ActualitesSociété

Le monde agricole au Togo phagocyté par OLAM : Après le coton, le groupe singapourien fait mains basses sur le soja et le MIFA

Hier c’était le coton. Aujourd’hui, au tour du soja, une autre filière en devenir au Togo. Mais la curiosité vient de ce que le projet dit Mécanisme incitatif de financement agricole (MIFA) vient également d’enregistrer l’entrée dans son capitale du même acquéreur du coton et du soja, le groupe singapourien OLAM. Alors que ce projet n’a pas encore deux ans de durée de vie. Vers où les autorités mènent-elles le monde agricole au Togo ?

En décembre 2020, le groupe OLAM a pris le contrôle de la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT). Il a acquis 51% des parts d’actions de cette société contre un chèque d’environ 10 milliards FCFA. Il se disait qu’à côté de cette transaction, OLAM débourserait 12 milliards FCFA supplémentaires en guise de « fonds de roulement net ». L’Etat ne détiendrait plus que 24% des parts et les cotonculteurs, 25% dans la société. OLAM aura la mainmise sur l’engagement auprès des agriculteurs, l’égrenage et la commercialisation du coton.

Moins d’un trimestre après, revoilà le groupe OLAM, cette fois-ci dans la filière soja. La semaine dernière,  on apprend que le groupe OLAM  a pris le contrôle de la filière sans même l’avis de l’inter professionnelle qui gère le secteur. Quand on sait que le soja, représente plus de 50 milliards FCFA par an, on se demande si ce n’est pas ce chiffre qui aiguiserait des appétits. Mais l’opération n’aurait pas pu se réaliser si les autorités togolaises n’avaient pas porté atteinte au projet dit Mécanisme incitatif de financement agricole (MIFA).

On apprend que le groupe OLAM est désormais actionnaire à 50% de la MIFA, lequel actionnariat lui aurait permis de prendre le contrôle de la filière soja. L’information a été communiquée la semaine dernière aux acteurs du secteur à Atakpame. Mais les objectifs du MIFA n’auraient-ils pas été détournés au profit du groupe OLAM ?

Au commencement était une annonce légale faite auprès de la notaire Lawson de Souza Kayi Raymonde le 6 mai 2019 et enregistrée le 25 juillet 2019.  Le MIFA qui venait d’être créée était une société anonyme dotée d’un capital de 10 milliards FCFA et dont 49%, soit 4,9 milliards FCFA sont entièrement libérés.

L’objet du MIFA, sous réserve de l’obtention de toutes les autorisations légales et réglementaires, est « la mise en place des mécanismes de partage de risques qui constituent une approche holistique pour relever les défis auxquels est confronté le secteur agricole, notamment la réorganisation des différents maillons des chaînes de valeur agricole, la promotion du financement des chaînes de valeur agricole, la promotion de l’assurance agricole comme l’un des outils financiers innovants de gestion des risques agricoles tout au long des chaînes de valeur, la mise en place de garanties en vue de permettre au Gouvernement de réaliser ses objectifs en matière de développement agricole », lit-on dans l’annonce.

Les missions du MIFA sont expressément précisées : promouvoir les produits financiers et assuranciels; renforcer et professionnaliser les chaînes de valeur agricole ; inciter les institutions financières à financer les chaînes de valeur agricole ; développer des mécanismes de mobilisation des ressources pour le financement des chaines de valeur agricole ; fournir une assistance technique aux institutions financières, aux petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries (PME/PMI) et producteurs agricoles ; prendre différentes initiatives d’accompagnement, de promotion et de développement des entreprises agricoles et agroindustrielles ; mettre en place un mécanisme holistique de notation bancaire ; mettre en place des mécanismes de partage de risques qui constituent une approche holistique pour relever les défis auxquels est confronté le secteur agricole ; participer à la constitution et au développement des entreprises agricoles, agroalimentaires et de services connexes à l’agriculture ; prendre différentes initiatives pour la constitution d’assurance ou de microassurance pour la gestion des risques agricoles tout au long de la chaine de valeur agricole ; mener toute activité qu’elle jugera nécessaire, profitable ou appropriée, conforme à son objet.

Il était dit au départ que le solde des bénéfices, après prélèvement de la réserve légale, revient aux associés dans la proportion du nombre de parts sociales qu’ils détiennent. Préalablement à la répartition, les associés peuvent décider de prélever toutes sommes, en vue de constituer toutes réserves générales ou spéciales. Mais avec OLAM qui devient actionnaire majoritaire, bien malin qui pourra dire si le deal tiendra encore longtemps.

Le MIFA avait-il vocation de phagocyter des groupements ou de les accompagner ?

L’ancien ministre de l’Agriculture Noël Bataka a expliqué le rôle que devrait jouer le MIFA. C’était en octobre 2018. « L’axe 2 du Plan national de développement du Togo, focalise les investissements sur la transformation manufacturière et agricole. Et parmi les instruments phares de cet axe 2, nous avons la mise en œuvre des agropoles et du Mifa. Il s’agit de faire en sorte que le mécanisme facilite l’accès au crédit et au financement pour les acteurs le long des chaînes de valeur, pour qu’ils développent les entreprises manufacturières, de production et de transformation à travers les agropoles. Ainsi, le Mifa est une facilité que l’Etat met en place pour les opérateurs économiques privés afin de les aider à développer les chaînes de valeur agricoles, tel que prévu dans l’Axe 2 du PND ».

L’ancien ministre a également expliqué les étapes du MIFA. « Pour bien maîtriser l’approche et stabiliser les outils, il est évident qu’il faut partir d’une phase assez simple. C’est pour cela que la phase pilote porte sur 3 filières : maïs, riz et manioc. Après la stabilisation et les leçons qui seront tirées de cette phase pilote, le mécanisme va être étendu à 7 catégories de produits. Nous tablons sur des productions végétales, animales et halieutiques, à travers les cultures telles que les céréales, les tubercules, les racines, les oléagineux, les légumineux mais aussi l’élevage, notamment l’élevage de poulets, et aussi et surtout les cultures de rente qui vont servir à apporter des devises mais aussi à améliorer notre balance commerciale. Ce sont des cultures telles que l’ananas, le café, le cacao, le coton, le soja et l’anacarde, seront couvertes par le déploiement du mécanisme à partir de 2019 ».

Maïs, riz et manioc sont donc les produits de la phase pilote. Quels sont les enseignements tirés de cette phase et confortent les autorités à sauter sur le soja? Doit-on donner raison à cet agriculteur qui constate amèrement que « les pauvres agriculteurs togolais vont produire et ce sont les étrangers qui décideront » ? Lequel pense que « nous sommes en face d’un Bolloré version agriculture. Tous les pans du pays tombent dans les mains étrangères » ?

Gouverner autrement rimerait-il avec bradage des actifs de l’Etat ? Togocom, NSCT, MIFA, à qui le tour ?

Godson K.

 

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page