Politique

Marquage des produits au Togo par SICPA/La mafia togolo-suisse-Dominique Strauss-Kahn mise en branle

 

 

. Le gouvernement togolais a signé un contrat de gré à gré avec SICPA

 

Dès le 1er septembre 2020,  le Système automatisé de marquage des produits (SAM) qui, selon l’Office togolais des recettes (OTR), permettra de lutter contre les flux illicites de certains produits, de préserver la santé de la population et d’augmenter les recettes de l’Etat, sera opérationnel. Une activité qui sera conduite par la Société industrielle et commerciale de produits alimentaires (SICPA), le leader mondial de la fourniture d’encres et de solutions de sécurité pour la plupart des billets de banque du monde ainsi que pour les passeports, tickets de transport, cartes plastifiées ou billets de loterie à gratter. Mais derrière cette société suisse se cacheraient les réseaux du Français Dominique Strauss-Kahn et des acteurs de la mafia locale. Une combinaison louche pour enrichir certains Togolais et leurs alliés étrangers.

Une bonne initiative  mais … le timing

Le jeudi 13 août dernier, les responsables de l’Office togolais des recettes (OTR) et le Président de la Commission de suivi et d’implémentation du contrat (SICPA), l’éternel Simféitchéou Pré, Directeur de Cabinet du Premier ministre, ont rencontré les médias pour les informer de l’opérationnalisation du Système automatisé de marquage des produits (SAM) qui consiste à mettre des marques sur des produits sortant des usines à partir de leur ligne de production ou à poser des timbres, des vignettes ou des banderoles sur les articles qui sont importés et mis à la consommation sur le territoire togolais. Sont concernés l’eau, la bière, le soft drink, le vin, la cigarette et les jus de fruits importés ou locaux.

Pour les organisateurs, les objectifs poursuivis par le SAM sont entre autres : le suivi de la production des produits concernés pour simplifier la collecte des taxes ; l’amélioration dans l’intérêt du consommateur et de sa santé, la sécurité et l’authenticité des produits concernés ; la promotion de l’économie légitime ; l’assurance de la traçabilité des produits concernés au Togo, afin d’identifier l’origine et la légitimité desdits produits ; la suppression des productions illicites, des importations illégales, la fabrication et la vente des produits contrefaits. In fine, le SAM va faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat car, selon le directeur du contrôle fiscal à l’OTR, Peter Dossou Kponor, les flux d’importation de cigarettes et de bière qui échappent au contrôle de l’OTR, sont respectivement de l’ordre de 40% et 80% pour un montant estimé à 2,5 milliards et 3,5 milliards FCFA.

Ainsi, il faut déployer une « solution éprouvée, reconnue au niveau international ».  « Des outils sont mis à la disposition des agents des douanes, du commissariat des impôts et des inspecteurs du commerce pour pouvoir contrôler les flux de marchandises qui sont mis à la consommation. Le contrôle va consister à flasher la vignette ou la marque qui est faite sur les articles. Nous invitons donc la population à collaborer et à dénoncer les articles qui ne sont pas marqués », a indiqué M. Kponor.

L’entrée en vigueur du SAM qui était prévue pour le 1er mai 2020, selon un arrêté interministériel, aura lieu finalement le 1er septembre. Et c’est la non moins mystérieuse société suisse, SICPA, qui va mettre à la disposition du Togo ce système de marquage.

Cependant, ces réformes qui interviennent en pleine crise sanitaire liée au Covid 19, vont faire grincer les dents. Les importateurs, les producteurs et les commerçants ne vont pas hésiter à répercuter sur les consommateurs les coûts induits par le SAM. « Je pense qu’au niveau de l’OTR, les idées ne sont pas mauvaises. Mais il y a un problème de timing. Le SAM en pleine pandémie est un désastre. Il faut savoir quand et comment entreprendre des réformes pour que celles-ci reçoivent une adhésion populaire. Par exemple, on nous avait parlé des taxes d’habitation ou de résidence, mais le moment n’était pas propice et la mauvaise gouvernance qui a cours dans le pays, n’a rassuré personne », commente un citoyen.

Pour un autre, « Si on n’y prend garde, cette réforme risque de créer des situations de tension dans le pays. Il ne sera pas exclu de voir des commerçants pourchassés dans les rues comme cela se passe actuellement avec les vendeurs de carburant de contrebande. En plus, beaucoup de boutiques d’alimentation générale seront menacées de fermeture ».

« Quand il s’agit d’user les populations, nos dirigeants sont prompts. Mais simple déclaration des biens, le chef de l’Etat n’arrive pas à le faire. Le délai légal de 90 jours après sa prise de fonction est fini depuis le 02 août dernier », rappelle une enseignante.

Bienvenue à SICPA ! Vive la mafia !

En effet, l’histoire de la SICPA avec le Togo a commencé avec les accointances entre Faure Gnassingbé et Dominique Strauss-Kahn (DSK), ancien patron du Fonds monétaire international (FMI). Les deux ont un point commun. Qui voit le rapport ? Passons.

Reconverti en homme d’affaires dans tous les sens, l’ex-« agresseur sexuel » de Nafissatou Diallo vient souvent au Togo pour conseiller Faure Gnassingbé et travailler avec ses ministres qui le constipent de temps en temps avec des fadaises du genre « la vision du chef de l’Etat » ou « sur instruction personnelle du chef de l’Etat ». « L’offensive africaine de SICPA repose en grande partie sur le réseau de DSK qui a été embauché par l’entreprise suisse en tant que consultant financier. Il a des entrées dans plusieurs palais présidentiels d’Afrique de l’Ouest, où il officie en tant que conseiller pour un certain nombre de présidents », rapporte Afrique.latribune.fr en avril 2017. Des prospections qui lui ont assuré 80.000 euros (52,5 millions FCFA) de revenus par mois, selon Capital.fr.

Sous le titre, « Loin des caméras, DSK joue les « marabouts blancs », La Lettre du Continent  dans sa parution N°749 du 15 mars 2017 indique que « Pour le compte de SICPA, il (DSK) a approché le Bénin, voici quelques mois, bien qu’aucun contrat n’ait encore été signé avec Patrice Talon. DSK s’est tourné vers le Togo, où il est en contact direct avec Faure Gnassingbé ». Quelques semaines plus tard, le même journal électronique ajoute une couche en annonçant que l’Etat togolais a conclu un contrat de plusieurs milliards avec la société SICPA et qu’au cœur de ce business juteux se trouvait l’ancien ministre français de l’Economie et des Finances. A l’époque, l’Association togolaise des consommateurs (ATC) avait dénoncé un contrat gré à gré avant de « lancer un appel pressant au gouvernement de recevoir les termes du contrat pour que la mise en place du système de sécurité et de traçabilité ne soit pas une charge supplémentaire pour les opérateurs économiques et une souffrance de plus pour les consommateurs ».

Le business étant bien embarqué, il est hors de question de revenir en arrière. Bref, Faure Gnassingbé ne peut rien refuser à son maître DSK. C’est comme Candide et Pangloss. «… Une offensive continentale tous azimuts qui s’inscrit dans une apparente stratégie de dominos où le recours au système SICPA sur un marché se propagerait aux autres pays du continent. Afin d’y parvenir, le Suisse n’a pas hésité à casser sa tirelire pour s’offrir un VRP (voyageur, représentant et placier) de luxe, Dominique Strauss-Kahn, réputé pour l’étendue de ses connexions africaines et son carnet d’adresses épaissi par son passage au FMI. Au Togo notamment, où DSK assure également une mission de conseiller financier du régime de Faure Gnassingbé depuis 2016, cette proximité serait pour beaucoup dans la décision d’instituer le marquage fiscal dans le cadre de la loi de finances 2017. Etrangement, quinze jours avant l’adoption de ce texte, le gouvernement togolais signe un contrat à gré à gré avec SICPA pour lui confier le nouveau système de marquage fiscal en cours d’institution », révèle Afrique.latribune.fr.

Après quelques moments de silence, il est mis en place le 25 septembre 2018 une commission chargée du suivi de l’exécution du contrat conclu entre l’Etat togolais et la SICPA. Elle est dirigée par le DC du Premier ministre, Simféitchéou Pré, un des hommes de confiance de Faure Gnassingbé, celui qui a plutôt besoin de porter une vignette de marquage après le pétrolegate. Et le 11 octobre 2019, les ministres de l’Economie et des Finances, Sani Yaya, et du Commerce, de l’Industrie, du Développement du Secteur Privé et de la Promotion de la Consommation local, Kodjo Sévon-Tépé Adédjé signent des arrêtés N°003 fixant les dates d’entrée en vigueur du marquage fiscal et N°004 fixant les prix des marques fiscales de sécurité pour le marquage fiscal. Selon le dernier arrêté, « Les fabricants et importateurs des produits concernés se fournissent en marques fiscales de sécurité et paient à l’avance les marques fiscales de sécurité auprès de la filiale locale du fournisseur de la solution de marquage fiscal. Le fournisseur, après paiement, les met à disposition des fabricants et importateurs qui les collectent au lieu indiqué par le fournisseur ». Chose extraordinaire, les prix sont en euro : « Les prix de référence des marques fiscales de sécurité sont indiqués en euros mais payables en francs CFA comme mentionné à l’article 2. Les factures sont payables à vingt (20) jours dès la réception de la facture ».

Mais jusque-là, la filiale locale ou togolaise de SICPA n’a jamais été créée. C’est seulement le 23 décembre 2019 qu’elle l’a été. En revanche, c’est une société anonyme unipersonnelle (SICPA TOGO SAU) d’un capital de 10 millions FCFA qui a « pour objet au Togo et partout ailleurs : La distribution, l’implémentation, l’exploitation et la maintenance de systèmes d’authentification et de traçabilité sécurisés se rapportant aux mouvements de biens et de personnes, sous la marque SICPATRACE ® et/ou PETROMARK ®, propriétés du Groupe SICPA en Suisse ». Elle est administrée pour une durée de deux (02) ans par un conseil d’Administration composée  de : Messieurs Eric Corbier, Gianni Nigro et Bénédict Sapin qui en est en même temps le DG.

Autre bizarrerie, c’est le changement de directeur général intervenu le 06 mars 2020. Selon les termes d’une nouvelle annonce légale, le sieur Tchamdja Balam Sosso, est nommé de DG de SICPA TOGO SAU, en remplacement de M. Benedict Sapin. Le nouveau venu est un Togolais qui partage son temps entre Montréal et le Togo, et qui fait partie de ces nombreux consultants auprès de la ministre des Postes et de l’Économie numérique, Cina Lawson. « Sûrement qu’il a été pris pour cacher la forêt ou préserver certains intérêts. Ils ont compris que ce serait dangereux de tout laisser dans les mains des expatriés. Le nouveau DG sera l’œil de ceux qui sont dans ce juteux business avec DSK et alliés suisses », darde un jeune cadre du parti présidentiel qui se demande comment on a pu confier à une société anonyme unipersonnel cette importante réforme.

En tout cas, SICPA est une société qui a horreur de la transparence. Au Maroc, elle a été critiquée pour des tarifs jugés excessifs et l’opacité de sa gestion. En 2015, au Brésil, la société est soupçonnée de corruption dans une enquête relative à l’attribution d’un contrat concernant le suivi des consommations de boisson (SICOBE). SICPA est attaquée en 2016 au Kenya pour des pratiques polémiques dans l’obtention d’un marché public en 2010. Raila Odinga, ancien premier ministre kényan et opposant du régime en place, accuse SICPA d’avoir obtenu de façon illicite un contrat à hauteur de plus d’une centaine de millions de francs suisses auprès du Département des finances à Nairobi (Kenya Revenue Authority, KRA), l’équivalent de l’OTR. Des affaires de corruption ont été dévoilées aussi en Tanzanie et en Afrique du Sud. Affaire à suivre.

Géraud A.

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