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Afrique de l’Ouest : L’espace civique obstrué

« Les élections sont des parodies qui se servent des grands mots : démocratie, peuple, nation, république, souveraineté, mais qui cachent mal le cynisme des gouvernants » (Michel Onfray)

Le Monitor Civicus, un outil de recherche fournissant des données sur l’état de la société civile et des libertés civiques dans 196 pays a publié son rapport le 13 octobre 2020. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la démocratie a connu un grand recul dans l’espace CEDEAO. Et c’est une lapalissade. Dans une région en proie à des mutations démocratiques, des pays francophones notamment ont décidé de nager à contre-courant. Le rapport souligne une dégradation de l’espace civique avant les élections dans les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest, notamment au Bénin, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Niger et au Togo. Où l’idéal démocratique est mis à rude épreuve à cause de la propension des dirigeants à s’éterniser au pouvoir, contre vents et marées. Même dans les pays considérés jusque-là comme des modèles de démocratie comme le Bénin, les acquis démocratiques sont remis en cause.

Dans les cinq pays, l’espace civique est « obstrué », selon le document. Les groupes pro-démocratie, les journalistes et les opposants sont réprimés, le trafic internet perturbé, les manifestations interdites. L’usage excessif de la force et le harcèlement sont aussi la norme.

En ce mois d’octobre, deux scrutins présidentiels à hauts risques sont programmés en Guinée et en Côte d’Ivoire où Alpha Condé et Alassane Ouattara ont modifié la Constitution pour se représenter pour un 3ème mandat présidentiel. Des projets de 3ème mandat qui ravivent les tensions et font craindre le pire. Le Niger organisera les élections présidentielles fin décembre 2020 et le Bénin en avril 2021. Dans l’ancien « Quartier latin d’Afrique », règne une situation de non droit. Plusieurs ONG craignent que l’opposition soit exclue comme lors des élections législatives et municipales d’autant plus que le code électoral modifié par le régime de Patrice Talon impose désormais aux candidats d’être parrainés par 16 députés ou maires pour concourir au scrutin. Malheureusement, les opposants n’ont pas d’élus locaux ni de représentants à l’Assemblée nationale.

Au Togo, les élections présidentielles ont eu lieu le 22 février 2020. Ce scrutin a été émaillé de fraudes massives et les résultats donnant Faure Gnassingbé vainqueur avec un score stalinien, sont contestés par l’opposition. Notamment l’ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo, principal challenger de Faure Gnassingbé qui revendique la victoire, a été contraint à la clandestinité, un mandat d’arrêt international ayant été requis contre lui.

Selon le Monitor Civicus, la présidentielle a été marquée par l’interruption et la coupure régulières de l’accès à internet, notamment le jour de l’élection présidentielle, la répression des manifestations et l’usage de la force meurtrière contre les manifestants, l’adoption d’une législation restrictive (notamment la loi sur les conditions d’exercice de la liberté de réunion et la loi sur la cyber sécurité), la détention et la poursuite arbitraires des défenseurs des droits humains et les sanctions fréquentes contre journalistes et médias.

Les manifestations de masse de ces trois dernières années ont été réprimées par la force, faisant des dizaines de morts, dont des enfants, des dizaines d’arrestations de dirigeants de l’opposition et de la société civile. Une nouvelle loi sur les rassemblements, adoptée en 2019, restreint considérablement le droit à la liberté de réunion pacifique en interdisant, de manière générale, les manifestations sur les routes nationales, dans les zones de forte activité économique des centres urbains… Le rapport relève également des tracasseries administratives pour saper le travail des organisations de la société civile par le rallongement des processus d’inscription et l’ingérence dans leurs activités.

Médard AMETEPE

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