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Adoption d’un projet togolais à l’UA : Une « prouesse » qui n’occulte pas les ambitions autoritaristes du régime de Faure Gnassingbé

L’information a été relayée par la propagande. Un projet du Togo sur l’implication de la diaspora africaine dans le développement du continent a été adopté par l’Union africaine. Une victoire diplomatique qui ne cache pas les ambitions autoritaires du régime en place.

La diplomatie togolaise a le vent en poupe. La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine (UA) a adopté le 07 février 2021, la proposition du Togo en décrétant la période 2021-2031 « décennie des racines africaines et des diasporas ». D’après les informations, l’initiative qui avait été présentée il y a un an à Addis-Abeba a été adoptée au deuxième jour du 34ème sommet de l’organisation continentale. « Inspirée du modèle déjà mis en œuvre avec les Togolais de l’extérieur, la décennie des racines africaines vise à faire des diasporas africaines des acteurs de premier plan du développement du continent », rapporte le portail officiel de la République togolaise.

Pour le ministre togolais des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’extérieur, Robert Dussey, le projet est un cadre innovant de coopération entre pays africains. « Il s’agit, a-t-il dit lors de la présentation du projet, de mieux impliquer les Africains de l’extérieur et renforcer les liens entre les afro-descendants, les communautés de racines africaines, les diasporas et leur continent, « terre mère », l’Afrique ». Il faut y voir une expérimentation, à l’échelle continentale, du Haut commissariat des Togolais de l’extérieur (HCTE).

Cette adoption est décrite comme une réussite de la diplomatie togolaise qui a su convaincre les autres Etats de s’associer au projet. Ce n’est pas une première puisque le Togo a souvent réussi, d’une manière ou d’une autre, à rassembler d’autres pays du continent ou de la région ouest africaine autour de certains projets. Souvent à coups de milliards de francs CFA. Sans oublier qu’il arrive que les initiatives proposées par le Togo ne reçoivent finalement que peu de soutien après leur adoption. Dans tous les cas, le régime et sa diplomatie viennent de marquer un coup sur la scène africaine.

Il ne peut en être autrement ; le Togo ayant abandonné des chantiers plus importants pour l’avenir du pays et des populations, se lance dans des conquêtes qui ne relèvent souvent que du superflu. On laisse les difficultés auxquelles font face les populations pour des sommets dispendieux et dont les fruits ne sont jamais récoltés. Le sommet sur la Sécurité maritime et le développement en Afrique organisé en octobre 2016 peine à sortir ses retombées. La charte de Lomé signée par la poignée de chefs d’Etat présents lors du sommet est jetée aux oubliettes. L’économie maritime chantée comme la découverte du millénaire ne profite pas encore aux populations qui pèchent encore avec les pirogues. La création d’un ministère chargé de l’Economie maritime n’y a rien changé.

Adoption du projet de la « décennie des racines africaines et des diasporas », oui. Mais depuis que le Togo s’est lancé dans le processus d’attraction des financements de sa diaspora, combien sont-ils à revenir pour investir dans leur pays d’origine ? Ils se comptent sur le bout des doigts. La raison est que la diaspora togolaise est une diaspora majoritairement politique. Il lui faut des garantis et l’assurance d’une bonne gouvernance axée sur la reddition des comptes. Ce qui manque cruellement au pays.

Togo promoteur des diasporas africaines et leader dans le pouvoir à vie. Quel contraste !  Au Togo, la démocratie se vit dans les rêves, les fondamentaux des droits de l’homme sont foulés aux pieds. Comment réussir à attirer sa diaspora si après 15 ans de pouvoir, on fait tout pour continuer à gouverner son pays. En 2015, quand la question de la limitation à deux du mandat présidentiel s’est posée à Accra, le « promoteur de la diaspora » et son ami Gambien étaient les seuls à s’y être opposés. Tous les autres pays étaient partants pour mettre un terme au pouvoir à vie. Interrogé sur la question de la limitation du mandat présidentiel dans son pays, Faure Gnassingbé a déclaré que « la Constitution en vigueur sera rigoureusement respectée ». En d’autres termes, le verrou de limitation ne serait pas remis à sa place. Et il est resté fidèle à cette déclaration jusqu’en mai 2019 avec l’adoption de la limitation de mandat par l’Assemblée nationale. Acquis à la cause de celui qui a permis leur nomination, les députés ont élaboré un texte sur mesure pour Faure Gnassingbé. Ils lui ont donné la possibilité de faire deux mandats supplémentaires après ceux de 2005, 2010 et 2015.

Depuis sa « réélection » en février 2020, Faure Gnassingbé semble avoir opté pour une rallonge interminable. La restriction de l’espace de liberté est manifeste, médias, partis politiques de l’opposition et organisations de la société civile sont en proie à des manœuvres de musèlement. Le train de la pensée unique est de nouveau lancé et ce n’est pas le statut de « jeune doyen » de l’espace CEDEAO qui va freiner les ardeurs.

L’initiative proposée par le Togo peut marcher ailleurs, mais pas au 228 où la diaspora qui a goûté aux fruits de la liberté dans les pays d’accueil craint toujours les représailles de la dictature plus que cinquantenaire des Gnassingbé. La preuve en est le nombre de Togolais de l’extérieur autorisé à voter en février 2020.

G.A.

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