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Macky Sall face à la sourde colère des Sénégalais

« Une frustration encourue au cours de longues années engendre la révolte, la soif de liberté » (Gilan)

Une vitrine de la démocratie en Afrique de l’Ouest, le Sénégal, est en train d’être brisée. Pays de longue tradition démocratique, le Sénégal est en pleine régression. En 2012, l’ancien président Abdoulaye Wade, après ses deux mandats autorisés par la Constitution, s’était refusé à ouvrir à son pays le chemin de la démocratie et de la stabilité. Contre l’avis de tous, Abdoulaye Wade était déterminé à se maintenir au pouvoir. Il a dû faire face à une forte résistance de la jeunesse sénégalaise qui s’était mobilisée pour lui barrer la route vers son troisième mandat. Humilié dans les urnes, le vieux Gorgui n’avait eu d’autre choix que d’accepter sa défaite.

Aujourd’hui, Macky Sall tente d’emboîter le pas à son prédécesseur. Bénéficiaire de l’alternance au sommet de son pays, le président sénégalais est fortement soupçonné de vouloir briguer à son tour un troisième mandat présidentiel. Ses faits et gestes de tous les jours tendent à confirmer cette thèse.

Macky Sall a instrumentalisé la justice à des fins politiques. Son régime utilise l’appareil judiciaire pour neutraliser ses adversaires politiques. D’abord Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, désigné porte-flambeau du Parti démocratique sénégalais (PDS) pour la présidentielle de 2019, avait fait les frais de la justice inféodée au régime de Macky Sall. L’ancien « ministre du ciel et de la terre » comme on le surnommait avait été condamné en 2015 par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) à six ans d’emprisonnement et 210 millions d’euros d’amende pour enrichissement illicite. Il avait été accusé d’avoir illégalement acquis un patrimoine de 178 millions d’euros par le biais de montages financiers complexes du temps où il était conseiller et ministre de son père. Il bénéficiera par la suite d’une grâce présidentielle.

Ensuite, l’ancien maire de Dakar, Kalifa Sall, un rival politique qui aurait pu faire ombrage à la candidature de Macky Sall, avait été embastillé. Ses ennuis judiciaires avaient commencé quand il s’était désolidarisé de la coalition bâtie autour de Macky Sall. L’ancien maire de Dakar avait été opportunément embastillé suite à une inspection d’Etat commanditée par la présidence sénégalaise. Il a été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour détournement de fonds publics. Il sera gracié à son tour en septembre 2019, après deux années et demie passées en prison. Mais il n’avait pas pu recouvrer ses droits civils et sa candidature au scrutin présidentiel avait été rejetée justement en raison de sa condamnation judiciaire.

Aujourd’hui, c’est au tour d’Ousmane Sanko, figure de l’opposition de faire les frais de la justice aux ordres de Macky Sall. Accusé de viols et menace de mort par une employée d’un salon de massage, le leader du parti Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) qui s’est déplacé en cortège au tribunal, a été arrêté le 3 mars pour trouble à l’ordre public. Son arrestation a mis le feu aux poudres. De violentes émeutes ont éclaté dans tout le pays. Dakar et plusieurs autres villes ont été le théâtre de scènes de guérilla urbaine entre les forces de l’ordre et des centaines de jeunes. Le bilan est lourd.

Quatre manifestants au moins ont été tués et d’importants dégâts matériels enregistrés.  « Depuis des mois, il y a un ras-le-bol généralisé dans la société sénégalaise. Le chômage des jeunes atteint des sommets, l’économie du pays a été très durement touchée par le coronavirus », explique Franceinfo Afrique.

Ces violentes émeutes viennent s’ajouter à celles enregistrées au Nigeria, en Guinée Conakry, en Côte d’Ivoire, tout récemment au Niger ou encore au Ghana pourtant connu pour sa stabilité politique. C’est un signal pour les dirigeants de la zone ouest-africaine en proie à une régression démocratique. Tant que des coups de canif seront portés aux lois fondamentales, tant que les élections continueront à être truquées, les libertés fondamentales restreintes et les opposants persécutés, les dirigeants subiront la colère d’une jeunesse avide de changement, de liberté et de justice.

Médard AMETEPE

 

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