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Les journalistes en danger sur le continent

« L’histoire est remplie de faits montrant la vérité réduite au silence par la persécution » (John Stuart Mill)

Dans son message à la Nation à l’occasion du Nouvel an, le nonagenaire président-dictateur du Cameroun Paul Biya a adressé une sévère mise en garde contre les prévaricateurs de la République. Le Cameroun, comme toutes les tyrannies sur le continent, est un « haut gradé » de la corruption. Les scandales financiers sont légion. Pour le patriarche, « tous ceux qui s’enrichissent illicitement, en spoliant l’Etat, à quelque niveau que ce soit, vont rendre des comptes ». Les Camerounais sont donc convaincus du retour de l’opération Epervier destinée à lutter contre la corruption au plus haut niveau. Plusieurs anciens ministres et directeurs des sociétés publiques avaient été embastillés dans le cadre de cette opération mains propres.

C’est fort de cette mise en garde aux allures de menaces que le journaliste d’investigation Martinez Zogo, directeur de la radio Amplitude FM et animateur de la célèbre émission « Embouteillage » s’est mis à la tâche en dénonçant avec véhémence les prévaricateurs de la fortune publique avec des révélations et des documents à l’appui sur des détournements massifs des deniers publics au Cameroun.

Les révélations du confrère qui, manifestement, ont signé son arrêt de mort, ont trait à une immense opération de détournement de fonds publics de plusieurs dizaines de milliards de FCFA impliquant un richissime homme d’affaires et patron de presse proche du régime de Biya.

Le 17 janvier, Martinez Zogo a été enlevé par des hommes encagoulés, torturé et assassiné. Le corps sans vie du confrère, nu et en état de décomposition, a été retrouvé samedi dans la périphérie de Yaoundé.

Dans la corporation et l’opinion publique camerounaise, l’indignation et la consternation sont à leur comble. Ce crime crapuleux rappelle cette description faite du Cameroun de Paul Biya comme « la tyrannie africaine la plus invétérée dans la corruption, la persécution des opposants, les atteintes aux droits de l’homme », un pays « gouverné par la terreur depuis plus de soixante ans sous une dictature inchangée ».

Un assassinat en rappelant un autre, au Rwanda, le célèbre journaliste rwandais, John Williams Ntwali, rédacteur en chef du journal The Chronicles, très critique du régime du président Paul Kagame, est décédé tragiquement dans un accident de circulation. Sauf que les conditions dans lesquelles le confrère a trouvé la mort sont jugées suspectes par les organisations de défense des droits de l’homme. La moto sur laquelle le journaliste a été remorqué a été percutée par un véhicule.

« Il existe de nombreuses raisons de remettre en question la théorie d’un accident de voiture et il est essentiel qu’une enquête rapide et efficace, s’appuyant sur une expertise internationale, soit menée pour déterminer s’il a été assassiné ou non », insiste Human Rights Watch.

D’après l’ONG internationale de défense des droits humains, John Williams Ntwali a souvent été « le seul journaliste qui a osé faire des reportages sur des questions de persécution et de répression politiques. Il rejoint une longue liste de personnes qui ont défié le gouvernement et sont mortes dans des circonstances suspectes. »

Le point commun entre le Cameroun et le Rwanda où les journalistes sont persécutés, c’est que ce sont de vieilles tyrannies sur le continent. Néanmoins, au Togo, la plus vieille dictature en Afrique, on n’a pas atteint ce niveau de cruauté. Il est vrai que les journalistes jugés critiques vis-à-vis du régime sont objet constant de harcelèments judiciaires et d’emprisonnement, mais on n’est pas encore allé jusqu’à ôter la vie aux journalistes…

Médard AMETEPE

 

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