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Togo : un système verrouillé

« La meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples » (Nicolas Machiavel)

Le Togo est l’Etat le plus policier de la région ouest-africaine, allergique à tout ce qui est manifestation, meeting, sit-in, etc. C’est aussi l’un des systèmes les plus verrouillés sur le continent. Pour cause, le pays est tenu d’un gant de velours depuis près de 60 ans par une seule famille, les Gnassingbé, le père et le fils qui, à ce jour, n’ont offert aucune possibilité d’ouverture démocratique au Togo.

Ebranlé par l’ampleur des vagues de manifestations à travers tout le pays lors de la crise sociopolitique de 2017, le régime a juré qu’il ne se ferait plus surprendre. Le pouvoir va donc imposer durement un tour de vis sur l’espace civique. Depuis mars 2020, sous prétexte de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 et les menaces sécuritaires à l’extrême nord du pays, le régime va restreindre drastiquement les libertés fondamentales. L’organisation des manifestations publiques pacifiques, notamment les marches de protestation ou de revendication, des meetings a été systématiquement interdite à travers tout le pays, au mépris de la Constitution et des lois en vigueur.

La grave entorse à la liberté d’expression et de réunion pacifique va durer plus de deux ans. Fort de ces entraves et restrictions, les think tanks américain et canadien Cato Institute et Fraser Institute, dans leur rapport sur le niveau de la liberté dans 165 Etats dans le monde, avaient classé en 2022 le Togo au 113ème rang mondial, très loin derrière ses voisins immédiats.

La première autorisation pour un rassemblement de l’oppposition n’a été accordée que fin novembre 2022. Sur fond de fourberie et de manœuvres outrancières orchestrées par les tenants de l’ordre ancien. Malgré tout, la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), un regroupement de partis politiques et d’organisations de la société civile, a pu tenir un meeting à Vogan, une ville située à une soixantaine de kilomètres de Lomé.

« C’est un grand soulagement, une leçon que nous tirons, un encouragement à poursuivre le combat. Ce n’était pas gagné d’avance, jusqu’à la dernière minute il a fallu tenir bon. Malgré toutes les intimidations et toutes les manœuvres, nous avons organisé ce meeting », avait déclaré Brigitte Johnson-Adjamagbo, la coordinatrice de la DMK.

Le 14 janvier 2023, la DMK a pu de nouveau organiser un meeting cette fois à Lomé, pour dénoncer la gouvernance approximative de Faure Gnassingbé et la mainmise de sa famille sur le pays depuis près de six décennies.

« Depuis 60 ans, ce sont des membres d’une seule famille qui gouverne le Togo et les militants d’un seul parti, le RPT/UNIR et ses satellites qui se déclarent gagnants de toutes les élections. Pour se maintenir aussi longtemps, le régime joue la carte de diviser pour régner en multipliant les partis politiques dont la mission de certains est de faire régner la confusion dans la classe politique. La justice et la violence d’Etat de la République sont détournées à des fins partisanes pour frapper sans discernement toutes velléités de contestation dans l’administration, l’armée ou d’opposition dans la classe politique », s’insurge la DMK.

Solidement installé au pouvoir depuis 60 ans, le clan Gnassingbé a démontré qu’il n’est pas prêt à lâcher une once de pouvoir. Comment parvenir à concrétiser la formidable aspiration à l’alternance démocratique qui anime les Togolais ? C’est la difficile équation à laquelle devront faire face une opposition destructurée et un peuple résigné.

Médard AMETEPE

 

 

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