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Togo : 8 ans d’emprisonnement sans jugement pour une tentative d’homicide imaginaire

 

L’Inspection générale et la CNDH interpellées

Peut-on être accusé de tentative d’homicide volontaire ou involontaire sur une tierce personne que la justice n’a jamais vue comparaître, et être incarcéré depuis presque 8 ans ? Non seulement le jeune Laurent Kpogo semble oublié par le juge d’instruction Jérôme Kodjo d’Almeida, mais son dossier n’apparaît nulle part au secrétariat du parquet général pour être appelé à comparaitre devant la Chambre d’accusation. Qu’en disent l’inspection générale et la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) ?

Il avait 32 ans lorsqu’il avait été arrêté. Dans quelques mois, il en aura 40. Lui, c’est Laurent Kpogo, un jeune conducteur de taxi-moto arrêté lors d’une manifestation de l’opposition au quartier Nyekonakpoè. Depuis juin 2013, il est oublié par les juges qui n’ont connu de cette affaire. C’est à croire qu’ordre leur aurait été donné de ne pas s’en mêler. Mais si au moins la victime de la tentative d’homicide volontaire ou involontaire était identifiée, on comprendrait.

En effet, d’après le prévenu –il n’a jamais été accusé pour savoir s’il était coupable ou non-, la victime du crime dont il est accusé n’a jamais été connue. La première tentative n’avait pas marché, parce que le soldat qui était présenté comme ayant été la victime avait avoué ne pas connaître Laurent Kpogo, et donc n’ayant pas été objet de tentative d’homicide. Et depuis, la prison civile de Lomé est devenue la demeure du jeune qui fêtera ses 40 ans derrière les barreaux pour un crime inexistant. Même ses demandes de mise en liberté provisoire (DMLP) sont systématiquement rejetées.

Toujours d’après le prévenu, sa dernière DMLP portant le numéro 0482 datait du 7 juillet 2020. Mais la gestion de cette demande interpelle. Le juge du 2ème cabinet d’instruction en charge du dossier, Jérôme Kodjo d’Almeida aurait refusé et après avoir bouclé le dossier, l’aurait transmis au parquet pour que Laurent Kpogo passe à l’audience. Sans nouvelle, une autre demande avait été formulée, mais le juge avait refusé de la recevoir, au motif que le dossier était bouclé et transmis au secrétariat général du parquet. Soit, mais alors, pourquoi au secrétariat général, le dossier est depuis introuvable ?

Des démarches avaient été introduites pour suivre le dossier, mais dans le répertoire, pas de trace dudit dossier. Est-ce que le juge Kodjo d’Almeida a effectivement transmis le dossier du prévenu Laurent Kpogo au parquet ? Dans l’affirmative, qu’est-ce que le parquet en a fait ? Mais dans la négative, pourquoi alors cette rétention ? Seules l’inspection générale et la CNDH peuvent permettre à la vérité de surgir.

Bientôt 8 ans derrière les barreaux sans que la culpabilité d’un prévenu ne soit établie. Et même si elle venait à être établie, le code pénal est-il scrupuleusement appliqué dans l’affaire Laurent Kpogo ? N’y a-t-il pas abus de la part de la justice togolaise au nom de laquelle le juge Kodjo d’Almeida agit ?

Voici ce que dit le code pénal.

« Article 165 : Le meurtre est le fait de donner volontairement la mort à autrui. Il est puni d’une peine de dix (10) à vingt (20) ans de réclusion criminelle.

Article 178 : L’homicide involontaire est le fait de causer la mort à un être humain par négligence, défaut d’adresse ou de précaution, infraction à des règlements de sécurité. Toute personne qui se rend coupable d’homicide involontaire, est punie d’une peine d’emprisonnement de un (01) à trois (03) an (s) et d’une amende de cinq cent mille (500.000) à un million (1.000.000) de francs CFA ou de l’une de ces deux peines.

Article 46 : La tentative d’un crime ou d’un délit est punissable comme l’infraction consommée dès lors qu’elle aura été manifestée par un commencement d’exécution, si elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».

Mais pour qu’il y ait crime ou tentative de crime, il faut forcément l’arme du délit et une victime. Or le juge ne dit pas avec quoi et sur qui la tentative de crime était dirigée. Est-ce aussi le peuple au nom duquel la justice est dite qui demande que sans corps du délit et sans une victime, on condamne sans jugement un citoyen à croupir en prison pendant bientôt huit ans ? Sans implication de l’inspection générale des services juridictionnels et pénitentiaires, et sans mouvement de la CNDH, Kpogo Laurent risque de sortir de prison, les pieds devant !

Godson K.

 

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