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La démocratie béninoise en mode dégringolade

« La démocratie est attaquée de toutes parts dans le monde entier. Un conglomérat formé par des dirigeants égoïstes, de nouveaux démagogues populistes aux plus anciens dictateurs, est en guerre contre les institutions démocratiques » (Jeffrey Smith)

Le scrutin présidentiel du 11 avril 2021 prochain sera la troisième compétition électorale organisée sous Patrice Talon depuis son avènement au pouvoir. Avec Talon, les élections se suivent et se ressemblent. Très éloignées de l’idéal démocratique. Selon une récente enquête, l’écrasante majorité d’Africains croient que la démocratie reste la meilleure forme de gouvernement et que des élections libres, régulières et multipartites restent le moyen idéal de choisir leurs dirigeants. Le libre choix de l’électeur béninois est quasi nul. Pour paraphraser Sékou Chérif Diallo, les élections au Bénin sont devenues un instrument de légitimation de l’absurde.

« On aimerait voter pour le meilleur mais… il ne fait jamais partie des candidats», disait Kin Hubbard. Au Bénin, le seul choix qui s’impose à l’électeur est entre Patrice…et Talon. Pour les élections législatives d’avril 2019, l’opposition n’avait pas été autorisée à concourir. Seules deux formations politiques apparentées au régime de Patrice Talon avaient été autorisées par la Commission électorale nationale autonome (CENA) à présenter des listes. En cause, les conditions introduites en amont des élections, notamment sur la délivrance des récépissés de reconnaissance des partis et le quitus fiscal exigés aux partis politiques. C’était la première fois dans l’histoire de ce pays réputé pourtant pour le respect des principes démocratiques, que les élections ont été organisées sans les partis d’opposition. Qui avaient dénoncé une grave atteinte à la démocratie.

Ce sera le début des dérives autoritaristes au Bénin où l’opposition sera exclue de toute compétition électorale. Un an plus tard, les élections municipales de mai 2020 ont été boudées par l’opposition qui avait demandé en vain le report des communales dans un contexte de crise politique et sanitaire. L’enjeu de ces élections municipales était d’autant plus crucial pour la présidentielle de 2021 que potentiels présidentiables devraient être parrainés par les élus.

Justement pour ce scrutin présidentiel à venir, l’opposition, n’ayant pas obtenu de parrainages nécessaires, en est exclue pour la 3ème fois consécutive. Par des subterfuges, Patrice Talon a réussi à débaucher quelques opposants gentils à qui il a fait accorder les parrainages pour l’accompagner dans la farce électorale du 11 avril et faire croire que c’est un processus inclusif alors qu’il n’en est rien.

Bien avant, les figures de proue de l’opposition qui avaient sous-estimé les capacités de nuisance de Patrice Talon sont tombées de haut et mises hors-jeu électoral. A commencer par Sébastien Ajavon arrivé troisième lors de la présidentielle de 2016 et qui avait appelé ses partisans à voter Patrice Talon, a été condamné à 20 ans de prison dans une sombre affaire de trafic de cocaïne. Il avait finalement obtenu gain de cause à la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, qui a condamné l’État béninois.

Patrice Talon est aussi parvenu à mettre hors-jeu l’ancien ministre Komi Kountché condamné lui aussi à 20 ans de prison pour détournement. Autre chute fracassante, celle de l’ancien Premier ministre Lionel Zinsou, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle qui a été condamné à 4 ans d’inéligibilité pour dépassement de frais de campagne électorale.

Quant à l’ancien président Thomas Boni Yayi, il avait longuement été malmené par Patrice Talon. Après plusieurs semaines de siège des forces de l’ordre autour de son domicile, il avait été forcé entre-temps à l’exil avant de retourner finalement dans son pays.

Même si tout n’était pas parfait avant, avec Patrice Talon, c’est la démocratie en mode marche arrière au Bénin.

Médard AMETEPE

 

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