Politique

La CEDEAO face à ses responsabilités devant l’Histoire au Togo

Violations de la feuille de route, élections périlleuses…

La CEDEAO face à ses responsabilités devant l’Histoire au Togo

Le Togo est à la croisée des chemins, à cause de l’attitude du pouvoir en place obtus à tout. Violations flagrantes de la feuille de route, préparation des élections forcées malgré les appels tous azimuts à la raison…le régime conduit le pays droit dans le mur. Et dans le contexte  actuel, seule la CEDEAO pourra lui dire stop.

Consécration des violations

On sait le pouvoir en place n’avoir aucun respect pour sa parole donnée, et il démontre assez bien avec une mise en œuvre tendancieuse de la feuille de route de la CEDEAO tenant lieu de voie de sortie de crise. Il s’est déjà beaucoup illustré, en n’appliquant pas nombre de recommandations contenues dans cette feuille de route rendue publique le 31 juillet dernier à Lomé dont les mesures d’apaisement, le vote de la diaspora, en balayant d’un revers de main les décisions du Comité de suivi de la mise en œuvre des recommandations. On pense notamment à la recommandation de recomposition équitable de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Mais la consécration vient de son attitude face à la question des réformes constitutionnelles, notamment au sort réservé au texte de l’expert de la CEDEAO.

Les manœuvres avaient débuté depuis le 9 novembre, avec l’adoption précipitée par le conseil des ministres d’un projet de loi bancal portant modification articles 59, 60 et 100 de la Constitution du 14 octobre 1992. Une façon juste de court-circuiter la CEDEAO et le texte proposé par l’expert constitutionnaliste recruté, le Professeur Alioune Badara Fall qui ne faisait pas les affaires du « champion » de Lomé. Même s’ils ont rencontré le refus de l’opposition parlementaire de s’associer à la manœuvre, les députés RPT/UNIR ont mis le turbo en fin de semaine passée et adopté à la Commission des lois un texte dénaturé de la proposition de l’expert. Si le pouvoir n’a pas pu le faire adopter le vendredi 30 novembre, présenté comme le deadline donné par la CEDEAO pour mettre en œuvre les réformes, il va sans dire qu’il reviendra à la charge dans les jours à venir.

Si la CEDEAO attendait encore une preuve de violation de ses directives par le pouvoir en place, en voilà une. Faure Gnassingbé et son régime prouvent simplement qu’ils n’ont que faire des recommandations de l’instance régionale, des Facilitateurs et des pressions des chefs d’Etat, bref de la CEDEAO qu’eux-mêmes ils avaient appelée au secours au temps fort de la contestation et lorsqu’ils étaient en situation. Au demeurant, ils couillonnent l’institution et ses responsables.

La sortie de la Commission multipliée par zéro

La CEDEAO, on l’a souligné à maintes reprises, s’est beaucoup méprise de la réelle nature du pouvoir de Lomé dans ce processus de mise en œuvre de la feuille de route en lui laissant les coudées franches, sans compter avec sa mauvaise foi. Mais sentant que le régime voulait se passer du texte de l’expert sénégalais qu’il a adoubé, la Commission présidée par l’Ivoirien Jean-Claude Brou a rendu public un communiqué daté du 18 novembre.

Après  avoir rappelé le contexte de son intervention dans le dossier togolais et les termes de référence de 1’expert constitutionnaliste, la Commission a signifié à toutes fins utiles son approbation du rapport du Professeur Alioune Badara Fall qu’elle a trouvé «  en conformité avec les décisions du Sommet du 31 juillet 2018 et avec la pratique en cours dans les pays de l’Afrique de l’Ouest ». « Conformément au mandat qui lui a été donné par le Sommet, ce rapport qui seul fait foi, a été transmis par la Commission aux deux (2) Facilitateurs et aux Acteurs Togolais. La commission réaffirme son engagement à continuer d’apporter son appui aux Facilitateurs et aux Acteurs Togolais dans leurs efforts de résolution pacifique et durable de cette situation », a-t-elle relevé.

Par cette sortie, la Commission croyait sans doute rappeler à l’ordre le pouvoir Faure Gnassingbé. C’était une manière indirecte de dire au régime en place que c’est ce texte qui devrait être envoyé au Parlement pour adoption, et le cas échéant soumis au référendum. Mais voilà, le RPT/UNIR n’a que faire de ce rappel utile de Jean-Claude Brou qu’il a ainsi multiplié par plusieurs zéros.

La CEDEAO devant ses responsabilités

Elle a été appelée au secours par le pouvoir Faure Gnassingbé lorsqu’il était en péril et elle a sans soute cru en la bonne volonté des gouvernants en place de trouver une issue pacifique à la crise. La CEDEAO a tracé une sortie au travers d’une feuille de route. Mais voilà, c’est le régime lui-même qui viole allégrement ses recommandations, couillonnant royalement l’institution.

L’attitude du pouvoir RPT/UNIR face à cette problématique des réformes constitutionnelles et le rejet tacite de la proposition de l’expert ne sont qu’une confirmation de cette mauvaise foi rappelée à chaque fois et dénoncée par l’opposition, qui a même, en connaissance de cause, proposé une transition politique pour une mise en œuvre idéale des réformes avant toute élection. Et en l’état actuel des choses, la CEDEAO doit simplement prendre ses responsabilités et châtier les responsables de ces violations de ses prescriptions, et ils sont tout désignés, ce sont les gouvernants en place. Ce serait une façon de sauver sa respectabilité. Faut-il le rappeler, cela a été fait dans le dossier bissau-guinéen et curieusement, c’est Faure Gnassingbé lui-même, alors Président de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, qui avait décrété les sanctions. Une bonne jurisprudence à appliquer au Togo aussi.

Parallèlement, il urge d’arrêter le processus électoral car il n’annonce rien de bon. A l’allure où vont les choses, la tenue du scrutin dans les conditions actuelles de sa préparation caractérisée par des insuffisances criardes ne va rien résoudre à la crise, bien au contraire, elle ne fera que l’accentuer. L’arrêt du processus serait juste du bon sens et la CEDEAO ne manquerait d’ailleurs pas d’argument pour décider dans ce sens. Coalition de l’opposition, société civile responsable, conférence des évêques du Togo, églises évangélique et méthodiste, les voix ne cessent d’appeler à son arrêt et à la mise en œuvre préalable des réformes. Même au niveau du pouvoir en place, on semble prêt à suspendre le processus si et seulement si c’est la CEDEAO qui le requiert. La paix civile est simplement menacée et personne ne sait comment les choses vont se passer. Au finish, ce qu’il adviendra dépendra de la responsabilité inclusive de la CEDEAO. Elle a le pouvoir de sauver la paix au Togo, après avoir cautionné le bordel en 2005. Les regards sont donc tournés vers Abuja.

Tino Kossi

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