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Corruption au sein de la justice togolaise : Luc Adjaho accusé d’avoir spolié les héritiers d’une collectivité

Le vendredi 12 novembre 2021, l’image d’un huissier de justice portant un fusil en bandoulière a circulé sur les réseaux sociaux. L’homme a fait une descente armée sur un chantier pour faire cesser des travaux. Il ne s’agissait pas d’un agent des forces de l’ordre, mais bien de l’huissier Luc Russel Adjaho. Son irruption sur ce domaine est la suite logique d’un litige qui l’oppose aux héritiers de feu Koumessi Koffi alias Chez Koffi.

Les faits

Selon les déclarations des héritiers de feu Chez Koffi (célèbre vendeur de pièces détachées à Amoutivé), l’huissier Luc Russel Adjaho a fait connaissance avec leur père suite à la désignation de ce dernier par le tribunal de Lomé dans le cadre d’un procès. Me Adjaho était ainsi devenu l’huissier de Chez Koffi pour qui il a travaillé. « Comme Adjaho a su que notre papa possédait de nombreuses parcelles, il a convaincu un de nos frères qui a accepté de faire des papiers sur les terrains pour ainsi sécuriser son héritage des occupations anarchiques », rapporte un héritier de feu Chez Koffi.

C’est ainsi que de faux reçus de vente ont été délivrés, non pas au sieur Adjaho, mais à un de ses proches, interprète en langue Kabyè et maçon sur ses chantiers, M. Tsara Anani. « Monsieur Adjaho n’a pas acheté de terrain auprès de mon père. Tous les reçus  signés au nom de mon  feu père ont été tous signés par moi. Mais, c’est bien M. Adjaho Luc qui me l’avait conseillé pour, avait-il dit, m’aider à sécuriser les parcelles de mon père des occupations anarchiques des tiers. Il était convenu qu’il devait poursuivre la procédure d’immatriculation à partir de l’obtention des plans visés trois (03) tampons. C’est ainsi que nous avons recouru  aux services du géomètre Troume Kpanté qui a effectivement exécuté sa prestation et remis le dossier à M. Luc Adjaho », raconte Koumessi Outcha dans la sommation interpellative établie par Me Sédjou Paraiso, huissier de justice, en octobre 2021.

Pour les formalités administratives, selon les déclarations de M. Tsara Anani, « c’est Koumessi Outcha qui est venu prendre copie de ma carte nationale d’identité disant qu’il a signé certains reçus de vente de parcelles de terrains à mon profit. Cela devait lui permettre d’obtenir les titres fonciers sur ces parcelles avec l’aide de M. Adjaho Luc aux fins de pouvoir déclencher la procédure d’expulsion des occupants frauduleux de ces parcelles ». « Je n’ai jamais acheté ces parcelles auprès de qui que ce soit. Cependant, M. Adjaho Luc avait promis de m’acheter une parcelle de terrain avec la totalité des frais des travaux de maçonnerie, soit la somme de deux millions cinq cent mille (2.500.000) francs », a-t-il affirmé.

Comme le souligne ici M. Tsara Anani, feu Koumessi Koffi ne lui a jamais cédé des parcelles de terrains. Néanmoins, quatre titres fonciers ont été établis au nom du sieur Tsara Anani, par les soins de l’huissier Adjaho « pourvoyeur des deniers ayant servi à leur réquisition et à leur immatriculation », comme le précise le jugement N°0377/2022 rendu le 15 mars 2022.

Les titres fonciers ainsi obtenus, l’huissier Luc Russel Adjaho les fait transférer dans son patrimoine, de manière subtile, selon les déclarations de M. Tsara. « C’est ainsi qu’un jour, il (Me Adjaho, Ndlr) m’a fait visiter un terrain qu’il m’a dit qu’il voulait acheter pour moi. Mais je devais signer le reçu de vente dans un cabinet de notaire. Une fois arrivés au cabinet de Maitre Bamazé et celui-ci étant absent, M. Adjaho Luc m’a fait signer un reçu qu’il devait remettre à Me Bamazé quand il sera au cabinet. Ne sachant pas lire, j’ai signé ce document en croyant sur parole M. Adjaho qui devait me remettre copie après signature du document par le notaire », déclare M. Tsara.

Alors qu’il croyait signer un reçu de vente, c’est plutôt un acte de reconnaissance de droit de propriété qu’il a signé. C’était le 22 avril 2016, mais il ne s’en est rendu compte qu’en 2021 quand l’acte lui a été présenté par un des héritiers de feu Chez Koffi. « M. Adjaho Luc avait même obtenu une ordonnance de cessation des travaux sur les lieux en mon nom en apposant une empreinte digitale sur la requête ayant abouti à l’obtention de cette ordonnance. Le pire est que pour justifier son action, il a dû affirmer au commissariat d’Agoè Légbassito que j’étais décédé et que je lui avait donné tout pouvoir pour agir dans l’intérêt de mes enfants en vendant les parcelles de terrain après mon décès », poursuit Tsara Anani.

Au regard de ces différentes déclarations, il apparaît clairement que feu Chez Koffi n’a jamais vendu de terrain à Tsara Anani qui n’a d’ailleurs pas les moyens de les payer. Ensuite, M. Tsara au nom de qui sont établis les titres fonciers soutient ne les avoir jamais cédés à Adjaho. Point n’est besoin de démontrer que cette affaire pue la magouille et l’escroquerie avérée.

Le juge Adenka prend-il le parti d’Adjaho ?

Mais devant la justice togolaise, le noir est blanc et le blanc noir. C’est ce qui s’est passé le 15 mars dernier à la chambre civile du Tribunal de première instance de première classe de Lomé. Tribunal présidé par le juge Adenka Adéwalé Kouakou. Dans le jugement, le Tribunal a indiqué que « le requis Adjaho Luc Russel a clairement déclaré à l’audience du 25 janvier 2022 par devant le tribunal de céans qu’il n’existe aucun reçu du genre signé par le défunt père des demandeurs à son profit ». Feu Chez Koffi n’a donc pas signé de reçu de vente ni à M. Tsara, encore moins à Adjaho.

Mais pour bâcler le dossier et donner raison au sieur Adjaho, le juge Adenka a débouté les héritiers de feu Koumessi Koffi de leur demande d’expertise graphologique des signatures. L’argument avancé par le juge est que la personne dont on a imité la signature est décédée. A croire qu’avant sa mort, feu Koumessi Koffi n’a jamais apposé sa signature sur quoi que ce soit qu’on ne pourrait pas retrouver et procéder à une comparaison. Et comme par hasard, c’est ce juge qui vient d’être « promu » au rang de premier substitut du procureur de la République près le tribunal de Lomé mardi dernier.

Cette affaire démontre encore que les affectations opérées dans les rangs des magistrats n’ont pas servi à assainir le secteur. Sinon, comment comprendre que la justice reconnaisse la propriété de M. Adjaho sur des parcelles qu’il n’a jamais acquises et sur lesquelles il a déclaré ne pas disposer de reçus.

Dans cette affaire, les enfants de feu « Chez Koffi » dont Koumessi Outcha disent subir des menaces de mort de la part de Luc Russel Adjaho. Nous avons écouté des audios qui confirme cette allégation.

Nous avons contacté M. Luc Russel Adjaho. Non seulement il n’a pas décroché l’appel, mais il s’est refusé de répondre à nos SMS et messages WhatsApp qu’il a bien lus.

G.A.

 

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