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Alpha Condé, un vieux dictateur déchu

« Le viol constitutionnel ouvre un pays à tous les viols et à tous les malheurs » (Franklin Nyamsi)

«Les dictatures sont comme le supplice du pal, elles commencent bien mais elles finissent mal», disait Georges Clemenceau. L’octogénaire dictateur malade de la Guinée Alpha Condé vient de l’apprendre à ses dépens. Le vieil homme a été déposé dimanche 5 septembre dans la matinée  par des officiers des forces spéciales guinéennes. Dans les images qui ont abondamment circulé sur les sites d’informations et sur les réseaux sociaux, on aperçoit Alpha Condé en jeans, chemise ouverte, pieds nus, assis sur un canapé et entouré de militaires en treillis qui l’interrogent : « Est-ce qu’on a touché à un seul de vos cheveux ? On vous a brutalisé, Excellence ? » Captif, le président reste silencieux. Une image qui n’est pas sans rappeler celle de Laurent Gbagbo arrêté dans son bunker au sous-sol de sa résidence d’Abidjan par les hommes d’Alassane Ouattara épaulés par la France le 11 avril 2011.

A 82 ans, Alpha Condé a décidé d’entamer sa carrière de dictateur en Guinée. Ce professeur opposant admiré devenu président de la République avait nourri une obsession ravageuse du troisième mandat. Lui qui avait promis qu’il ne -modifierait jamais la Constitution parce que ce serait trahir ce pourquoi il s’était toujours battu- a opéré un coup d’Etat constitutionnel sur fond de violences, d’arrestations d’opposants, de morts en détention, de répressions des manifestations…Le climat sociopolitique est tendu en Guinée-Conakry depuis que Alpha Condé a décidé de s’octroyer un troisième mandat, un mandat de trop.

L’histoire politique de la Guinée aurait pu lui inspirer une certaine retenue. Après les sanglantes dictatures des présidents Sékou Touré et Lansana Conté et le passage très mouvementé de Dadis Camara, avec les massacres du 28 septembre dans le stade de Conakry, l’élection d’Alpha Condé a été un grand espoir pour les Guinéens. Mais en refusant d’offrir à son pays la première alternance démocratique de son histoire, après ses deux mandats régulièrement autorisés par la Constitution, Alpha Condé a scellé son destin.

Il le paie cash. Dix mois seulement après s’être octroyé le trosième mandat, Alpha Condé est déchu brutalement du pouvoir. « Nous avons décidé après avoir pris le président, qui est actuellement avec nous (…) de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions; nous avons décidé aussi de dissoudre le gouvernement et la fermeture des frontières terrestres et aériennes », a déclaré, le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya.

« La gabegie financière, la pauvreté, la corruption endémique ont amené l’armée guinéenne, à travers le Comité National de Rassemblement et du Développement, à prendre ses responsabilités.  Si vous voyez l’état de nos routes, de nos hôpitaux, il est temps pour nous de se réveiller », a justifié le nouvel homme fort de la Guinée.

Le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterrers, lui, n’est pas de cet avis. Il est monté au créneau pour « condamner avec la plus grande fermeté le renfersement du pouvoir et exiger la libération immédiate d’Alpha Condé. Pendant ce temps, à en croire plusieurs médias guinéens, une foule en liesse a acclamé les militaires putschistes pour leur courage.  « Vive l’armée ! Vive le coup d’Etat ! » ont scandé les Guinéens.

Autant les Coups d’État comme moyens illégaux et anticonstitutionnels d’accession au pouvoir sont condamnables, autant les tripatouillages constitutionnels et élections frauduleuses pour s’éterniser au pouvoir le sont. Cependant le soutien des populations aux militaires putschistes dénote qu’il y a des coups d’Etat salvateurs comme celui contre Alpha Condé…

Médard AMETEPE

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