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Message de Patrice Talon à Faure Gnassingbé : « Il faut avoir l’humilité d’accepter qu’un autre peut toujours mieux faire »

La semaine dernière s’est tenu à Cotonou le deuxième Sommet citoyen ouest-africain sur la bonne gouvernance, l’alternance et la démocratie. Le président béninois Patrice Talon a honoré de sa présence ce sommet. Dans son discours de clôture, il s’est engagé à servir de relai pour l’effectivité de la limitation du mandat présidentiel et le renouveau démocratique et prodiguer d’utiles conseils à ses pairs de la CEDEAO.

 

Discours du président de la République du Bénin, son excellence Patrice Talon

 

Professeur, chers amis, mesdames et messieurs, représentants des citoyens de notre espace CEDEO d’Afrique de l’Ouest, représentants des jeunes, je voudrais vous exprimer toute ma gratitude et vous féliciter pour l’initiative de ce sommet. Vous incarnez l’audace et je voudrais vous saluer pour cela, vous féliciter et vous dire combien vous me mettez la pression.

Pas pour l’idéal de ce sommet, pas pour ce que vous prônez, – le respect impératif de l’alternance -, ce n’est pas pour cela que vous me mettez la pression ; mais c’est pour le message auquel vous m’associez pour l’ensemble de l’espace CEDEAO. Vous comprenez combien c’est difficile pour un Président en exercice qui a choisi de faire de l’alternance, un  élément fort de ses réformes. Combien il lui est difficile de prôner, de faire la promotion de son idéal à lui dans un espace où tout n’est pas pareil, dans un espace dans lequel on ne se ressemble pas tous. Un espace dans lequel j’ai l’obligation de ne pas donner de leçons. Vous comprenez donc quelle est ma fierté, comment je suis honoré de défendre sur la terre béninoise cette vertu qu’on attend des gouvernants de ne pas se prendre pour Dieu Tout Puissant l’éternel, et d’avoir l’humilité de comprendre qu’un autre peut toujours mieux faire, quel que soit son engagement, quel que soit son idéal. Cette humilité que nous sommes en train d’inscrire ici au Bénin, que je porte avec vous que vous portez avec moi, qui à mon sens ne peut plus jamais être remis en cause sur notre terre ici au Bénin, cet idéal pour moi est difficile à promouvoir hors du Bénin.

Vous avez l’audace, comme cela est dans l’ADN de la jeunesse, l’audace. Vous avez l’audace de l’évoquer, de décider, de porter cet engagement au-delà de nos frontières et je voudrais vous saluer pour cela. Je voudrais pouvoir m’associer à cela, mais je voudrais vous exhorter dans la promotion de cet idéal de ne pas trop citer le Président Talon. Bien que ce relai que je viens de saisir avec beaucoup de responsabilités, parce je mesure le symbole que c’est, je mesure la portée du symbole et, devant vous, combien je m’engage et vous prends à témoin pour passer ce relai dans le troisième dimanche du mois de mai 2026 à celui qui aura la confiance du peuple béninois.

Est-ce-que ce que je viens de dire mérite tant d’ovations ? À mon sens, c’est une évidence, je voudrais vous garantir que je demanderai une dérogation au protocole d’État pour que le symbole de l’alternance que vous venez de me remettre, que je viens de prendre, fasse partie des éléments du rituel de passation de charge. J’en prendrai bien soin, et je le transmettrai à mon successeur lui-même, lui disant, de bien lire le chiffre deux.

Merci beaucoup pour votre initiative, merci pour ce sommet, pour la bonne gouvernance, la démocratie et l’alternance. Vous savez très bien que la démocratie et l’alternance ne suffisent pas en soit pour apporter du développement et du bonheur au peuple. C’est parce que l’on estime que la démocratie et l’alternance peuvent induire la bonne gouvernance, chose essentielle au développement des communautés organisées. Les hommes ont choisi, depuis la nuit des temps, de s’organiser en communauté. Ils ont, avant cela, vécu chacun en petit groupe, en individuel, puis depuis très longtemps, les hommes se sont organisés en communauté. Et quand on est en communauté, on a besoin de structurer la vie ensemble, on a besoin d’avoir une organisation sociale, des responsables à divers niveaux. Les hommes ont donc instauré la gouvernance de la vie des communautés, pour leur bien-être collectif et le bien-être individuel.

Le rôle de ceux qui sont chargés d’exercer des responsabilités dans la communauté est d’œuvrer, à ce que, ensemble, on se sente bien, on puisse faire face à nos défis, à nos besoins et que chacun, dans l’ensemble, puisse trouver satisfaction à ses besoins, à son épanouissement. C’est ça le rôle d’un responsable. Comme aucun homme n’est véritablement à l’image de celle du créateur, nous disons que nous sommes à l’image de Dieu, mais nous manquons de l’essentiel. Nous ne sommes pas omniscients et nous avons des travers, des péchés. Et pour que nos faiblesses, nos insuffisances ne compromettent pas la communauté entière, dans les temps modernes, il a été convenu pour améliorer la gouvernance de la cité que la démocratie est un élément fort de la bonne gouvernance des communautés. Que la voix de la majorité constitue la voie la plus sage, la plus indiquée. Que si l’homme est fait à l’image de son créateur, le grand nombre, la majorité représente davantage la volonté du créateur que la volonté d’un seul composant. Donc le grand nombre a prépondérance sur l’individu. La majorité a prépondérance sur l’unité, le singulier. Et c’est bien pour ça que la voix de la majorité doit impérativement s’imposer à la voix de l’individu.

La démocratie, que la majorité choisisse librement ce qu’il convient à elle et que plus tard, et notamment dans les communautés où les chemins de la démocratie paraissent encore compliqués, paraissent encore parfois ambigües, les communautés dans lesquelles il y a encore beaucoup d’ignorance, beaucoup de gens qui n’ont pas la connaissance, l’éducation nécessaire, la culture nécessaire, que dans ces communautés, nul ne s’arroge définitivement ou trop longtemps des prérogatives, de la responsabilité de diriger la cité en manipulant ou en ayant la possibilité de manipuler même les instruments de l’expression de la démocratie. Parce qu’on a tendance à dire : « Pourquoi est-ce que le mandat est limité à deux ? Pourquoi l’alternance doit s’imposer à la volonté de la majorité ? Si la majorité décide que quelqu’un doit faire deux, trois ou quatre mandats, est-ce que ce n’est pas la démocratie aussi ? » C’est pertinent ceux qu’ils disent. Ceux qui disent que le mot « alternance » est antinomique de la démocratie, que l’obligation de limiter les mandats à deux est contraire à la démocratie, ils donnent des exemples de pays développés, évolués, par rapport aux références du monde moderne, que dans ces pays la notion de limitation de mandats n’est pas absolue. Donc, que l’expression de la démocratie peut parfois être à l’encontre de l’exigence de limitation des mandats.

Ce qui justifie qu’on fasse la promotion de la limitation des mandats et de la nécessaire alternance au sommet de la gouvernance des cités, des communautés, c’est que principalement dans les pays où c’est encore fragile, pays dans lesquels un grand nombre de citoyens manquent encore de culture, d’éducation, de moyens d’expression de leur volonté. Que ceux qui sont à la charge à un moment donné n’abusent pas de la faiblesse de leurs concitoyens, du fait que ceux-ci n’ont pas toujours les moyens d’exprimer leur volonté. Que ceux-ci n’en abusent pas pour s’éterniser dans la fonction, tant bien même qu’ils sont mauvais. De deux maux, il faut choisir le moindre, le moins mal. Dans nos communautés qui sont en train d’évoluer, qui sont en train d’acquérir les unes après les autres les ingrédients de l’expression réelle de la volonté populaire. Dans ces pays-là, dans ces communautés là il convient puisque l’on ne sait pas qui est qui comme on dit, il convient de limiter les mandats. Quoi que puisse être la qualité de l’un au passage et donc de manière générale, limiter les mandats pour que ceux qui sont bons pour le meilleur des mondes pendant cette période, et d’ailleurs nul ne peut être éternellement bon, et que ceux qui sont mauvais n’usent pas de leur capacité de nuisance trop longtemps.

Donc quand on fait la balance des avantages et inconvénients, l’évidence est claire : limiter les mandats et à tous égards au profit du peuple, que de laisser les uns et les autres rester éternellement dans la fonction, sachant qu’en général les plus mauvais sont plus nombreux que ceux qui sont bons. Et c’est pour cela que vous avez raison, vous avez absolument raison de prôner l’alternance dans les fonctions de responsabilité à la tête des communautés humaines, notamment des nôtres.

Je m’associe pleinement à votre action et je m’engage devant vous à la défendre. À m’être témoin, un exemple ici comme mes prédécesseurs sur les rites qui n’est plus le mien ici au Bénin, c’est un acquis pour nous. Mes prédécesseurs l’ont montré, j’ai simplement à faire comme eux, à faire que ceux qui vont venir après continuent de faire comme nous. Au Bénin, ce n’est plus quelque chose d’extraordinaire l’alternance, la limitation des mandats. Alors nous devons œuvrer à renforcer ça au Bénin, œuvrer à ce que ce soit durable. Mais vous vous pouvez le porter au-delà de nos frontières, au-delà des frontières du Bénin, et moi, je me contente de faire ce qui est de mon devoir ici au Bénin.

 

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