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Dérives autoritaires dans la gestion de la Covid-19 : La part de responsabilité des députés

Il est évident aux yeux de l’opinion que la gestion de la crise sanitaire au Togo est faite avec brutalité. Ce n’est pas la cheffe du gouvernement qui va démentir l’évidence puisqu’elle a déclaré devant les députés qu’il est l’heure de faire peur. « Nous devons commencer à faire peur », avait déclaré Victoire Tomégah-Dogbé. Cette déclaration est la parfaite illustration de la gestion de la Covid-19 par le gouvernement. Les députés, pour avoir délégué leur pouvoir au gouvernement, et pour s’être murés dans le silence, sont également responsables des dérives autoritaires de l’exécutif.

Dans la droite ligne de cette technique de la peur, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires, Payadowa Boukpessi, a fait sortir un communiqué fixant de nouvelles règles par rapport aux activités religieuses dans le pays. Il annonce la réouverture de tous les lieux de cultes légalement constitués, mais impose la présentation d’un pass vaccinal à l’entrée des églises et mosquées. « Le gouvernement précise que l’accès aux lieux de culte est désormais subordonné à la présentation d’un pass vaccinal contre la covid-19 ou d’un test PCR négatif datant de moins de 3 jours. Cette mesure qui deviendra effective à partir du 3 décembre 2021, est indispensable pour poursuivre la lutte contre la covid-19 particulièrement dans cette période de préparation des fêtes, source de grands rassemblements favorables à la propagation du coronavirus», décide le ministre.

Cette décision a été unanimement condamnée par les organisations religieuses. Et dans les débats, l’usage excessif de bâton pour juguler la crise sanitaire est dénoncé. « Le gouvernement ne peut pas imposer cette mesure », ressasse-t-on. Et c’est une réaction tout à fait normale que de condamner une telle décision. Mais tout en déplorant l’action de l’Exécutif, on doit avoir un regard critique envers le pouvoir législatif, représentant le peuple, soit-disant.

La responsabilité partagée des députés

Le Togo n’est pas le seul pays à faire face à la pandémie du coronavirus, mais le pays a déjà battu le record de l’Etat d’urgence sanitaire qui court jusqu’en septembre 2022, soit deux ans et demi au total. Ce quitus, le gouvernement l’a obtenu des députés qui se sont défaits de leur pouvoir au profit d’un exécutif déjà surpuissant. En déléguant leur pouvoir au gouvernement, les députés l’ont rendu encore plus puissant. Sous d’autres cieux, l’Etat d’urgence est décrété pour trois mois, six au maximum et les députés reprennent toute leur autorité à la fin du temps accordé au gouvernement.

C’est tout le contraire au Togo. En septembre 2021, la cheffe du gouvernement était devant les parlementaires pour solliciter une rallonge de six mois de l’Etat d’urgence sanitaire. Reconnaissants de la chance qu’ils ont d’avoir été cooptés pour remplacer ceux qui exigeaient une meilleure gestion, Tségan Yawa et ses collègues ont décidé d’accorder douze mois au gouvernement. Le double de ce que sollicitait l’exécutif. S’il est admis que la majorité UNIR à l’Assemblée nationale peut se comporter en véritable collaboratrice du gouvernement, ceux qui y siègent et se réclament à tort de l’opposition devraient réfléchir autrement.

Le mal, c’est qu’après s’être défaits de leur autorité, les députés restent muets devant les égarements du pouvoir. Ils sont plutôt complaisants. La preuve, depuis que des décisions impopulaires sont prises pour coincer davantage un peuple déjà asphyxié, aucun groupe parlementaire n’est monté au créneau pour rappeler le gouvernement à l’ordre. Ils sont restés silencieux.

La preuve, quand le Premier ministre déclarait devant l’Assemblée nationale qu’il faut faire peur aux Togolais, ils n’ont pas réagi. Et pourtant, cette déclaration devrait susciter une levée de boucliers de la part des députés. Cela doit les faire sortir de leur léthargie et faire reculer la cheffe du gouvernement qui se sentirait dans l’obligation de présenter des excuses. Dans une démocratie, Tomégah-Dogbé aurait été démise ou aurait démissionné dans les heures qui ont suivi ce discours. Dans la « démocratie » à la Faure Gnassingbé, on ne démissionne jamais, peu importe la gravité des faits.

Revenant à la sixième législature, il faut simplement reconnaître que les députés qui la composent sont si soumis qu’ils n’ont jamais osé contrôler l’action du gouvernement. Pourtant, ils disent avoir été élus. S’ils l’étaient réellement, ils allaient se sentir en danger, du moins pour ceux qui veulent avoir une carrière politique et des mandats issus de vraies élections. Le fait de ne pas défendre son électorat est un péché que les vrais hommes politiques ne commettent pas. Seuls ceux qui veulent en faire un tremplin pour s’ouvrir d’autres horizons peuvent tourner le dos à leur électorat ; peu importe le choix de ce dernier dans les urnes.

« Face à l’injustice, le silence est coupable », dit la poète engagée Mireille Bertrand Lhérisson. Les députés actuels ont leur part de responsabilité dans les dérapages du gouvernement Victoire Tomégah-Dogbé. Et pour peu que ceux qui se disent de l’oposition véritable veuillent taire leur égo et resserrer les rangs dans l’optique des prochaines joutes électorales, les sanctions ne devraient pas tarder à se faire ressentir dans les urnes envers les députés nommés.

G.A.

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