Editorial

Le charme d’un président démocrate

 

« Orgueil, ambition, ivresse du pouvoir absolu, tout cela habite l’homme, le pousse à la folie. L’humain devient inhumain, et l’inhumain monstrueux » (François Cheng)

Le cliché enflamme la toile et suscite des torrents d’admiration et de commentaires. L’ancien président du Ghana, John Dramani Mahama, simple, jovial se balade dans la rue en moto et se permet des séances de photo avec des admirateurs. Comme quoi il y a une vie après la présidence.

Dans la plupart des satrapies africaines, les dirigeants se prennent pour des émules de Dieu, des êtres Supra qui se bunkérisent dans leur palais, entourés d’armes de guerre et protégés par des milliers de militaires, totalement coupés de leur peuple et des réalités de leur pays. Ils font très rarement d’apparition publique. Lorsque le cortège présidentiel doit passer, pas une ombre ne doit apparaître. La rue doit être totalement déserte. Tous les passants sont chassés et confinés à des centaines de mètres du cortège qui file à tombeau ouvert, sirène hurlante. Voilà l’image que les présidents africains ont toujours présentée d’eux. Des « gens entièrement à part », inaccessibles aux citoyens, ceux-là même qui les auraient portés au pouvoir.

L’image de John Dramani Mahama a ceci d’extraordinaire qu’elle tranche radicalement avec cette facette de chefs-d’Etat martiens, distants, asociaux. Ils vivent dans une telle peur permanente qu’ils s’enferment dans une bulle difficile d’accès. Mais de quoi devrait-on avoir peur si on est bien élu, aimé par son peuple, si on respecte les règles démocratiques dans son pays? On peut s’offrir des libertés sans craindre pour sa vie comme John Dramani Mahama.

Avant lui, l’ancien président ghanéen John Jerry Rawlings se promenait seul dans les rues d’Accra, sans protection rapprochée. On l’avait récemment vu tout heureux au milieu des bonnes femmes à Aflao, en train de préparer la pâte, à l’occasion d’un concours culinaire. N’est-ce pas beau, humain, sociable ?

« Je vais être honnête avec vous. Après avoir été président, j’ai bien hâte d’avoir une autre vie. Il n’y aura plus un tel déploiement de sécurité tout le temps autour de moi. Cela signifie que je peux aller marcher librement. Je peux passer du temps avec ma famille. Je peux trouver d’autres façons d’être utile à la société. Je peux visiter l’Afrique plus souvent », avait lancé Barack Obama à la tribune de l’UA le 28 juillet 2015 lors de sa visite en Afrique. L’assistance, médusée, a fait exploser l’applaudimètre.

L’ancien président américain disait aussi ne pas comprendre pourquoi certains dirigeants africains veulent rester si longtemps au pouvoir alors qu’ils ont beaucoup d’argent, énormément d’argent. La réponse en fait, parce que cette fortune, ce trésor de guerre qu’ils se sont constitué ne leur appartient pas. Ils l’ont volé. En plus, ils ont des placards trop pleins de cadavres et craignent de devoir rendre compte s’ils venaient à quitter le trône. Alors il vaut mieux et à tout prix pour eux et leur entourage, mourir au pouvoir ou provoquer un chaos, le déluge pour diluer les responsabilités accablantes.

A défaut de mourir au pouvoir, certains se font tailler des lois sur mesure pour se garantir l’impunité à vie. Mais ce qu’ils oublient, c’est que les lois sont faites par les hommes et seront de la même manière défaites quand les éternels hommes forts ne seront plus au pouvoir.

Médard AMETEPE

 

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