Politique

Affoh Atcha-Dedji fait ministre/ Les non-dits d’une nomination inattendue

 

Affoh Atcha-Dedji, ministre des Enseignements primaire et secondaire. Ainsi en a décidé Faure Gnassingbé jeudi dernier, par décret présidentiel. Volonté de doter (enfin) ce ministère d’un titulaire pour gérer ses problèmes ? C’est la justfication avancée à cette nomination. Mais loin de cette raison, cette décision cache bien d’autres motivations répondant à des soucis politiciens…

Doter le ministère d’un titulaire ?

Combler un vide laissé dans le gouvernement, c’est la motivation qui a été trouvée à cette nomination inattendue d’Affoh Atcha-Dédji, ce jeudi par décret présidentiel à la tête du ministère des Enseignements primaire et secondaire. Evidemment, c’est la joie dans les rangs des syndicats des enseignants, notamment la Coordination des syndicats de l’éducation du Togo (CSET).

«L’homme de la situation pour l’éducation », titre jubilatoire de republicoftogo.com. « C’est une très bonne chose d’avoir enfin un ministre de tutelle, ce que nous réclamions depuis longtemps (…) », aurait réagi dans la foulée le porte-parole de la CSET, Yaovi Atsou Atcha, qui a entre-temps disparu avant de réapparaitre. Il croit même dur comme fer que le nouveau ministre est à la hauteur des énormes défis du secteur. « Atcha-Dédji Affoh a fait ses preuves à d’autres postes. Nous apprécions son calme, son engagement et son professionnalisme. Il a laissé un bon souvenir partout où il est passé. C’est donc encourageant pour la suite», aurait confié le leader syndical.

Faut-il le rappeler, le ministère des Enseignements primaire et secondaire a été laissé vacant sans véritable titulaire depuis la formation du gouvernement Klassou II le 24 janvier 2019. Il avait été presqu’enlevé de l’équipe, d’autant plus que rien n’a été dit dans la première annonce de sa composition. Il a fallu que les syndicats d’enseignants fassent du bruit avant que pour les calmer, un communiqué ne vienne prétendre qu’il est rattaché à la Primature…

Un profil et un timing qui interrogent

Affoh Atcha-Dédji, l’homme de la situation ? Soit. Mais il est permis de douter, et cela n’a rien à voir avec les compétences intrinsèques du nouveau ministre des Enseignements primaire et secondaire. « Ce n’est pas un Suzanna Koulibaly, il connaît papier », dira-t-on dans un milieu.  Il a été formé en gestion et est nanti d’un DEA (Diplôme d’étude approfondie) en Science de gestion d’entreprise. Mais l’homme a plus un profil de télécommunicateur.

Affoh Atcha-Dédji s’identifie en effet plus comme un spécialiste en télécommunications. C’est un ingénieur en la matière, formé à l’Institut national de télécommunications en France. Sa carrière professionnelle commencée à l’Office des postes et télécommunications du Togo (OPTT) qui sera plus tard mutée en Togo Cellulaire est assez parlante de ce profil. Il dirigera à partir de 2008, et durant onze (11) bonnes années, cette société de téléphonie mobile, que ce soit sous sa forme originelle ou fusionnée avec Togotelecom sous le nom Togocom.

The right man at the right place, dit-on. Le bon sens aurait voulu que ce soit un enseignant qui soit nommé au ministère des Enseignements primaire et secondaire, en tout cas quelqu’un du secteur qui connaisse ses problèmes. Mais dans le cas d’espèce, c’est un télécommunicateur qui est parachuté pour administrer l’enseignement. Tout ce qui le rattache un brin au secteur éducatif, c’est qu’il a presté durant deux (02) ans comme enseignant dans les universités publiques et privées du Togo. Suffisant ? Rien n’est moins sûr.

Par ailleurs, le timing de la nomination bat en brèche l’argument même de dotation du ministère d’un titulaire pour gérer les problèmes des enseignants. Faut-il le rappeler, c’est depuis le 24 janvier 2019 que l’actuelle équipe gouvernementale a été formée. Le ministère des Enseignements primaire et secondaire est donc resté onze (11) mois durant sans titulaire. Généralement, le gouvernement est dissous au lendemain d’une élection présidentielle ou législative. La présidentielle de 2020, c’est dans deux mois à peine et une nouvelle équipe gouvernementale devrait être formée au lendemain de ce scrutin. Faure Gnassingbé a-t-il nommé Affoh Atcha-Dédji pour deux mois seulement? Le temps de prendre service et contact avec les différents départements de son ministère pour s’imprégner de ses problèmes, les deux mois seront déjà passés. Qu’est-ce qui justifie même l’urgence de cette nomination ? Autant de questions qui prouvent que les véritables motivations sont ailleurs…

Calme-cœur et enjeux politiciens

Ce parachutage d’Affoh Atcha-Dédji à la tête du ministère des Enseignements primaire et secondaire répond en fait à un double objectif. Cette nomination est d’abord un calme-cœur pour l’humiliation subie dans l’affaire de privatisation de « son » Togocom. C’est un secret de Polichinelle que l’ancien Directeur Général a été embêté sur toute la ligne dans cette histoire de cession concrétisée par la signature du contrat le 22 novembre dernier. Comme rapporté dans notre parution N°3034 du 26 novembre, alors qu’il est encore DG de la boîte, il a été mis à l’écart du processus régenté par la ministre des Postes, de l’Economie numérique et des Innovations technologiques, Cina Lawson dont on connaît les relations avec le « Prince», et en intelligence avec ce dernier…C’est sur les médias qu’Affoh Atcha-Dédji aussi aurait appris la finalisation de la privatisation de sa société. Le processus pour la passation de services le lundi 25 novembre dernier avec le nouveau boss Paulin Alazard ne s’est pas passé non plus dans les meilleures conditions. Le futur ministre des Enseignements primaire et secondaire a été presque chassé de son bureau …C’est une humiliation qu’il faut réparer à tout prix.

Au-delà d’être un calme-cœur pour le concerné, cette nomination d’Affoh Atcha-Dédji comme ministre sert aussi à calmer Tchamba, sa préfecture natale. Les populations doivent ruminer leur colère devant cette humiliation infligée à leur fils, et ce n’est pas à l’avantage du pouvoir RPT/UNIR à l’orée de l’élection présidentielle de février prochain. En plus, Atcha-Dédji n’est pas un militant ordinaire. C’est le Vice-président région Centrale du parti au pouvoir et surtout l’un des financiers des activités propagandistes et politiciennes du régime. On le dit le point focal de toutes ces manœuvres et utiliser souvent les ressources de la société de téléphonie pour ce faire. Il s’agit donc de le remettre dans le coup pour la présidentielle du 22 février prochain, et par extension concerner les populations de Tchamba, une préfecture où les velléités de percée du Parti national panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam sont aussi perceptibles. Certaines indiscrétions le disent même probable directeur de campagne du « Messi » togolais. Les semaines et/ou jours à venir situeront l’opinion.

 

Tino Kossi

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