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Délocalisation du village de Sagonou (Zio) : La SNPT foule aux pieds les principes ITIE

Une pétition lancée vendredi 15 octobre relance le débat sur la délocalisation de la population de Sagonou dans le cadre de l’extension de la mine de phosphates de la Société nouvelle des phosphates du Togo (SNPT). La population dénonce une violation des normes internationales relatives à la délocalisation et à la réinstallation.

Depuis une vingtaine d’années, la SNPT a entrepris des démarches dans le but d’étendre sa mine en y incluant le village de Sagonou situé dans le canton d’Abobo, préfecture de Zio. A l’époque, un recensement de la population et des habitations existant sur la zone convoitée a été fait. C’était en 1999. L’année suivante, la SNPT a procédé à un deuxième recensement. Et pour ne pas être lésés dans ce processus d’indemnisation, les habitants de Sagonou ont exigé et obtenu la mise en place de certaines structures. Il s’agit, entre autres, du « Comité de pilotage de la délocalisation du village de Sagonou ». Son rôle : servir d’interface entre la population concernée et la société d’exploitation des phosphates. Dans le même contexte, un « Comité de développement à la base » a été créé et investi du pouvoir pour parler au nom des habitants touchés par cette délocalisation. « Toutes ces deux entités, aidées par d’autres, suivent de près le processus devant aboutir à l’évacuation en vue de pouvoir exploiter le minerai dans le sous-sol », indiquent les populations dans une déclaration publiée le 15 octobre 2021.

Contre toutes attentes, le processus qui suivait son cours normal a été suspendu par des initiatives visant à accélérer les choses et léser les habitants de Sagonou. Et pour cause, en lieu et place d’un processus d’indemnisation respectant les normes internationales auxquelles est partie le Togo, Michel Kézié (DG de la SNPT) initie un règlement à l’amiable, comme si la population avait refusé de se faire indemniser. En présence du préfet de Zio (Etsè Kodjo Kadévi), le chef canton d’Abobo (Togbui Roger Toffa VIII) et le chef du village de Sagonou (Togbui Afatchao Kodjo Akpalo III) signent avec la SNPT un Procès-verbal d’accord amiable.

Au point 2 de cet accord, il est écrit que le chef du village de Sagonou et les populations dudit village s’engagent conjointement et solidairement à mettre tout en œuvre pour le dégagement aux fins d’exploitation minière des aires habitées qu’ils occupent. Pour la population, il s’agit d’une initiative solitaire du chef. « Alors qu’il existe encore plusieurs points en suspens qui n’ont pas encore trouvé de solutions, le chef canton d’Abobo et le chef du village de Sagonou, pour des raisons qu’eux seuls maîtrisent, sont partis signer un accord à l’amiable avec la SNPT. Les procès-verbaux qu’ils ont signés ne tiennent pas compte, en grande partie, des recommandations préalables du Comité de pilotage et du Comité de développement à la base. Tout porte à croire que la Société nouvelle de phosphates du Togo veut, à travers cette manœuvre, diviser pour mieux imposer ses décisions aux communautés », écrivent les populations.

Elles précisent qu’une lettre de protestation en date du 11 octobre 2021, a été envoyée au DG de la SNPT. Dans cette lettre, « les populations contestent les signatures du chef du village de Sagonou et du chef canton d’Abobo, demandant à la SNPT de revenir à la table de négociations avec leurs vrais représentants afin que des solutions consensuelles soient trouvés aux nombreux points non encore vidés ». C’est tout le contraire que prône la SNPT puisqu’au point 2-1 de cet accord amiable, le procès-verbal indique que les populations « reconnaissent la validité de l’inventaire dressé par la SNPT et approuvent les dispositions du plan d’action de réinstallation de leur localité ». Mais pour les populations, la SNPT ne peut pas faire fi de l’évolution de la population et se baser sur un inventaire effectué en 2000.

La précipitation dans laquelle s’activent le DG de la SNPT et les chefs traditionnels impliqués dans ce cafouillage se manifeste au point 2-2 de l’accord dénoncé. « Dès ce jour, ils abandonnent définitivement leurs habitations et annexes dont ils laisseront la libre disposition à la SNPT dès qu’ils seront en mesure de se reloger sur le nouveau site. Le fait que les habitations actuelles soient tout ou en partie occupées par des usagers ne pourra, en aucun cas, être évoqué pour justifier un empêchement ou un retard à l’exécution du présent accord », conviennent Michel Kézié et les têtes couronnées. Avec cette clause, la SNPT se donne les moyens pour démolir les habitations quand elle le voudra. En d’autres termes, les populations n’auront pas la possibilité ou le temps de contester leur indemnisation si elles ne sont pas satisfaites.

Il faut préciser que le Togo a adhéré à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) qui dicte les normes en cas de délocalisation. A ce titre, des principes doivent être respectés. Il s’agit du principe de consultation et de participation communautaires durant toutes les étapes du processus. Cela est vicié à travers l’accord signé sans l’aval des populations. Il y a ensuite le principe de transparence exigeant la divulgation et la disponibilité de toutes les informations relatives au processus de délocalisation et de réinstallation des communautés. A l’allure que prend ce processus, les populations n’ont pas les informations nécessaires. On parle aussi du principe d’identification et d’évaluation préalables des biens appartenant individuellement et/ou collectivement aux membres des communautés concernées. Avec un inventaire effectué en 2000, les biens de la communauté ne seront pas indemnisés à leur juste valeur.

Les autres principes qui suscitent indignation et révolte au sein de la population concernent le principe d’indemnisation et de compensation préalables des biens des membres des communautés affectées pour toute perte des biens, le principe d’aménagement préalable du nouveau site de réinstallation avant le déplacement, et le principe d’octroi d’un délai raisonnable aux personnes touchées avant le processus de délocalisation. L’indemnisation n’a pas encore été faite, le nouveau site n’a pas encore été aménagé et aucun délai n’est donné aux populations. En parfaite violation de ces principes, l’accord bancal signé indique au point 1-2 que : « l’indemnisation sera versée au fur et à mesure de l’avancement par corps d’état des travaux de reconstruction. Le dernier versement interviendra le jour de la destruction définitive des habitations et annexes comptabilisées lors de l’inventaire ».

Si on s’en tient à la dernière phrase, on peut conclure que les populations ne seront pas entièrement indemnisées si leurs habitations ne sont pas complètement démolies. Donc en attendant le dernier versement de l’indemnisation, elles vont dormir à la belle étoile.

G.A.

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