Politique

Tikpi Atchadam sonne la mobilisation générale: « Le peuple togolais va reprendre la rue »

 

Tikpi Atchadam  n’est plus à présenter. Malgré son absence (physique) sur le terrain de la lutte, le leader du Parti national panafricain (PNP) continue de galvaniser les troupes. Dans son dernier message, il appelle le peuple togolais à la mobilisation générale pour arrêter le régime Faure Gnassingbé dans son entreprise de monarchisation du pays. Pour lui, il est temps pour que le peuple togolais reprenne son seule et unique arme de lutte : a rue. Voici son message transcrit par la Rédaction ;

 

Chers compatriotes,

Depuis le 19 août 2017, vous vous battez héroïquement et sous l’admiration du monde d’entier contre le projet de monarchisation de notre pays au sens du moyen-âge européen. Votre choix est clair. L’alternance pour une démocratie porteuse de prospérité pour tous sans distinction aucune au Togo.

Au bout d’une année de lutte au cours de laquelle le peuple martyr a payé et continue à payer le lourd tribut, est intervenue la feuille de route de la CEDEAO. Cette feuille de route destinée à régler la crise, une des plus absurdes, s’impose aux deux parties, pouvoir comme opposition. Chacune des parties liées par la feuille de route est tenue de respecter son contenu. Nous avons accepté la feuille de route par considération et par confiance pour la CEDEAO et pour les Facilitateurs mandatés par elle. Pour le pouvoir, pour l’avoir pratiqué pendant plus d’un demi-siècle, nous le connaissons parfaitement. Nous ne reviendrons par sur son profil barbare, rétrograde et dégoûtant. C’est pourquoi depuis l’adoption de cette feuille de route, notre position a toujours été : faisons confiance à la CEDEAO, mais parallèlement, continuons à conscientiser, à sensibiliser et à mobiliser le peuple pour ne pas se laisser surprendre par un régime que nous ne connaissons que trop bien.

Ainsi, avions-nous soutenu le 19 août 2018 les affirmations suivantes : la feuille de route constitue une victoire d’étape, la lutte continue, tout dépendra du comportement du pouvoir au cours de la mise en œuvre de la feuille de route. Le peuple sentinelle est le grand comité de suivi et le grand évaluateur de la mise en œuvre de la feuille de route.

Peuple en lutte, il est important et vital pour la lutte qu’à chaque étape, nous soyons justifiés. Notre position et nos actions doivent être motivées au regard de la CEDEAO, au regard de l’opinion africaine et mondiale, puisque nous avions choisi d’être légalistes et pacifistes. Notre effort qui consiste à nous faire comprendre doit être constant.  Aujourd’hui, nous pouvons pour notre part dire : nous avons accepté la feuille de route de la CEDEAO. Nous avons respecté nos engagements par nos attitudes respectueuses du contenu de la feuille de route et des Chefs d’Etats de la CEDEAO.

Les marches que nous organisons dans le cadre de cette lutte de libération doivent être justifiées de façon imparable, non pas aux yeux de la dictature que nous combattons, mais aux yeux de l’opinion nationale et internationale. Au cours de cette lutte où le monde entier nous observe, nous devons, tout en restant fermes sur nos positions, faire le maximum d’effort pour rester cohérents et logiques. Tout le monde constate aujourd’hui, sans surprise pour ceux qui connaissent le régime en place au Togo, que le pouvoir s’oppose ouvertement à la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO, la feuille de route acceptée et respectée par l’opposition. Le pouvoir, de façon manifeste, pose des actes en dehors et contre la feuille de route. Les derniers évènements concernant la convocation du corps électoral pour les élections législatives fixées au 20 décembre 2018 confirment à suffisance que nous avons en fac une dictature qui, en rusant avec le droit, se veut éternelle. Cette posture du pouvoir constitue, à n’en point douter, un affront à la CEDEAO et une provocation vis-à-vis du peuple togolais. La CEDEAO doit prendre ses responsabilités en tant qu’organisation soucieuse de stabilité, de démocratie et de prospérité pour l’ensemble de la région ouest-africaine.

Pour nous, tout acte posé, ou toute procédure engagée en dehors du cadrage de la feuille de route l’est en fraude à celle-ci et donc nul de nullité absolue. Afin de remettre les pendules à l’heure, il suffit à la CEDEAO de contraindre la partie qui s’oppose à la mise en œuvre de la feuille de route. La balle est dans le camp de la CEDEAO. Déjà, aux sortir du sommet de la CEDEAO, nous pensions qu’au nom de l’apaisement et conformément au protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance, mais surtout vu la longévité de ce régime imposé aux Togolais par la force des armes, que les Chefs d’Etats allaient faire pression pour que Faure Gnassingbé prenne l’initiative de prononcer une déclaration dans laquelle il annonce la libération de tous les détenus politiques, son retrait en 2020, le retour de l’armée dans les casernes, la mise en œuvre intégrale de la feuille de route, et ceci, avant toute élection. Tel n’a pas été le cas. Pire, le pouvoir anticipe aujourd’hui sur le pouvoir à vie de Faure Gnassingbé à partir de 2020. Pourtant, nous avons à plusieurs reprises attiré l’attention de CEDEAO sur la capacité de nuisance de ce pouvoir et le risque d’embrasement de la région Ouest-africaine.  Peut-être que Faure Gnassingbé se trouve dans l’esprit selon lequel, la CEDEAO est une création de son père, après que celui-ci ait crée le Togo. Dans cette logique, les Togolais doivent accepter son pouvoir à vie en attendant un autre Gnassingbé. Et les Chefs d’Etats de la CEDEAO qui se succèdent, alternance oblige, doivent supporter éternellement la famille Gnassingbé au pouvoir. J’ai souvenance de cette chanson tristement célèbre « CEDEAO, Yadéma yé loo » (en vernaculaire) pour dire, la CEDEAO, c’est Eyadema en fait. Il revient à la CEDEAO d’en apporter la preuve contraire pour mettre fin à cette crise qui n’a que trop duré. Nous en appelons à la fermeté de la CEDEAO.

Quant au peuple togolais défié de façon frontale, il sait ce qui lui reste à faire. Nous constatons aujourd’hui ensemble avec le grand comité de suivi-évaluation qui est le peuple, que le pouvoir reste campé sur la position qui est la sienne à la veille de l’adoption de la feuille de route. Il est clair qu’avec la convocation du corps électoral, que le pouvoir contourne la feuille de route, en affichant davantage la volonté de conduire jusqu’au bout le processus de monarchisation de notre pays, ce que le peuple togolais n’admettra jamais. Voilà qui justifie la reprise des manifestations. Nous tenons là un motif sérieux pour reprendre les marches. Et personne ne nous le reprochera sans apparaître comme un soutien de la dictature. Oui, le peuple togolais reprend la rue. Toutefois, la marche pacifique comme seule arme dont nous disposons ne se fait pas pour elle-même. La marche est faite pour un objectif précis. L’ALTERNANCE.

Nous devons éviter à tout prix de vacciner par nous-mêmes le régime contre notre ultime arme : LA MARCHE PACIFIQUE. Les initiatives isolées, localisées, géographiquement circonscrites, même si elles ont leurs effets qu’il faut saluer, au final, contrairement à l’objectif poursuivi par les organisateurs, contribuent à l’avortement de la dynamique d’ensemble portée par l’unité d’action. Ce qui provoque l’essoufflement chez un manifestant, ce n’est pas le fait de participer à plusieurs manifestations gigantesques, mais le fait de participer à quelques marches modestes. Ces dernières, tout en éprouvant le manifestant, produisent des effets limités. De même, nous devons penser à éviter l’usage alternatif de nos villes. Il convient alors de mettre simultanément à chaque marche, tous les réacteurs. Ce qui manque à la lutte pour la victoire, c’est justement cette complexe généralisation de la mobilisation à l’ensemble du territoire national.

A la reprise des manifestations, il nous faudra apporter la preuve de notre capacité, en tant que coalition de quatorze (14) partis politiques, qu’une marche gigantesque susceptible de mettre fin à leur pouvoir est possible avec ou sans les villes assiégées qui sont Mango, Bafilo et Sokodé. D’ailleurs, une telle marche libèrerait ces trois villes dans la mesure où le pouvoir se trouverait obligé de déployer ses forces de répression sur l’ensemble du territoire national, ce qui n’est pas du tout évident pour lui.

En terme de stratégie contre les marches, la dernière invention consiste à assiéger les villes de Mango, Bafilo et Sokodé et certains quartiers de la capitale Lomé. Réussir des marches gigantesques avec ou sans les villes assiégées est un défi à notre portée. Et si nous le réussissons, c’est la fin de ce régime. C’est leur donner le message que c’est fini. Ce sera la reddition totale. La fin de la lutte consacrée à la victoire du peuple togolais sur la dictature du peuple cinquantenaire. Comment allons-nous réussir ? Nous avons la capacité de réussir de façon synchronisée aux mêmes dates au Togo, en Afrique, en Europe, en Amérique et en Asie. Pourquoi alors nous en priver ?  Et comme manifester au Togo est singulier parce qu’on peut y laisser son bras, son nez, son pied et même sa vie, en vue de protéger les populations contre la barbarie, des dispositions doivent être prises. Entre autres dispositions, la présence de la presse internationale en appui à la presse nationale que je salue au passage pour son courage et le travail abattu. La présence des organisations internationales des droits de l’Homme aux côtés des organisations nationales des droits de l’Homme, qui n’ont pas du tout démérité depuis le début de cette lutte. Ces structures avec tant d’autres, devront être déployées sur l’ensemble du territoire national avec une concentration et un regard particulier sur la capitale Lomé et sur les villes assiégées que sont Mango, Bafilo et Sokodé.

Une sagesse médicale enseigne que dans l’urgence, il est urgent de ne pas se précipiter. Pour la reprise des manifestations, connaissant les manœuvres du pouvoir à travers le ministère de l’Administration territoriale, notre simple obligation légale sera le dépôt de la lettre d’information par la Coalition. Nous nous passerons des rencontres avec le ministre car, nous ne discuterons pas d’itinéraire.  La Coalition a suffisamment fait preuve, pendant plus d’une année de lutte, du caractère pacifique de ses manifestations.  L’expérience a montré que la violence vient plutôt et toujours du côté du pouvoir.

Du reste, nous avons la ferme conviction que le peuple togolais est capable de mettre fin à ce régime par des manifestations pacifiques. Personne ne nous reprochera de nous battre contre la confiscation de l’Etat et de la souveraineté du peuple par une minorité depuis le 13 janvier 1963. La CEDEAO n’est pas notre adversaire. Elle est médiatrice dans la crise qui nous oppose à la dictature. La CEDEAO sait parfaitement que le peuple togolais conserve le droit de se libérer de la dictature. Au contraire, si nous parvenons à mettre fin à ce régime, ce dont nous sommes capables, la CEDEAO et l’Union africaine constateront avec satisfaction et soulagement la fin du régime qui a fait tant de mal au peuple togolais et à l’Afrique. La CEDEAO n’a pas pour vocation à installer ou réinstaller les dictatures déchues. Elle ne l’a pas fait ailleurs, elle ne le fera pas au Togo. Pour le passage en force envisagé par le régime en place, malheureusement pour eux, et heureusement pour nous, les dates du processus ne peuvent être tenues secrètes. Il nous suffit après une marche gigantesque dans les conditions décrites plus haut, en guise d’alerte à la CEDEAO et à la communauté internationale, d’organiser des actions lutte et de désobéissance civique y compris de Togo mort, en tenant compte des dates annoncées.  C’est tellement simple, ne voyez-vous pas ?

Avec un peuple aussi conscient, mobilisé et déterminé comme le peuple togolais en ce moment, perdre la lutte serait difficile à expliquer. En d’autres termes, il nous serait difficile d’expliquer notre échec que d’expliquer notre victoire. Mais souvenons-nous toujours, aucun atout ne remplace la stratégie.

Vive le Togo, vive l’Afrique, je vous remercie.

 

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