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Les tribulations d’un jeune artiste décédé, faute de soins

«Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement» (Francis Blanche)

Le changement tant souhaité au Togo, après plus de cinq décennies de règne sans partage du clan Gnassingbé, fait peur à beaucoup, surtout les partisans du statu quo. Pour eux, ce changement dont sont épris l’écrasante majorité des Togolais ressemble à un saut dans l’inconnu, une entreprise risquée. A défaut de ne pas savoir de quoi demain sera fait, ils préfèrent l’immobilisme. A l’avant-garde de ceux qui défendent cette thèse bec et ongle, se trouvent nombre d’artistes, censés être pourtant les voix des sans voix. Ils préfèrent, pour quelques subsides, servir de troubadour au service de la dictature et mobiliser les jeunes, à travers des concerts de louagnes ou de flagorneries afin de les amener à opter pour le maintien de l’ordre établi.

Sauf que le changement n’est contre personne. Au contraire, il est bénéfique pour tous. En premier lieu ceux qui sont foncièrement hostiles à l’évolution et au progrès. Les tribulations d’un jeune artiste souffrant d’un mal bénin, trimballé de centre de santé en centre santé pour finalement mourir, faute de soins, dénotent si besoin en est qu’il faut un véritable changement, une société démocratique et de prospérité partagée plutôt que de demeurer dans le pilotage à vue néfaste à tous les Togolais, sans exception.

Quand un régime dure trop comme celui des Gnassingbé en place depuis 54 ans, il sombre dans l’immobilisme et devient complètement ménopausé au niveau des idées et des actions à mener pour imprimer une nouvelle dynamique au pays.

Le jeune artiste s’appelle Alerik. Selon les informations relayées sur les réseaux sociaux, il souffrait de la fièvre typhoïde. Mais au petit matin du 18 août 2021, le mal s’est aggravé. Il fut conduit d’urgence au CHU Sylvanus Olympio, le seul hôpital de référence au Togo. Mais les proches de l’artiste se sont entendu dire qu’il n’y a pas de place. Ils ont alors emmené le malade au Centre médico-social d’Adidogome. Même rengaine. L’artiste est ensuite transporté au CHU Campus pour finalement être ramené au CHU Tokoin où les médecins lui trouveront une place dans les couloirs. Du petit matin à 01 heure jusqu’à la mi-journée à 11h 30, l’artiste agonisa à même le sol dans les couloirs du CHU Sylvanus Olympio. Selon les témoignages des proches, on ne lui a pas trouvé une poche de sang pour lui sauver la vie. Le jeune artiste mourut ainsi sans soin.

Le récit de cet artiste abandonné à son triste sort et qui mourut comme un chien a suscité indignation et consternation. Beaucoup peinent à comprendre que dans ce pays,  on n’ait pas trouvé un seul centre de santé où on puisse prendre en charge l’artiste et lui sauver la vie. « Pourquoi la famille ne l’a-t-il pas évacué dans une clinique privée ? », c’est la question que de nombreux internautes se sont posée. On le sait, au Togo, l’art ne nourrit pas son homme. Manifestement, c’est faute du nerf de la guerre que les proches de l’artiste ont opté pour un hôpital public. Un choix fatal.

Ce qui est triste, c’est qu’en 54 ans de règne sans partage de la même famille, pas un seul hôpital digne de ce nom n’a été construit. Les « mouroirs », c’est le nom pas très glorieux collé aux hôpitaux publics togolais. A raison. Au Togo, l’hôpital a cessé, depuis des lustres, de jouer son rôle, celui de traiter jusqu’à la guérison toute personne malade qui franchit ses portes. L’hôpital est lui-même malade et se transforme en « un lieu de transit vers le cimétire ou l’antichambre de la mort ». Le seul endroit où on va au Togo pour ne plus revenir vivant.

Pendant que les Togolais meurent comme des mouches, faute d’hôpitaux où ils doivent se soigner convenablement, les dirigeants préfèrent investir plusieurs centaines de milliards FCFA pour équiper l’armée et dans l’achat d’armes numériques pour espionner les opposants…

Médard AMETEPE

 

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