Politique

La CEDEAO, les crises et les traitements à géométrie variable

 

OUI au report des élections en Guinée Bissau, NON au Togo poussé droit dans le mur

 

Repousser les élections du 20 décembre 2018 pour mieux les organiser, c’est la réclamation fondamentale de la Coalition de l’opposition, adoubée par la société civile responsable engagée dans la lutte pour l’alternance. Malheureusement ces entités rencontrent un mur total en la CEDEAO, ce qui a conduit les populations à reprendre la rue. Ses responsables poussent le Togo vers des élections de tous les risques. Mais a contrario, l’institution régionale accède à cette requête en Guinée Bissau.

La CEDEAO dit OUI au report des élections en Guinée Bissau

Les Bissau-guinéens devraient se rendre aux urnes ce samedi 18 novembre dans le compte des élections législatives. Ce scrutin devrait sceller une sortie de crise politique traversée par le pays depuis trois (03), suite à l’éviction en août 2015 par le chef de l’État Jose Mario Vaz, de son Premier ministre Domingos Simoes Pereira. Mais ce scrutin est reporté à une date ultérieure avec l’aval de la…CEDEAO.

En effet le Président de la Guinée Bissau, José Mario Vaz était à Abuja mercredi dernier, afin de négocier, ou plutôt d’informer les responsables de la CEDEAO d’un report du scrutin devenu inévitable, en raison notamment du retard pris dans le recensement électoral. L’opération devrait s’achever le 20 octobre, mais elle est prolongée jusqu’au 20 novembre.

Au siège de la CEDEAO, José Mario Vaz a rencontré le Président de la Commission Jean-Claude Kassi Brou. Il a surtout rencontré, jeudi, le Président du Nigeria et en exercice de la CEDEAO, Muhammadu Buhari,  avec lequel  il s’est entretenu sur le report inévitable du scrutin et de la nouvelle date. Et l’on retient que l’institution régionale a accédé à la requête de la Guinée Bissau, a donc dit OUI au report.

Après lui avoir fait le point des préparatifs des élections, le Président bissau-guinéen a informé son hôte de l’impossibilité de tenir les législatives à la date du 18 novembre prévue. « Comme vous le savez peut-être…, la Guinée-Bissau devrait organiser des élections le 18 novembre, mais nous sommes arrivés à la conclusion que ce ne sera pas possible, et c’est la raison pour laquelle j’ai consulté mon frère aîné afin pour lui demander des conseils et le tenir informé de la situation », a déclaré le Président bissau-guinéen au sortir de l’audience.

Selon l’agence de presse nigériane, NAN, le report a été acté et le scrutin devrait finalement  se tenir en décembre 2018 ou en janvier 2019.

NON au report indispensable au Togo

Repousser les élections législatives prévues au 20 décembre pour mieux les organiser. Telle est la revendication de la Coalition de l’opposition, mais pas que. Le report du scrutin est aussi défendu par la société civile togolaise, notamment le Front citoyen Togo Debout et les Forces vives Espérances pour le Togo. C’est d’ailleurs une question de bon sens au regard de la situation sur le terrain.

Tout autant qu’en Guinée Bissau, le processus électoral actuel est l’émanation de la crise politique connue par le Togo depuis août 2017 faite de levée de boucliers des populations à travers des manifestations géantes et de répression sauvage par la soldatesque. La CEDEAO a cru devoir prescrire l’organisation des législatives comme solution de sortie de crise et a même fixé la date du 20 décembre pour ce faire.

Pour un scrutin d’une telle importance, le processus est censé être conduit de façon consensuelle entre les protagonistes de la crise et parties prenantes au dialogue, entendu le pouvoir RPT/UNIR et la Coalition de l’opposition. D’ailleurs des directives ont été données par la CEDEAO dans ce sens. Mais le pouvoir fait tout pour le mener en solitaire, parfois même en violation des recommandations de l’institution régionale qui, curieusement, ne dit rien. On pense notamment aux décisions de la 2e réunion, le 23 septembre dernier, du Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route. Le régime s’est employé à éloigner de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) les représentants de la C14 en se cachant derrière la défense du sort de l’Union des forces de changement (UFC).

Organiser les élections le 20 décembre prochain, c’est prendre le risque de les bâcler, sacrifier la transparence, l’équité, etc.. Le recensement électoral n’aura été qu’une mascarade au cours de laquelle l’enrôlement des mineurs a été systématique. C’est une reprise de l’opération qui est indispensable, avec les représentants de la Coalition de l’opposition à la CENI et dans tous ses démembrements, et non une simple prorogation. Le vote de la diaspora n’est pas pris en compte par le pouvoir, qui fait les choses à sa guise.

Le scrutin est d’ores et déjà verrouillé et seul un report conséquent pour une réorganisation consensuelle et efficiente pourrait permettre de régler ce problème. Mais la CEDEAO ou plutôt certains de ses responsables dont le Facilitateur guinéen Alpha Conde restent sourds à cette requête qui relève d’ailleurs du bon sens et maintiennent la date du 20 décembre.

Autant qu’au Togo, la date des élections en Guinée Bissau avait été arrêtée lors de la 53e conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO à Lomé. Mais cela n’a pas empêché les acteurs politiques bissau-guinéens d’entendre raison et de les repousser, au nom de la transparence et de la volonté de créer les conditions d’une sortie apaisée de crise. Mais ici au 228, le pouvoir tient à cette date du 20 décembre 2018 et en fait une fixation, malheureusement, avec la bénédiction de la CEDEAO. Et les conséquences risquent d’être dramatiques. Il est évident que le Togo va droit dans le mur, si le scrutin est maintenu à cette date fétiche. Au-delà de la transparence qui sera sacrifiée, il est clair que la tenue dans les conditions actuelles des élections censées tracer une sortie pacifique de crise ne fera qu’aggraver la situation. C’est la paix civile et la stabilité du pays qui sont en jeu…

Tino Kossi

 

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