de l’Administration territoriale.

Un conflit aux relents politiques

Il est de notoriété publique que la nomination de militaires à la tête des préfectures constitue pour le régime en place une façon de soumettre les populations. Cela passe par l’intronisation d’autorités traditionnelles soumises ou acquises à la cause de ceux qui régentent le pays. La préfecture de l’Est-Mono n’échappe pas à cette règle.

Désigné en 2011 par ses frères pour occuper le trône de la chefferie traditionnelle du village d’Oligo, Togbui Orreh Kodjo a eu son arrêté de reconnaissance le 02 avril 2015. Six ans après, il perd son arrêté, dans une ténébreuse affaire de faux et usage de faux. Cet arrêté d’abrogation est source de conflit dans la localité, puisque nombreux sont ceux qui y voient une déviance politique de la chefferie traditionnelle.

Selon les témoignages reçus de proches de ce chef de village déchu, les déboires ont commencé avec l’arrivée dans la préfecture du préfet-colonel. « Il est considéré comme un opposant et donc indigne de porter le titre de chef de village sous le règne d’un cacique du régime », rapporte une source qui évoque des écarts de langage de la part de l’autorité préfectorale. « Depuis 2016, les rapports entre le chef du village et le préfet ont été tendus. Pas parce que le garant des us et coutumes se comporte mal, mais à cause de son patronyme qui se prononce de la même façon que celui d’un responsable politique de l’opposition », souligne une autre source.

N’allez pas chercher loin. Il s’agit de Djimon Oré, président du Front des patriotes pour la démocratie (FPD), actuellement dans les geôles de la dictature pour ses opinions. C’est vraisemblablement le fait de porter le même nom que l’ancien député de l’Union des forces du changement (UFC) qui a valu au chef du village de Oligo d’être étiqueté « opposant ». Pourtant, les deux hommes ne sont ni de la même localité, encore moins de la même famille. Le député Djimon Oré est de Kamina et le chef traditionnel, de Badin. Deux localités distinctes.

Il faut souligner aussi, selon nos recoupements, qu’en pays Ifè, se prénomme Oré ou Orreh toute personne habilitée à faire des rituels, prières et libations à une divinité donnée. Dans le cas d’espèce, les familles Orreh de Oligo sont prêtres du couvent Hébiesso alors que les Oré de Kamina sont prêtres du couvent Tchakpana. On peut en conclure aisément que les deux familles ne sont aucunement liées.

Pour arriver à faire démettre le chef traditionnel, ses détracteurs sont retournés à sa désignation. A l’époque, le conseil coutumier s’est réuni pour désigner le futur chef du village. Après la rédaction du procès-verbal, l’un des membres du conseil aurait demandé à une tierce personne d’apposer une signature devant son nom. Ce qui a été fait. C’est donc cette signature qui est contestée, et l’affaire a été portée à la connaissance des tribunaux qui ont naturellement donné raison à celui qui conteste sa signature. La signature ainsi contestée, le procès-verbal de désignation est remis en cause. Le chef est accusé de faux et usage de faux, et perd son titre. Les personnes incriminées ont fait appel de leur condamnation par la justice.

Mais depuis le mois de juillet, les choses semblent aller très vite pour la désignation d’un nouveau chef de village. Déjà, le Comité Villageois de Développement (CVD) a été changé et d’autres membres « imposés ». Dans la foulée, un nouveau conseil coutumier a été mis en place, ceux ayant désigné Togbé Orreh ayant été exclus du processus. Selon les informations, les dossiers du prochain chef de village ont été déjà transmis au ministère de l’Administration territoriale par les soins du préfet-colonel.

G.A.

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