Politique

Togo Debout interpelle le Secrétaire Général des Nations Unies


Le Front Citoyen Togo Debout (FCTD) a organisé hier une manifestation spontanée à la place des Nations Unies à Lomé. La manifestation qui se situe dans le cadre des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) vise à attirer l’attention du Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres sur le drame qui se prépare au Togo. Arrivés à la place des Nations Unies, les manifestants ont lu la déclaration ci-après avant d’en remettre copie au Bureau de la Coordination du Système des Nations Unies au Togo. Le FCTD y a dénoncé « la répression militaire excessive et systématique » et a exprimé sa « crainte de la réédition des tristes événements d’avril 2005 ».  

Message d’alerte du FCTD, de la société civile togolaise et du peuple togolais à l’adresse du Secrétaire General de l’Onu sur la situation togolaise

Excellence, Monsieur le Secrétaire Général,

En ce jour du 10 décembre où le monde entier commémore et célèbre la Journée Internationale des Droits de l’Homme, et, plus précisément, les 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), les Organisations de la Société Civile togolaise, dans un élan patriotique et en désespoir de cause, voudraient attirer votre attention sur l’évolution très inquiétante de la crise togolaise, avec son lot quotidien de violations des droits de l’homme et de violences militaires exercées sur les populations civiles, y compris le meurtre quasi-répété d’enfants mineurs.

Excellence, Monsieur le Secrétaire Général,

En adoptant la DUDH le 10 décembre 1948, les Etats membres étaient convaincus, dès le préambule, que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constituait le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. Ces Etats ont, dans cette logique, rappelé le contenu de la Charte de San Francisco où les peuples des Nations Unies ont proclamé leur foi dans les droits fondamentaux de l’Homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, et se sont engagés, en coopération avec l’Organisation des Nations Unies, à les respecter et à les rendre effectifs universellement. Dans son Rapport intitulé : « Pour une liberté plus grande: développement, sécurité et respect des droits de l’Homme pour tous», votre prédécesseur, M. Kofi Annan, écrivait ceci : « Il n’y a pas de développement sans sécurité, il n’y a pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l’Homme ne sont pas respectés ».

C’est au regard de ces valeurs autour desquelles se cristallisent les buts, principes et objectifs de l’ONU, que nous nous permettons de tirer la sonnette d’alarme et de demander l’intervention de votre Institution sur deux aspects essentiels de la crise togolaise à savoir 1) la répression militaire excessive et 2) la crainte de la réédition des violences d’avril 2005 au Togo.

1. La répression militaire excessive et systématique

Le Togo s’est imposé lors de ces dernières années comme l’un des principaux contributeurs africains aux Opérations de Maintien de la Paix (OMP) en termes de personnels à travers l’ONU, l’UA et la CEDEAO. L’envoi de contingents dans des opérations de paix régionales et internationales constitue ainsi l’une des priorités de la politique étrangère togolaise. Le Togo a été successivement présent au Tchad (Force Interafricaine ou F.I.A), en Namibie (GANUPT), au Rwanda (MINUAR), en Centrafrique (MISAB et MINURCA 1 et Il), en Guinée-Bissau (ECOMOG), en Haïti (MINUHA et la MINUSTAH), en Côte d’Ivoire (ECOMICI puis ONUCI), au Liberia (MINUL), au Burundi (MIOB puis ONUB), au Mali (MINUSMA). Ce processus aboutit en février 2009 à la création, au Togo du Centre d’entraînement aux OMP ayant pour vocation d’entraîner les unités combattantes en attente de déploiement sur les savoir-faire tactiques et techniques des opérations de maintien de la paix.

L’importance croissante du Togo dans ces missions onusiennes de maintien de la paix se caractérise en 2012 par deux consécrations. La première est l’obtention d’un siège non-permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU pour la période 2012-2013, et la deuxième concerne la nomination d’un Général de l’armée togolaise à la tête du Contingent onusien pour le maintien de la paix en Côte d’Ivoire, l’ONUCI. Nous savons que l’objectif premier de ces OMP reste la protection de la population civile.

Or, il est malheureux de constater que depuis la naissance de la crise au Togo, plusieurs personnes ont été tuées dont une dizaine par balles, y compris des enfants mineurs, et plusieurs autres ont été blessées par balles; ceci par la même armée qui participe avec brio aux OMP sous les auspices de l’ONU. Ce triste constat contraste énormément avec l’attitude des Forces Armées Togolaises (FAT) qui, de par leur compétence et leur dynamisme, sont à plusieurs reprises, sollicitées dans les OMP pour la protection des populations civiles vulnérables en situations de conflits, alors que cette même armée réprime violemment et à mort ses propres populations sorties les mains nues pour des manifestations pacifiques. Plusieurs rapports d’ONG nationales et internationales, telles qu’Amnesty International et la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH), n’ont de cesse de condamner l’usage disproportionné de la force par les forces de l’ordre et de sécurité togolaises face aux populations civiles lors des manifestations. Elles ont également été interpellées par la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de la CEDEAO qui, dans sa feuille de route du 31 juillet 2018 sur la crise togolaise, leur a expressément demandé de faire preuve de professionnalisme dans les opérations de maintien d’ordre. Mais tel n’est toujours pas le cas. Pire, cela se répète et s’amplifie.

La sélection du contingent militaire étant arbitraire et discrétionnaire, une petite curiosité a permis de relever que cette sélection se fait à titre de reconnaissance pour « service rendu ». Nous pouvons nous interroger sur la nature de ces « services rendus» au regard du comportement que les forces de l’ordre et de sécurité ont sur la population civile au Togo. Ainsi donc, la politique compétitive des autorités togolaises dans les OMP aux plans régional et international est en lien avec la volonté affichée par ces mêmes autorités, au plan national, de se maintenir au pouvoir. Cette politique se traduit dans la pratique par la répression systématique et violente de toutes les formes de contestations ouvertes du pouvoir politique. Et il urge d’attirer votre attention sur cette situation.

2. la crainte de la réédition des tristes évènements d’avril 2005

Excellence, Monsieur le Secrétaire Général,

Depuis la recrudescence de la crise togolaise en août 2017, l’ONU a, par la voix du Représentant Spécial de son Secrétaire Général pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, M. Mohamed Ibn Chambas dépêché à Lomé, invité les acteurs de cette crise à « aller de l’avant sur les réformes, par le dialogue et la concertation dans un cadre républicain, afin de parvenir à un consensus pour répondre aux attentes légitimes du peuple togolais ».

En marge de la 73ème Assemblée Générale des Nations Unies tenue à New-York aux Etats-Unis en septembre 2018, lors d’une rencontre avec le Premier Ministre togolais, l’ONU a, par votre propre voix, « encouragé le Gouvernement et tous les acteurs politiques à s’engager dans un dialogue constructif dans le cadre de discussions sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles ».

Mais depuis lors, aucune avancée notable n’a été enregistrée dans l’adoption de ces réformes, à cause de la mauvaise volonté du Gouvernement togolais.

Le processus électoral engagé et conduit de manière unilatérale par le gouvernement, en violation de la feuille de route de la CEDEAO, des normes et standards internationaux, et malgré les multiples et incessants appels à leur report, notamment par la société civile togolaise dans son ensemble, la Conférence des Evêques du Togo, les Eglises presbytériennes et méthodistes du Togo, l’Association des Cadres Musulmans du Togo, la Vice-Présidente des Parlements de la CEDEAO, et d’autres voix encore, est plus que révélateur d’un véritable coup de force électoral.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la crainte de la réédition des violences électorales de 2005 ayant causé la mort de cinq cent Togolais (selon le Rapport onusien d’établissement des faits) est réelle et légitime. Les populations togolaises en ont assez de voir leurs dirigeants les traiter avec mépris et ignorer leurs besoins, leurs ambitions, leurs craintes et leurs souhaits d’un avenir meilleur et serein, vecteur d’opportunités.

Là aussi, et en guise de prévention d’une situation conflictuelle, il urge d’arrêter le processus électoral en cours, d’œuvrer, aux côtés des acteurs politiques togolais, à l’effectivité des réformes électorales, constitutionnelles et institutionnelles avant l’organisation de toute élection.

Dans le silence de l’UA et de la CEDEAO qui a en charge la médiation de la crise, malgré les multiples interpellations et au regard de la situation de tension palpable dans le pays, une action de la part des Nations Unies est à la fois nécessaire et salvatrice.

Fait à Lomé, le 10 décembre 2018

Pour le Front Citoyen Togo Debout

Prof David Ekoué Dosseh

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page