Politique

Dialogue de décrispation/Et si Faure Gnassingbé imitait Patrice Talon ?

Cela ne gage de rien et difficile de conclure que le Bénin connaitra l’apaisement, après un moment de « talonnade » démocratique. Mais Patrice Talon a tout de même tracé la voie, avec un dialogue initié dont les recommandations sont transformées en projets de loi transmis à l’Assemblée nationale. Une démarche qui devrait inspirer Faure Gnassingbé, à l’orée de l’élection présidentielle cruciale de 2020 qui charrie déjà tensions et appréhensions…

Talon tente d’apaiser le Bénin par un dialogue

Le Président béninois a organisé, du 10 au 12 octobre derniers, un dialogue politique. La rencontre a été boudée par une partie de l’opposition présentée comme la plus représentative. Qu’à cela ne tienne, les travaux ont eu lieu, sous la présidence de Patrice Talon lui-même et avec l’ancien ministre Victor Topanou comme rapporteur général et ont accouché des recommandations.

Ce qui est intéressant à souligner, c’est que les sujets qui créent des crispations et frustrations ont été abordés, même en l’absence des poids lourds de l’opposition. Il s’agit de la charte des partis politiques dont des dispositions sont jugées discriminatoires et ont écarté l’opposition représentative des dernières élections législatives, de même que la loi électorale. Et des propositions ont été formulées pour rectifier le tir et ramener l’apaisement.

Il a été prescrit un toilettage de ces lois, afin de favoriser la participation de tous les partis politiques aux prochaines compétitions électorales. Des mesures d’apaisement ont été également formulées sous forme de doléances dont la libération des prisonniers politiques et l’abandon des poursuites à caractère politique. Il a été par ailleurs suggéré une amnistie générale afin que les opposants contraints à l’exil puissent rentrer au pays.

Le dialogue, disions-nous, a été boycotté par l’opposition traditionnelle qui a organisé à la même période un contre-dialogue appelé « Les assises de la résistance » et rendu publiques ses exigences dont la dissolution de l’Assemblée nationale issue des élections législatives du 28 avril 2019, la reprise de ce scrutin et une amnistie générale pour les prisonniers et les exilés. Mais les recommandations consignées et transmises à Patrice Talon font la part belle aux exigences de l’opposition traditionnelle.

 « Les propositions formulées feront l’objet d’une appréciation attentionnée de la part de mon gouvernement », avait déclaré Talon le samedi 12 octobre, lors de la réception du rapport. Et comme promis, les recommandations ont été transformées en avant-projets de lois par un Comité technique mis en place qui a remis le vendredi dernier son rapport au Président Talon, qui l’a transmis à son tour au Président de l’Assemblée nationale. On parle de cinq avant-projets de lois qui modifient les dispositions discriminatoires  dont le code électoral, la charte des partis et autres. Même si les députés sont en session budgétaire, ces projets de lois pourraient même passent en procédure d’urgence.

Certes, personne ne sait le sort qui sera réservé à ces recommandations et projets de lois ; mais il faut au moins saluer la démarche de décrispation tentée par Patrice Talon.

Du dialogue demandé à Faure Gnassingbé

Des dialogues, c’est ce qu’il y a eu de moins rare au Togo, de toute son histoire politique mouvementée. Le dernier consécutif à la récente crise politique s’est soldé par un échec, à cause de la mauvaise foi du pouvoir, cautionné par la CEDEAO. Mais un nouveau dialogue avant l’élection présidentielle qui point à l’horizon ne serait pas de trop. Ce ne serait pas pour remettre en cause, comme avec l’opposition béninoise, les législatives du 20 décembre 2018, ni l’Assemblée qui en est issue, mais pour déblayer le chemin à une présidentielle moins heurtée. Et des appels à un dialogue se sont récemment multipliés au sein de l’opposition et des forces démocratiques en général ces derniers temps. Des leaders de partis de l’opposition, de même que des acteurs de la société civile ont aussi soutenu ces requêtes de dialogue. Lors de sa rencontre vendredi dernier avec des partis de l’opposition et des candidats, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro a réitéré tacitement cette requête…

Faure Gnassingbé à beaucoup à gagner dans un éventuel dialogue avant la présidentielle de 2020. C’est un secret de Polichinelle qu’il compte bien y aller, même s’il n’a pas pour l’instant pipé mot. Mais c’est aussi une évidence que le contexte politique mondial avec l’alternance au pouvoir devenue une routine ne plaide pas en sa faveur. Particulièrement dans l’espace ouest-africain où le Togo est le dernier bastion de la « démocrature », tous les pays ayant connu de changement de régime. Le pays a été à maintes reprises tancé de manquements démocratiques et est même parfois comparé à la Corée du Nord. Avec le 3e mandat déjà acquis en 2015, le « Prince » était déjà une curiosité dans la CEDEAO et dans le monde. Avec une éventuelle candidature à un 4e mandat, il va attirer davantage les regards sur sa personne.

L’imminence de l’élection présidentielle de 2020 fait monter la tension et suscite des appréhensions légitimes. Les présidentielles charriant beaucoup de passions et accompagnées de morts d’hommes, beaucoup de Togolais s’interrogent sur l’issue de ce scrutin, surtout que l’« homme simple » est décidé à conserver le pouvoir à tout prix. Ce dialogue requis lui offre l’opportunité d’apaiser le climat avant ce scrutin crucial. C’est une aubaine pour satisfaire les revendications légitimes de l’opposition qui se résument à une (simple) amélioration du cadre électoral. Ce qu’elle réclame, ce n’est nullement de la mer à boire, mais simplement la recomposition équitable des institutions électorales, notamment la Commission électorale nationale dite indépendante (CENI) et la Cour constitutionnelle, la création des conditions de transparence, l’audit du fichier électoral, un recensement ou une bonne révision des listes électorales sans aucune arrière-pensée, le respect du verdict des urnes…« Si ces conditions minimales sont concédées, seul l’électorat aura le dernier mot et départagera les candidats. Et là, personne ne va plus le tancer si c’est lui qui gagnait (…) Personnellement je ne voudrais pas le voir concourir à ce scrutin. Avec un tel dialogue et une élection clean, il rentrerait ainsi dans l’histoire», analyse un observateur.

Au finish, c’est Faure Gnassingbé lui-même qui a beaucoup plus à gagner d’un éventuel dialogue.

Tino Kossi

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