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Togo/La problématique de l’emploi de la jeunesse : Le rapport de l’OCDE passé par pertes et profits

 

Encore une structure pour donner l’impression qu’on se soucie de la jeunesse togolaise. Malheureusement pour l’autorité, des écrits témoignent de ce que même l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) s’était penché sur la problématique de l’emploi de la jeunesse togolaise et d’autres aspects qui, s’ils avaient été pris en compte ainsi que les résolutions édictées, auraient commencé à trouver des solutions visibles.

Le 13 avril 2021, c’est un Haut conseil pour l’emploi des jeunes (HCEJ) que celle-là même qui était aux avant-postes dans le rapport de l’OCDE, a fait naître. Avec pour objectif de lutter contre le chômage des jeunes. Et, comme un mythe de Sisyphe, on prend les mêmes et on recommence. Près de 40 000 personnes y ont pris par via les réseaux sociaux et un millier en présentiel, on parle de succès de la session inaugurale. Comme si ladite session était créatrice d’emplois.

Encore des chiffres pour pas grand-chose : 3.500 milliards d’investissement dont 50% par l’Etat et 50% par le secteur privé. Comme pour le Plan national de développement (PND) dont on avait dit qu’il mobiliserait 4.622 milliards FCFA dont 65% de la part du privé. A près de 20 mois de la fin dudit PND, aucun bilan à mi-parcours n’est établi, aucun chiffre vérifiable si ce n’est un hypothétique chiffre de « 200.000 emplois déjà créés » annoncé par un ministre.

Cette fois-ci, on annonce que le HCEJ a pour mission de veiller au respect des orientations générales de l’Etat en matière d’emploi des jeunes ; d’apprécier les stratégies proposées par le secrétariat permanent de la coalition ; d’étudier et proposer à l’endroit du gouvernement et des partenaires des orientations nécessaires et des cibles nouvelles en vue d’assurer une meilleure efficacité de la coalition et d’approuver le rapport de sélection des partenaires stratégiques et les programmes d’activités. Et puis quoi encore ?

Plus personne ne fait allusion sur le rapport produit par l’OCDE et auquel a pris part l’actuel Premier ministre, alors ministre du Développement à la base, de l’artisanat, de la jeunesse, et de l’emploi des jeunes (MDBAJEJ), Victoire Tomégah-Dogbé. En 2017 pourtant, l’OCDE a déjà presque tout étudié et avait assorti son rapport de recommandations. Mais aujourd’hui, pourquoi plus rien n’est dit quant à ce rapport ? Pourquoi les autorités donnent l’impression que c’est maintenant qu’elles s’éveillent à la problématique de la jeunesse togolaise ? Ci-dessous le résumé du rapport.

Godson K.

 

Examen du bien-être et des politiques de la jeunesse au Togo

Résumé

Malgré la normalisation progressive de la situation politique et le retour de la croissance économique, le Togo, qui demeure un des pays les plus pauvres au monde, continue à faire face à d’importants défis tant sur le plan économique que social. La croissance peu inclusive ne contribue que modestement à la baisse de la pauvreté et génère même des inégalités au sein de la population.

À cet égard, la situation de la jeunesse préoccupe tout particulièrement, compte tenu de son poids démographique et des défis majeurs auxquelles elle fait face. Le Togo ne peut faire l’économie d’un investissement massif en faveur des jeunes et laisser cette frange considérable de la population en marge du processus de développement. Cet investissement doit se traduire par la mise en œuvre de politiques appropriées visant à améliorer l’inclusion sociale et le bien-être des jeunes.

L’Examen du bien-être et des politiques de la jeunesse au Togo a été réalisé dans le cadre du projet Inclusion des jeunes cofinancé par l’Union européenne et mis en œuvre par le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cet examen dresse un état des lieux exhaustif de la situation des jeunes en matière d’inclusion sociale et de bien-être, sur la base des dernières données disponibles et suivant une approche multidimensionnelle. De nombreux aspects sont explorés dans les domaines de la santé, l’éducation et les compétences, l’emploi, l’engagement civique et politique, le capital social et le bien-être subjectif. L’examen se focalise surtout sur les perceptions des jeunes quant à leur capital social et leur engagement civique et politique, à l’aide d’une enquête qualitative réalisée à l’échelle nationale, ainsi que sur la situation de jeunes particulièrement vulnérables que sont les enfants de la rue et les consommateurs de drogues, à partir d’études de cas menées dans la commune de Lomé et ses environs. Sur la base des résultats de l’analyse, des recommandations concrètes en matière de politiques publiques sont proposées afin de maximiser l’action gouvernementale en faveur de la promotion de la jeunesse.

L’examen montre que la jeunesse reste confrontée à de nombreux défis. La mortalité des jeunes, notamment celle des hommes, est relativement élevée au Togo. Le nombre des grossesses précoces reste important, et la consommation de substances nocives préoccupante chez les jeunes. En raison des difficultés d’accès, de rétention et de progression dans le système éducatif, la plupart des jeunes atteignent un faible niveau d’études. En outre, les compétences très faibles des élèves du primaire, principalement en milieu rural et dans les écoles publiques, témoignent du déficit de qualité du système éducatif. De nombreux jeunes ne sont ni dans l’emploi, ni scolarisés ou en formation (NEET), et ceux qui travaillent sont en grande majorité concentrés dans des emplois de faible qualité. Enfin, l’engagement civique et le capital social des jeunes soulèvent des inquiétudes majeures.

Compte tenu de tout ce qui précède, il n’est pas surprenant de constater que les jeunes sont très peu satisfaits de leur vie de manière générale et nombreux à éprouver des émotions négatives.

D’après les résultats de l’enquête qualitative, les jeunes togolais ne jouissent pas en effet d’un capital social élevé et leur participation civique ou politique est assez marginale. Les réseaux de soutien social des jeunes se limitent essentiellement au cercle familial, en premier lieu la parenté immédiate. Les jeunes ont une connaissance relativement faible et une vision plutôt négative des associations et groupes de soutien qui existent dans leur milieu. En conséquence, beaucoup n’y adhèrent pas ou n’y participent pas activement. Les jeunes également font preuve d’une désaffection poussée à l’égard des institutions publiques qui limite par ailleurs leur engagement civique. De même, les jeunes sont méfiants à l’égard des responsables politiques, ce qui tend à les éloigner de la sphère politique. La gérontocratie et l’instrumentalisation affaiblissent aussi l’engagement politique des jeunes qui n’échappe pas non plus à certains déterminismes sociaux et culturels tels que l’environnement familial et communautaire, et le statut social.

Les études de cas menées auprès des enfants de la rue et des jeunes consommateurs de drogues ont abouti à des résultats édifiants. Le départ des enfants pour la rue résulte de la dislocation et de l’extrême pauvreté du foyer familial, ainsi que de la maltraitance et des conditions de vie difficiles qui le plus souvent en découlent. Une fois dans la rue, les enfants sont confrontés à de nombreuses difficultés, en premier lieu la faim, le manque de logement et l’insécurité, et sont contraints de travailler pour survivre. Concernant les jeunes consommateurs de drogues, un contexte familial dégradé, le chômage et l’influence des pairs apparaissent comme des éléments déterminants de l’initiation à ces substances nocives. Après s’être initiés, les jeunes sont nombreux à poursuivre la consommation de drogues en raison des multiples fonctions qu’elle remplit, notamment le gain de productivité associé à l’augmentation des facultés physiques et intellectuelles. La vie dans la rue et l’usage de drogues portent sérieusement atteinte au bien-être des jeunes, et ce, dans de multiples domaines tels que la santé, la sécurité, l’éducation et l’emploi.

L’inclusion sociale et le bien-être des jeunes sont au cœur des préoccupations du Gouvernement. En témoigne, d’une part, la création en 2010 d’un ministère dédié à la promotion de la jeunesse et à l’emploi des jeunes (le ministère du Développement à la base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes, MDBAJEJ) et, d’autre part, l’adoption récente de deux politiques majeures que sont la Politique nationale de jeunesse (PNJ) et le Plan stratégique national pour l’emploi des jeunes (PSNEJ). Cependant, les actions menées couvrent largement le domaine de l’emploi au détriment d’autres secteurs qui concourent à l’épanouissement de la jeunesse, principalement les activités culturelles, socio-éducatives et la formation civique. Les résultats des programmes mis en place sont encourageants mais restent bien insuffisants face à l’ampleur des défis. L’efficacité de l’action gouvernementale en faveur des jeunes, pilotée par le MDBAJEJ, est entravée par le manque de coordination des acteurs et de synergie des interventions. Le MDBAJEJ bénéficie de nombreux atouts pour mener à bien la politique de la jeunesse mais ne dispose pas de moyens financiers et humains suffisants.

Pour améliorer l’efficacité de l’action gouvernementale en faveur des jeunes et répondre au mieux à leurs besoins, le Togo devra en particulier :

  • poursuivre et intensifier les activités culturelles, socio-éducatives et civiques sur l’ensemble du territoire
  • mettre en place un cadre institutionnel de coordination des interventions
  • doter les programmes de mécanismes de suivi et d’évaluation d’impact
  • accroître les ressources financières et humaines du MDBAJEJ et renforcer les capacités de son personnel
  • créer un système d’information centralisé sur le secteur jeunesse pour guider les politiques publiques.

Le Togo devra également investir dans le capital social de la jeunesse pour encourager l’engagement civique et politique. Pour ce faire, il convient notamment de :

  • étendre les réseaux de soutien social des jeunes au-delà du cercle familial
  • rétablir la confiance entre les jeunes, les institutions publiques et les responsables politiques
  • former les jeunes aux valeurs civiques et à l’engagement citoyen
  • lever les obstacles à l’engagement civique et communautaire des jeunes
  • encourager et faciliter la participation de la jeunesse aux processus décisionnels.

Enfin, le Togo devra faire de la lutte contre la déviance sociale des jeunes une priorité nationale. En ce sens, il est particulièrement important de :

  • centrer les efforts sur les actions de prévention pour enrayer la marginalisation des jeunes
  • œuvrer pour la réintégration sociale des jeunes marginalisés
  • veiller à une meilleure connaissance et application du cadre réglementaire de protection de l’enfance
  • doter les structures de soutien aux jeunes marginalisés de plus de moyens pour augmenter leur capacité et efficacité d’action
  • promouvoir un autre regard social sur les jeunes marginalisés.

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