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Développement du chemin de fer : 11 ans de vaine propagande au Togo, réalité au Ghana

Il y a 11 ans, on annonçait aux Togolais que le pays serait traversé du nord au sud par ce qu’on avait dénommé « Fleuve de l’espérance », un ensemble composé d’infrastructures routières et ferroviaires pour booster le développement des activités économiques avec les pays de l’hinterland. Aujourd’hui, c’est le port concurrent de Tema au Ghana qui est sur le point de réaliser ce que Faure Gnassingbé & Co ont fait miroiter au peuple. Alors que ce n’était que pure argument de campagne électorale.

Quel mensonge n’étalerait pas le régime actuel pour se donner une contenance et paraître s’intéresser au sort de l’économie togolaise ? Pour se faire élire et faire croire qu’il avait une vision pour le Togo, l’actuel chef de l’Etat n’avait pas hésité à brandir sa trouvaille du moment : le « fleuve de l’espérance ». C’était peu avant l’élection présidentielle du 4 mars 2010.

Pour le club de rêveurs, ce projet comportait la construction d’une autoroute reliant Lomé à la frontière du Burkina Faso, et un chemin de fer pour connecter le Togo au réseau ferroviaire de la CEDEAO. Dans les argumentaires, il était dit que « Le « Fleuve de l’Espérance est un projet ambitieux de facilitation du transport maritime dont le Port Autonome de Lomé est un hub incontournable, qui sera bénéfique pour la fluidité, la rapidité et la sécurité des transactions des pays sans littoral (Burkina Faso, Mali, Niger) et d’autres pays de la côte atlantique qui n’ont pas de port en eau profonde (Bénin, Ghana, Côte d’Ivoire) et qui ne peuvent donc pas recevoir les navire gros porteurs ». En ce temps, le Togo était, dans les illusions des autorités togolaises, le seul pays pouvant disposer d’un port en eau profonde sur la côte ouest africaine.

Mais à quoi les populations ont-elles assisté ? Bien que l’exploitation du fer par exemple nécessite des voies ferrées pour le transport, un permis d’exploitation a été délivré à la société MM Mining qui a eu à convoyer des tonnes de minerais via le réseau routier Bassar-Sokodé et Bassar-Kara pour arriver au port de Lomé. L’une des conséquences fut la dégradation des deux voies routières. Et l’Etat togolais doit décaisser beaucoup de milliards pour réhabiliter ces voies.

L’autre conséquence, la société minière a plié bagages, abandonnant la montagne de fer. Plus de onze ans après l’annonce, aucune amorce de projet de chemin de fer, si ce n’est l’enfumage du groupe Bolloré qui, entre temps, avait aussi fait rêver avec ses machins de « Blue zone » et « Blue line ». Depuis, plus rien.

Mais si l’hibernation a gagné les esprits ici, du côté ouest du pays, ça bouge, avec du concret. Le port de Tema a été réhabilité et dispose de capacités pour se mesurer désormais au port autonome de Lomé. Les autorités ghanéennes sont allées plus loin et parlent depuis ce mois de connexion entre le port de Tema et le Burkina Faso via…un chemin de fer !

Une liaison Tema-Ouagadougou dès le 1er trimestre 2022

Une ligne qui reliera le port de Tema à la capitale Ouagadougou pour transporter quelque 3 millions de passagers et 17 millions de tonnes de fret par an, sur une distance de 1102 kilomètres et pour un coût estimatif de 4,7 milliards d’euros. Trois consortiums, China Railway, African Global Development et Frontline Capital Advisors devront se partager la construction de ladite ligne dont 320 km partiront de la frontière du Burkina jusqu’à Ouagadougou et 782 km s’étaleront depuis le port de Tema au Ghana jusqu’à la frontière avec le Burkina Faso. Tels sont quelques chiffres dévoilés du projet lors d’une conférence de presse le 25 mars 2021.

Concrètement, les deux parties entameront les négociations finales le 30 novembre 2021 et dès le 1er trimestre de l’année 2022, les travaux de démarrage vont proprement commencer, promet M. Vincent Dabilgou, ministre burkinabè des Transports aux côtés de celui du Développement du chemin de fer ghanéen, John Peter Amewu’s. A ce jour, le Burkina Faso ne disposait que de la ligne ferroviaire Abidjan-Ouagadougou comme principal débouché maritime via la Côte d’Ivoire. Autant dire que dans quelques années, la diversification et l’accroissement des mouvements de personnes et de marchandises seront une réalité. Pour le plus grand bonheur de l’économie burkinabè.

Et que deviendront les mouvements entre le Togo et le Burkina Faso ?

Le port de Lomé est essentiel à l’économie togolaise. Sa douane l’est encore plus. Les pays de l’hinterland font transiter leurs marchandises par la capitale togolaise. Mais seulement par voie terrestre.

Que se passera-t-il lorsque la voie ferrée, qualifiée de plus sécurisée prendra forme de l’autre côté ? La situation est d’autant plus inquiétante que Tema n’est pas si loin de Lomé et nombre d’opérateurs économiques pourraient opter de faire passer leurs marchandises par cette future liaison. Au détriment du port de Lomé. Avec pour impact une contraction des recettes douanières.

Les autorités togolaises ont lancé un plan national de développement (PND) évalué à près de 7 milliards d’euros ou 4622 milliards FCFA dont 65% seront financés par le secteur privé. A deux ans de la fin dudit plan, aucun bilan à mi-parcours ne permet de dire le niveau de réalisation. Le projet de construction de chemin de fer n’est plus évoqué nulle part dans les discours.

Mais les voisins de l’ouest n’ont pas fait de tapage médiatique autour de leur ligne ferroviaire ; ils sont dans le concret, sans bruit. Des infrastructures émergent de terre sans que les autorités de ce pays n’embouchent la trompette. Pour dire qu’au final, la bonne gouvernance, ce n’est pas des bruits sans effet, ni des effets d’annonce. Mais bien du concret. En 2022, le Ghana lancera son projet prometteur pendant que le Togo « achèvera » son PND sans impact.

Godson K.  

 

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