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Covid-19 : un lit pour 267000 Togolais !

Tout exécutif a tendance à tirer le drap de son côté. On appelle cette pratique de la politique. Raison pour laquelle il existe des contre-pouvoirs, dont le pouvoir législatif qui a pour rôle principal de surveiller l’action gouvernementale, pas de faire du suivisme. Avec la gestion de la pandémie telle qu’elle est menée par l’exécutif et « surveillée » par l’Assemblée nationale, il devient clair que la surveillance de la gouvernance n’est pas dans l’agenda des députés. Parce que « nommés », ceux-ci sont frileux à tenir un langage de vérité à l’exécutif. Et ce sont les populations qui sont appelées à « mourir pour donner de la place à tout nouveau cas grave de Covid ».

Voici ce que dit le Professeur Didier Koumavi Ekouevi, président du conseil scientifique en charge de la riposte contre la pandémie du covid-19 au Togo. C’était lundi 23 août dernier. « La situation est simple ; il faut se dire qu’au CHR même si nous avons entre 150 et 200 places, nous avons 30 places en réanimation, il n’y a plus de place. Ce qui veut dire aujourd’hui, si vous êtes un patient et que vous présentez une forme grave, tant qu’un patient n’est pas décédé, ou tant qu’on n’a pas libéré de patient, vous n’aurez pas de place. Ça fait mal, mais il faut parler à présent de façon crue pour nous interpeller. Même si mon père aujourd’hui présente une forme grave de Covid-19, je ne peux pas l’hospitaliser à Kegue. Or la durée d’hospitalisation en réanimation est de 3 semaines, voire un mois. Nous avons un indicateur qui est important, c’est le nombre de patients appelés cas actifs. Nous avons aujourd’hui 3300 cas actifs. En faisant l’hypothèse que 5% des cas actifs présentent des formes graves, ça fait 165 patients graves. Or nous avons une capacité de 30 places en réanimation. Ce qui veut dire qu’on ne peut plus prendre en charge tous les patients, tous les cas graves. Voilà la situation. Il n’y a pas de places ».

Une population approximative de 8 millions d’âmes pour laquelle seulement 30 places en réanimation au CHR en plein Covid-19. Arithmétiquement, c’est un lit disponible pour 266666 Togolais. Après plus de 50 ans de gouvernance par un seul régime.

Il existe des régimes forts ailleurs, mais  la prise en charge du volet social est tel que les années passent et la vie continue. Soit le régime se charge de presque tout, ou alors l’Assemblée nationale joue un tant soit peu son rôle par ses critiques qui vont dans le sens de la satisfaction des besoins des populations au nom desquelles les députés existent.

Le premier cas de Covid-19 est apparu au Togo début mars 2020. Etat d’urgence sanitaire, répressions, tout a été mis en branle avec la bénédiction de ceux qui sont censés représenter le peuple, les prétendus députés. Et chaque fois, cet état d’urgence sanitaire a été renouvelé et adopté par dame Tségan Yawa et compagnie.

En décembre 2020, bien que la pandémie soit toujours d’actualité, il a été brandi la menace djihadiste pour justifier un projet de loi de programmation militaire. Comme si la pandémie avait désormais des allures de rebelles écumant les rangs de l’opposition togolaise.

Et, comme un seul homme, des représentants supposés du peuple togolais ont estimé juste d’adopter ce projet de loi qui, depuis, est devenu loi. Avec à la clé, l’urgence de mobiliser en 5 ans plus de 722 milliards FCFA pour équiper et moderniser l’armée togolaise. En pleine pandémie ayant paralysé les économies mondiales.

La loi de programmation militaire sera financée par le budget, c’est-à-dire les recettes issues des contributions des citoyens togolais en âge de contribuer à la collecte des impôts et taxes, soit plus de 722 milliards FCFA.

Mais dans le même temps, ceux qui doivent participer à l’effort de guerre en faveur de l’armée togolaise doivent se partager en réanimation un lit entre 266666 personnes. Le pays ne disposant pas plus de 30 lits en réanimation, selon les propos de Professeur Didier Koumavi Ekouevi. La faute à qui ?

Irresponsabilité des représentants du peuple

On ne le martèlera jamais assez, ceux qui se prennent pour des représentants du peuple n’en sont pas un. Actuellement, ils sont en vacances parlementaires et passent leur temps à gruger les populations avec des actions très loin de ce pour quoi ils sont « élus ». Ils doivent tout faire et tout dire pour être bien vu par l’exécutif, dans l’espoir d’être reconduits aux prochaines élections législatives.

Si les députés étaient effectivement élus, avec l’onction du peuple, ils devraient faire comprendre à l’initiateur du projet de loi de programmation militaire que l’urgence du moment n’était point à l’acquisition d’équipements militaires, encore moins au recrutement de fantassins. Mais prendre la peine d’expliquer à la ministre des Armées et à celui des Droits de l’homme, représentant le gouvernement, qu’on ne peut pas voter pareille loi à pareil moment. C’était tout simplement inapproprié. Et les populations auraient applaudi le courage de leurs représentants. Et l’exécutif aurait tourné un autre regard sur sa gouvernance.

Depuis, une loi a été votée ; et dans la foulée, les prix de divers produits ont été renchéris, des péages aux produits pétroliers, en passant par ceux des produits alimentaires.

Et comme si l’exécutif s’était rendu compte après coup qu’il en faisait trop, il décide de la gratuité des frais de scolarité et d’inscription pour un an. Sans demander l’avis de l’assemblée nationale, considérée à raison comme un instrument de faire-valoir et d’adoubement de l’exécutif.

Même les fantassins ne sont pas épargnés

Lorsqu’un pays veut faire à une menace, il doit disposer de la vitalité de l’ensemble de ses éléments constituant l’armée, la police, la gendarmerie et tous les autres corps. Autrement, quand une maladie sévit, contre laquelle il n’y a pas de remède, mais pour laquelle la disponibilité aux urgences est très limitée, ce n’est pas rassurant pour ce pays.

Les députés ont donné leur aval à la mobilisation des recettes en vue de se conformer à la loi de programmation militaire. Or, avec la pandémie du coronavirus, aucun secteur social n’est épargné. Et si la bonne femme du marché de Kparatao peut se voir refuser les urgences, faute de place, le militaire aussi peut l’être. Comme quoi, lorsque la maladie frappe, il n’y a pas de choisi. Tout le monde est concerné.

Les députés sont-ils conscients qu’ils n’ont pas été utiles au peuple en cette période de pandémie avec le vote de cette loi ? L’exécutif ne fera plus marche arrière. Même si les cas graves vont se multiplier, le nombre de lits aux urgences ne sera pas décuplé. Et devant un cas grave, on doit souhaiter qu’un admis meure ou se rétablisse dans un mois. Un temps plus que suffisant pour…trépasser !

Que diront ces députés lorsqu’ils retourneront auprès des populations pour requérir leurs voix, et que celles-ci leur demanderont des comptes quant à la gestion de la pandémie ?

Godson K.

 

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