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Des pêcheurs en eau trouble !

« La ruse la mieux ourdie peut nuire à son inventeur ; et souvent la perfidie retourne sur son auteur » (Jean de La Fontaine)

La région ouest-africaine est déjà fort meurtie par le terrorisme et un net recul sur le plan de la démocratie portant des germes d’instabilité politique. Cependant des accusations sont portées contre certains chefs d’Etat de vouloir destabiliser certains pays dans l’espace communautaire.

Au détour d’une interview accordée le 30 avril 2021 à RFI et France 24, le président béninois Patrice Talon a jeté un pavé dans la mare en pointant du doigt des chefs d’Etat voisins d’avoir financé l’opposante Reckya Madougou pour candidater contre lui à l’occasion du scrutin présidentiel du 11 avril 2021. Cette dernière, accusée de « financement de terrorisme », est pensionnaire depuis le 5 mars de la prison Missérété près de Porto-Novo où elle s’adonne à la « chasse aux rats et aux cafards » dans sa cellule, selon le journal Le Monde.

Reckya Madougou qui officiait en tant que conseillère de la présidence togolaise avec rang de ministre, avait débarqué comme Zorro sur ses grands cheveaux dans son Bénin natal, avec de grosses ressources financières, matérielles et humaines, pour se lancer dans le tiercé présidentiel sous la bannière des Démocrates. Patrice Talon a peu goûté l’attitude de grands airs pris par la grande dame, convaincue que son heure de gloire était arrivée.

« Une dame débarque, elle n’est pas membre du parti, avec des valises d’argent, avec des sponsor, des chefs d’Etat de pays voisins, avec des opérateurs économiques et consorts », s’offusque le président béninois. « Je sais de quoi je parle (…) Ce n’est pas un secret », martèle-t-il.

« La Lettre du Continent », elle, croit savoir que les sources de financements de l’ancienne ministre de Boni Yayi ont provoqué une crise de complotite aiguë à la présidence béninoise. « Les liens entre l’opposante et les hommes d’affaires et chefs d’Etat de la région qui la soutiennent sont d’autant plus suspects aux yeux de la présidence béninoise que le financement de sa campagne est au cœur des accusations visant Reckya Madougou », écrit le journal.

Mais alors, de quels chefs d’Etat de pays voisins est-il question ? Patrice Talon se garde de les nommer pour éviter tout incident diplomatique. « Est-ce que c’est de mon rôle, de ma fonction de vous donner des noms ? », se contentera-t-il de dire. Mais les faisceaux d’indices convergent vers qui tout le monde sait.

Après Patrice Talon, l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou aussi y est allé de ses révélations. Cette fois dans un tout autre registre. Mahamadou Issoufou est considéré par certains observateurs comme faisant partie des dirigeants qui incarnent le leadership nouveau sur le continent de par la lucidité et le courage de leurs discours. Le président nigérien avait, à maintes reprises, pris l’engagement devant la nation nigérienne de respecter la Constitution et de s’en aller au terme de son second mandat, estimant qu’il n’est pas irremplaçable, ni un homme providentiel.

« Les détenteurs du pouvoir sont portés à en abuser et cela se vérifie d’autant plus que leur présence au pouvoir est longue. C’est dire que l’usure du pouvoir peut conduire au despotisme, au clanisme et à l’inefficacité », avait-il déclaré l’année dernière lors du Forum d’anciens chefs d’Etat et de gouvernement sur le constitutionnalisme pour la consolidation de la démocratie et le transfert pacifique du pouvoir en Afrique.

Il a mis un point d’honneur en respectant sa parole donnée de quitter le pouvoir la tête haute. Seulement, ses discours agaçaient énormément ses pairs de la sous-région avides de pouvoir. Mahamadou Issoufou a révélé la semaine dernière que des chefs d’Etat l’avaient conseillé de briguer un troisième mandat. En bon homme d’Etat et homme de parole, il n’a pas succombé à la tentation. « Des chefs d’Etat m’ont conseillé de rester. Des partisans aussi m’ont demandé de faire un 3ème mandat…En tant que chef de l’Etat, j’ai essayé de respecter la constitution. Mon comportement est lié à mes convictions. L’Afrique n’a pas besoin d’homme providentiel », a-t-il insisté.

La jeunesse africaine ne peut que pâmer d’admiration devant une telle lucidité d’esprit. Une question cependant : qui sont ces chefs d’Etat aux desseins perfides qui cherchent à déstabiliser la sous-région ?

Médard AMETEPE

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