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Arrestation des membres du SET : La loi de la force contre un syndicat qui dérange

Comme en janvier 2021, lors de sa mise en place, le Syndicat des enseignants du Togo (SET) fait face à des manœuvres de dislocation. Trois de ses responsables syndicaux ont été arrêtés samedi, accusés d’avoir manipulé des élèves. 146 autres avaient déjà été exclus de leur fonction le 30 mars 2022.

« Les collègues de l’intérieur étaient à Lomé pour leur carte de membre. Mais débordé, notre collègue informaticien n’arrivait pas à répondre vite à l’attente des demandeurs. Nous lui avions dit de trouver un autre informaticien pour le seconder ; et c’est quand les camarades étaient partis retirer leur carte que les forces de l’ordre et de sécurité sont venus les arrêter », explique Lanibre Mawouegna, Secrétaire général du Syndicat des enseignants du Togo (SET).

Dans un message d’alerte publié par le responsable syndical, trois (03) autres cadres de l’organisation syndicale ont été arrêtés samedi 09 avril 2022 et gardés à vue dans les locaux du Service Central de Recherches et d’Investigations Criminelles (SCRIC) de la Gendarmerie nationale. Il s’agit de Kossikan Kossi, Joseph Toyou et Sambara Ditorga Bayamina respectivement Secrétaire général adjoint, Secrétaire régional Savanes et Secrétaire régional Maritime du SET.

Et comme on pouvait s’y attendre, les personnes interpellées n’auraient pas obtenu l’assistance d’un avocat. « Dès leur arrestation, nous avons confié le dossier à Me Célestin Agbogan. Mais malheureusement, il n’a pas pu s’entretenir avec les camardes membres parce que l’accès au SCRIC lui a été interdit », a dénoncé le Secrétaire général du SET. S’agissant des mobiles de leur arrestation, des confrères citent des sources qui révèlent que les syndicalistes ont été accusés d’avoir manipulé les élèves qui sont descendus dans les rues lors des mots d’ordre de grève lancés par le syndicat. Il ne serait donc pas surprenant de voir dans les prochains jours des élèves déclarer avoir été contraints de descendre dans les rues par leurs enseignants. L’informaticien en charge de la confection des cartes de membres est aussi arrêté pour, dit-on, avoir établi de faux documents d’identification au Nigéria.

Le scénario Mohamed Loum dans l’affaire des incendies des marchés de Kara et de Lomé peut se répéter. Mais ce qui se répète déjà, c’est l’histoire de l’arrestation des syndicalistes du SET. En janvier 2021, à la naissance de leur organisation, les membres du bureau national et ses démembrements ont été contraints à la clandestinité. Ils ont été ensuite arrêtés lors d’une rencontre d’échanges au siège de la Synergie des travailleurs du Togo (STT) dont la responsable Nadou Lawson Oloukounlé avait entrepris une mission de médiation.

Cette seconde arrestation n’a rien d’étonnant puisqu’on parle du Togo, un pays dirigé par un régime dont la première réaction, lorsqu’il est coincé par ses égarements, est de faire usage de la force, en ignorance totale des lois qui régissent le pays. En ordonnant l’arrestation des membres du SET, les gouvernants manifestent encore une fois leur volonté d’étouffer un syndicat qui leur donne de l’insomnie depuis un an. De plus, ils persistent dans la brutalité en prônant la loi de la force, comme si le Togo qu’ils décrivent comme une « démocratie » était une jungle où le plus fort écrase le plus faible. La chasse à l’Homme que les Togolais ont vécue il y a quelques mois à la naissance du syndicat se poursuit.

Déjà, les mobiles avancés pour procéder à l’arrestation des membres du SET et la procédure de leur arrestation montrent que le gouvernement est sorti du cadre juridique. Pour des responsables syndicaux bien identifiables, de surcroit enseignants, l’arrestation ne saurait s’opérer comme si on procédait à un kidnapping. Des convocations devraient leur être adressées afin qu’ils répondent libres de tout mouvement. D’ailleurs, l’accusation de manipulation des élèves ne tient pas la route, sauf pour ceux qui ne connaissent pas l’école togolaise ou qui tentent de démontrer que les élèves togolais sont assez bêtes pour se faire manipuler de la sorte.

Tout ce que les ministres Kokoroko et Bawara tentent d’obtenir, c’est la dissolution du SET. Malgré leurs connaissances du droit, ils ont oublié que pour déclarer un syndicat illégal, il revient à la justice de se prononcer. Il ne suffit pas de sortir un communiqué pour conclure à l’illégalité d’une organisation syndicale. Une telle affaire, devrait être portée devant la justice afin qu’elle se prononce. Cette démarche n’a jamais existé dans le cadre du désaccord entre le SET et le gouvernement.

Tout compte fait, cette nouvelle donne n’arrange en rien les choses. L’arrestation des membres du SET n’entamera probablement pas le moral des enseignants ; au contraire, elle pourrait les renforcer dans leur détermination et la conviction que leur cause est juste.

Aussi cette situation a-t-elle une portée internationale du fait de l’élection d’un Togolais au poste de Directeur général du Bureau International de Travail (BIT). Le 25 mars 2022, l’ancien Premier ministre Gilbert Houngbo a été élu à ce poste par le Conseil d’Administration de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Il a sans doute bénéficié du soutien de la diplomatie togolaise. Alors que cette percée devrait permettre aux travailleurs togolais de s’émanciper davantage, on assiste plutôt à un recul. Le Togo se montre très réfractaire quant au respect du droit des travailleurs, même le droit à la grève. 146 enseignants viennent d’être exclus de la fonction enseignante suite à une grève.

G.A.

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