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Procès du 28 septembre 2009 en Guinée : Le Togo pourra-t-il espérer un procès des violences de Fréau Jardin, 2005, 2017… ? 

La Guinée vit depuis quelques jours des événements inédits de son histoire. Le procès du drame du 28 septembre 2009 se déroule treize (13) années après les faits. Doivent comparaitre, d’anciens dirigeants guinéens, principalement des militaires et des civils qui étaient dans l’entourage du Capitaine Moussa Dadis Camara lors de sa prise de pouvoir en décembre 2008. Le procès est suivi à travers le monde, surtout en Afrique où des millions de personnes attendent l’issue de cette affaire.

De quoi est-il question ? Le 28 septembre 2009 au stade de Conakry, une manifestation organisée par des partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile de la Guinée vire au massacre. Le rassemblement destiné à dissuader le chef de la junte d’alors de se présenter à la présidentielle en janvier 2010 a été réprimé dans le sang. Des rapports internationaux font état d’au moins 156 morts et plusieurs dizaines de femmes violées.

« La Commission s’est entretenue avec 687 témoins, victimes et proches des victimes, ainsi qu’avec les responsables des cliniques et des hôpitaux qui ont soigné les blessés. La Commission a vérifié l’identité de 156 personnes tuées ou disparues : 67 victimes dont les corps ont été récupérés et enterrés par leurs familles ; 40 autres identifiées par leurs noms qui ont été vues mortes au stade ou dans les morgues, mais dont le corps n’a pas été retrouvé; et 49 autres personnes identifiées qui ont été vues au stade mais dont le sort reste inconnu », dit le rapport de la Commission d’enquête internationale de l’ONU. « En outre, poursuit le rapport, la Commission a reçu des rapports qui mentionnent que des cadavres non identifiés ont été déplacés, ce qui pourrait élever le bilan. La Commission a également pu confirmer 109 cas de viols ou d’autres violences sexuelles et des centaines de cas de torture ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de vols et de pillages ».

Ce dont il faut se réjouir, c’est que malgré le temps et les gouvernements successifs ainsi que la crise sociopolitique endémique, l’affaire du 28 septembre 2009 est devant la justice. Ce qui se passe en Guinée actuellement ne laisse pas indifférents les Togolais. Ils s’y intéressent d’ailleurs comme s’ils étaient eux-aussi Guinéens. En réalité, l’intérêt suscité par ce procès découle du fait qu’au Togo aussi, des événements semblables à celui du stade de Conakry ont été vécus par des citoyens. Cas des violences meurtrières du 25 janvier 1993 à la Place Fréau Jardin, rebaptisée Ananis Santos, « pour effacer l’histoire », selon certains ; des massacres de 2005, pour l’avènement de Faure Gnassingbé au pouvoir ; et ceux de 2017, pour que perdure le règne des Gnassingbé. La liste n’est pas exhaustive.

Au Togo, contrairement à la Guinée, ceux qui sont accusés d’être à l’origine des violences ont organisé une mascarade de réconciliation en taisant le volet justice. La Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) a visé seulement à faire table rase de ces violences sans situer les responsabilités. « Le 25 janvier 1993, au cours d’une manifestation pacifique rassemblant un nombre de personnes estimé à 300 000 dans la capitale Lomé, plus de 19 personnes (certaines sources évaluent leur nombre à une centaine) auraient été tuées par des éléments armés qui ont tiré de manière indiscriminée sur la foule. Le 30 janvier 1993, en représailles au décès d’un militaire et d’un gendarme vraisemblablement tués par des civils, des membres de la Garde présidentielle sont descendus dans la rue et ont tiré de manière indiscriminée sur des civils et se sont livrés à des pillages ainsi qu’à des exactions graves jusqu’au lendemain. Cette expédition punitive a été déclenchée par un reportage de la télévision togolaise montrant des images de militaires blessés ou morts », a témoigné Agbéyomé Kodjo, ministre de l’intérieur à l’époque des faits.

Sur les événements de 2005, des rapports ont fait cas d’un millier de morts, 500 selon les Nations Unies, sans compter les dizaines de décès de 2017 et les personnes arbitrairement arrêtées et détenues durant la longue crise sociopolitique au Togo. « La responsabilité des forces de sécurité et l’existence d’une stratégie de la répression : Les différentes rencontres avec les acteurs, les témoins, les observateurs et les victimes de la crise togolaise permettent d’affirmer que les forces de sécurité et les Forces Armées togolaises ont joué un rôle majeur dans les actes de violations des droits de l’homme. Les réactions des forces de sécurité étaient largement excessives par rapport aux manifestations et aux actions des militants de l’opposition. L’utilisation des unités d’élite de combat notamment les corps militaires des Bérets rouges et des Bérets verts, certains en provenance du nord pour maintenir l’ordre dans toutes les villes importantes du pays témoigne de la volonté de réprimer les manifestants après la proclamation des résultats de l’élection. Les autorités étaient au courant d’éventuels actes de violences postérieures aux élections… », soulignait le rapport de l’ONU.

Il n’y a pas eu de procès. Et il n’y en aura pas tant que les acteurs de ces événements demeureront au pouvoir. On ne juge pas le fort, dirait-on. C’est ce qui explique pourquoi c’est treize (13) ans après les massacres du 28 septembre que Moussa Dadis Camara et compagnie comparaissent. « Le fait que certaines personnes inculpées étaient à des postes importants dans l’administration, voire à la présidence, posait problème », a déclaré Cheick Sako, ministre de la Justice et Garde des Sceaux de 2014 à 2019.

De la même manière, les Togolais doivent nourrir l’espoir qu’un jour où l’autre, ceux qui s’opposent à la justice vont être abandonnés par le pouvoir. Alors s’ouvriront les procès des nombreux crimes commis sur la Terre de nos aïeux. En attendant, sentant la nécessité de la justice, le pouvoir peut chercher à contourner la réalité en créant Commission, Haut-commissariat à la réconciliation et médiation de la République. Mais où sont les auteurs ?

 

G.A.

 

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