Grand Reportage

Etude sur les dangers du gaz lacrymogène/ Hypotension, mort cellulaire, mutations et altérations génétiques

 

L’utilisation du gaz lacrymogène est au cœur du débat politique en France. Un rapport de l’association de toxicologie-chimie de Paris pointe les dangers du gaz lacrymogène sur la santé de l’homme, de l’animal et sur l’environnement. Ce rapport bien que reposant sur des données collectées pour la plupart en France et dans d’autres pays occidentaux devra intéresser les Togolais. Et pour cause, le pays a une longue tradition de manifestations publiques pacifiques souvent réprimées dans le sang et avec l’usage, toujours excessif, du gaz lacrymogène.

En août 2017, des manifestations populaires ont embrasé le Togo. Pour éviter sa chute, le régime des Gnassingbé a déployé un arsenal impressionnant digne d’un pays en situation de guerre. Dans de nombreuses villes, surtout à Lomé, et dans la région centrale, une pluie de gaz lacrymogène s’est abattue sur les populations. Malheureusement, cela n’est pas sans conséquences sur la santé de ceux qui y ont été exposés. Efficaces pour disperser la foule, les gaz lacrymogènes utilisés par les forces de l’ordre pourraient être très nocifs pour la santé.

En introduction de ce rapport, les auteurs rappellent que le Gaz lacrymogène CS a été longtemps présenté comme inoffensif pour la santé. « Son Emploi a été justifié comme étant moins létal et entraînant moins de traumatisme que d’autres techniques de maintien de l’ordre. Cependant, dès sa première utilisation civile, des cas inexpliqués de morts ont entraîné de fortes inquiétudes parmi la population. Les effets néfastes tant aigus, qu’à plus ou moins long terme sur la santé sont évidents et par exemple bien connus officiellement pour les militaires et les forces de Police », indiquent les auteurs du rapport.

Ce que cette étude révèle, c’est que le gaz lacrymogène a des effets sur la santé du fait de sa composition. On y retrouve, en effet, des produits comme le cyanure, une molécule toxique qui a des effets importants sur le système respiratoire. L’étude souligne également que les molécules « CS » présentes dans le gaz lacrymogène se métabolisent une fois absorbées par le corps humain en deux molécules de cyanure. Cette absorption se fait notamment par voie respiratoire, mais aussi en grande quantité par voie cutanée.

Le rapport donne des précisions sur certains dangers encourus par ceux qui s’exposent au gaz lacrymogène, notamment les manifestants. Par rapport aux effets irritants des gaz lacrymogènes et leur impact sur la santé, l’étude a révélé que l’exposition au gaz provoque une panoplie des réflexes défensifs comme le larmoiement, les éternuements, la toux et l’irritation de la peau où l’on a des réactions telles que la dermatite, l’éruption cutanée, l’eczéma et l’œdème. Au niveau du système respiratoire, le gaz lacrymogène provoque le souffle coupé. Maux de tête, étourdissement, tachycardie, hypotension, douleur thoracique, irritation buccale, vomissements sont autres effets recensés. « Des Cas plus graves que ceux étudiés en milieu contrôlé ont été rapportés au niveau des yeux, surtout lorsque le spray ou la grenade lacrymogène étaient tirés à courte distance. Dans le pire des cas, il y avait perforation de la cornée. Les voies respiratoires sont aussi très souvent atteintes, avec une oppression thoracique, un bronchospasme, une anomalie spirométrique et dans les cas les plus graves, des infiltrations visibles en radiographie. Le gaz CS peut entraîner un syndrome réactif de dysfonctionnement des voies respiratoires ou des atteintes hépatiques. Deux cas d’infarctus du myocarde lié au Gaz CS ont été décrits dans la littérature scientifique », écrit le rapport.

Des conséquences biochimiques sur l’organisme, il ressort que le gaz CS a la capacité de se fixer sur des molécules biologiques. Ce qui entraîne le stress oxydatif, le dysfonctionnement de la mitochondrie, l’oxydation des acides nucléiques aboutissant à des mutations, le transport réduit du dioxygène par l’hémoglobine. Les conséquences biochimiques sont également la détoxification réduite et la production de métabolites électrophiles dangereux par la voie des acides mercapturiques. La synthèse protéique est altérée, la glycolyse perturbée, la bioénergétique altérée, la structure protéique modifiée, la toxicité cellulaire non spécifique, la mort cellulaire, les mutations et les altérations génétiques sont observées. « Le tableau caractéristique d’une intoxication aigüe au cyanure associe classiquement une hyperpnée, des palpitations, des céphalées, des vertiges, un étourdissement, le tout pouvant se présenter comme une attaque de panique et confondre le diagnostic à ce stade. Les vomissements, la bradycardie, l’hypotension, le coma, les convulsions et l’apnée sont des signes plus tardifs », relève l’étude.

Face à ces dangers, le rapport s’inquiète de l’augmentation du recours à ces armes chimiques dites « moins létales » dans des proportions de plus en plus importantes et sans règles d’utilisation bien encadrées juridiquement. « Avec l’augmentation de l’utilisation du gaz CS lors de manifestations, il devient urgent que les gouvernements faisant usage du gaz CS prennent des décisions contraignantes allant dans le sens de la protection de la santé publique. Ce qui ne peut aller que dans le sens des recommandations de l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC) et de certaines Organisations Non Gouvernementales (ONG) », recommande le rapport.

Géraud Afangnowou

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