Editorial

Joseph Kabila jette l’éponge mais…

 

« Un dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi », (François Mitterrand)

Tournant décisif en République Démocratique du Congo ! Ce n’est pas trop tôt certes. Après avoir pendant longtemps soufflé le chaud et le froid, Kabila Fils n’aura pas un troisième mandat. Il ne va même pas rempiler. L’information a été rendue publique hier 08 août 2018 en début d’après-midi et rapportée par RFI dans une édition spéciale. L’homme, à l’issue des consultations menées en vue de débusquer l’oiseau rare, s’est choisi Emmanuel Ramazani Shadary pour représenter la coalition au pouvoir lors du scrutin présidentiel prévu en décembre 2018. Au plan démocratique, c’est une victoire à célébrer. La longue lutte du peuple congolais, de feu Etienne Tshisekedi aux vaillants combattants de la société civile réunis au sein de la « lucha », en français « lutte » n’aura pas été vaine. Cette décision de Joseph Kabila, n’est effectivement pas un cadeau. Elle n’est pas donnée, mais acquise de haute lutte. Le président sortant n’a pas pris cette décision de gaieté de cœur. Mais poussé à la sortie par des pressions aussi bien endogènes qu’exogènes.

Que de vaillants combattants tombés sous les balles meurtrières de la soldatesque kabiliste à cause de leur résistance aux desiderata anticonstitutionnels de Joseph Kabila. Que de pressions internationales sur le pouvoir Kabila. Au final, la démocratie aura triomphé, du moins en apparence. Un dictateur en moins sur le continent de « merde ». C’est de bonne guerre et c’est bon pour le moral de ceux qui, sur le continent, sont aussi dans une lutte acharnée contre des pouvoirs qui les asservissent et leur ôtent…jusqu’à ce qu’il devrait leur rester d’homme : la dignité. Suivant un mode opératoire qui se résume à affamer, à clochardiser les masses populaires pour en faire des bétails électoraux en contrepartie de ridicules gestes des commis du pouvoir. Une Afrique où les longs règnes au pouvoir sont réduits voire enrayés, c’est bien ce que recherchent les forces démocratiques et les peuples.

Toutefois, Joseph Kabila veut bien garder la main sur le pouvoir, à la manière d’Eduardo Dos Santos. Avec le PPRD, un organe du parti créé pour ne pas éloigner le président sortant de la gestion quotidienne des affaires de la cité, Joseph Kabila devrait s’estimer hors de tout danger. Même s’il n’est plus au pouvoir, il devrait pouvoir veiller sur les acquis de sa famille, en termes de fortune amassée durant le long règne de la famille, de père en fils. Avec ce plan, les Congolais ne devraient pas pavoiser…car le système Kabila demeure en place. Et ce système, c’est le règne de la fraude électorale, des répressions des masses, etc. C’est le moment plus que jamais pour eux de conclure la lutte amorcée en maintenant la pression pour que le jeu électoral se clarifie véritablement et pour l’avènement d’une alternance démocratique. A moins que, comme en Angola, « le monstre » qui a été créé ne se rebelle contre son maître et n’affiche une réelle volonté de se démarquer, de s’affirmer et de créer une personnalité qui s’émancipe de l’emprise de son maître. Dans ce cas, tout dépendra des réelles motivations du dauphin politique.

Changement dans la continuité, continuité sans réel changement, ou réelle rupture ? En RDC, le jeu électoral ne vient que de commencer.

Meursault A.

 

(Liberté N°2731 du 09-08-18)

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