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Togo : Une CENI aux couleurs du parti UNIR

Les 17 membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ont été élus jeudi dernier.  Sans surprise, le RPT/UNIR et ses alliés raflent la quasi-totalité des sièges. Une configuration qui confirme les intentions de verrouillage lors des prochaines élections régionales. 

Une configuration synonyme d’insécurité électorale

L’Assemblée nationale a élu le jeudi 24 mars 2022, les futurs membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Dans son intervention, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires, Payadowa Boukpessi, s’est réjoui du vote. « Je voudrais exprimer les gratitudes du gouvernement à vous-même Mme la présidente de l’Assemblée nationale et aux députés pour ce travail marathon, gigantesque, mais très accompli que vous venez de faire. Vous venez, en effet, d’élire les 17 membres composant la CENI. Par ce geste, vous venez de lancer de façon irréversible le processus des élections régionales », a-t-il déclaré, soulignant que le ministre en charge des relations avec les Institutions de la République va s’adresser à la Cour constitutionnelle pour la prestation de serment des membres de la CENI.

Comme nous l’avions dit dans de précédents articles, le gouvernement poursuit l’organisation des élections régionales, avec ceux qui veulent y participer et sans ceux qui les boycottent. Mais une chose intéresse dans ce processus : la configuration de la CENI. Sur les 17 membres, la fameuse majorité parlementaire UNIR a obtenu, à elle seule, 7 sièges. Elle est donc la plus représentative, même en dehors du soutien de ses alliés. Tchao Padumhekou, Kegbero Latifou, Mensah-Atoemene Agnélé, Kolani Lardja, Assih Atissim, Kapou René et Osseyi Yaovi sont les représentants de UNIR au sein de la CENI.

Les alliés du pouvoir siégeant à l’Assemblée nationale ont eu eux-aussi, leurs parts du gâteau, au titre de l’opposition parlementaire. Homawoo Atsu (UFC), Lokadi Komi (UFC), Mensah Attoh Méwanou (NET), Azondjagni Kossi (PDP) représentent les alliés du pouvoir au sein de l’opposition. Cette dernière est représentée par trois personnes. Il s’agit de Tchala Biaou (PSR), Pessinaba Yemba (ADDI) et Teko Folly (ANC) qui siègent pour le compte de l’opposition extra-parlementaire.

La liste des membres de la CENI est complétée par  les représentants des Organisations de la société civile, Dossekpli Messan (Agir pour l’humanité) et Yabre Dago (ONG – NOUVELLE ELITE) et celui de l’administration Potopere Tozim.

Sans entrer dans les détails, cette configuration fait la part belle au partir au pouvoir qui se retrouve, in fine, avec au moins 14 bras prêts à opérer des magouilles. Ce ne sont pas les représentants de l’UFC, du NET ou encore du PDP qui voteront contre les intérêts de celui par qui ils sont cooptés. Les 7 de UNIR, les 4 de la fausse opposition parlementaire, 1 de la société et celui de l’administration. La vraie opposition se retrouve avec 3 représentants, 4 au plus.

Il faut aussi noter que dans la nouvelle liste des membres de la CENI, peu sont de nouvelles recrues puisqu’ils sont nombreux à avoir déjà fait partie de la CENI. Le parti au pouvoir a conservé son noyau dur autour de Tozim Potopéré, président de la CENI en 2007. Il y siège encore en tant que président de la sous-commission Opérations Electorales, de la Formation et de l’Informatique et membre de la sous-commission du Matériel et de la Logistique. Dire de lui qu’il ne s’y connaît pas en matière de fraudes, c’est le prendre pour un ange.

Les intentions de fraudes se confirment donc, non pas parce qu’ils sont nombreux, les anciens nouveaux membres de la CENI, mais parce qu’ils ont montré de quoi ils sont capables quand il s’agit de traficoter les résultats sortis des urnes. Avec cette CENI, Faure Gnassingbé peut être rassuré d’avoir confié son avenir politique entre de « bonnes mains ». Pas des mains qui savent faire de bonnes choses, mais des mains qui s’y connaissent en matière d’élections, de comptage des bulletins, mais surtout de manipulation des chiffres.

Que peut en attendre l’opposition ?

En toute franchise, rien. Le voleur qui demeure dans le ghetto ne peut pas déclarer qu’il s’est débarrassé de la kleptomanie ; en le faisant, il se trompe. Il en est de même du parti au pouvoir dont les instincts de manipulation des chiffres sont encore présents. Avec une telle configuration, Faure Gnassingbé confirme ses intentions pour les régionales. Celles de s’octroyer le maximum de sièges et laisser des miettes à l’opposition. C’est tout comme les élections communales passées où UNIR s’est taillé la part du lion. Il est illusoire d’espérer de la CENI actuelle un scénario différent des précédents.

Ce qui aurait pu donner l’impression d’une volonté d’organiser des élections libres, transparentes, crédibles et démocratiques, c’est le fait de voir de nouvelles têtes à la CENI en se défaisant de ceux qui ont terni son image, à travers des décennies de magouilles. Ce qui va carrément faire la différence, c’est d’apprendre qu’après l’élection du bureau exécutif de la CENI, la présidence de l’institution est attribuée à un représentant de l’opposition, hors des rangs de l’UFC, du NET et du PDP.

Par ailleurs, il est important de rappeler que, sauf surprise, c’est la CENI dans la même configuration qui va organiser la présidentielle de 2025 à laquelle Faure Gnassingbé sera probablement candidat.

La bérézina qui se profile à l’horizon est d’autant plus prévisible que personne au sein de l’opposition, encore moins du parti au pouvoir ne semble se préoccuper de l’urgence de faire adopter une loi qui permette le comptage et la publication des bulletins des urnes par bureau de vote. Par cette alternative, le Sénégal s’est démarqué des autres pays sous giron français et a pu conférer une certaine crédibilité à ses processus électoraux, peu importe la couleur des membres de la commission chargée de l’organisation des élections. Le miracle lors des prochaines élections au Togo est…qu’il n’y aura pas de miracle !

G.A.

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