Economie

Malaise au Port Autonome de Lomé

 

Tentative d’accaparement du transport des marchandises par la société MEDLOG

. Gregory Krief pour la mise en œuvre du projet de limitation de l’âge des véhicules ?

 

Le mandat social de Faure Gnassingbé est à l’épreuve de la gourmandise de la minorité. La société MSC (Mediterranean Shipping Company) à travers sa filiale MEDLOG s’échine à avoir le monopole du transport des marchandises au Port Autonome de Lomé et ce, au grand dam des syndicats de conducteurs togolais.

Les 10 et 11 octobre 2018 derniers, une partie du  Port Autonome de Lomé a connu un mouvement de contestation des conducteurs de camions de marchandises. Déjà dans l’après-midi du 10 octobre,  aucun véhicule ne rentrait ni sortait du coté port LCT (Lomé Container Terminal). Et pour cause, une grève spontanée des syndicats de conducteurs togolais était déclenchée. La raison était toute simple : la société MSC (Mediterranean Shipping Company) à travers sa filiale MEDLOG a mis en circulation environ quinze (15) camions semi-remorques sur près de 300 prévus. Il est reproché à MSC de vouloir avoir le monopole sur tout le transport de marchandises venant par le quai LCT. Selon les conducteurs, pour l’instant, il ne s’agit que d’une interdiction pour les camions autres que ceux appartenant à MEDLOG de charger 02 conteneurs 20′ pour des livraisons en ville. Seuls les camions du « colon » pouvaient charger 02 TCS 20′ pour la ville. Selon les protestataires, cette décision unilatérale du groupe LCT n’est que le début d’une grande cabale pour enterrer définitivement la flotte terrestre locale et celle des pays de l’hinterland. Car ils voient mal comment LCT, un partenariat sino-européen, qui possède le titre foncier sur la plus grande partie de l’activité portuaire, et qui a investi dans la délocalisation du montage des camions sur le Togo, se limiterait seulement aux livraisons en ville avec des ensembles roulant neufs. Le lendemain 11 octobre 2018, comme l’autorité togolaise sait bien le faire, les citoyens ont été dispersés par la force brute et les gaz lacrymogènes. Pour nombre d’observateurs, avec cet acte, l’Etat togolais s’apprête à lancer la bombe qui va l’emporter. Ça promet des étincelles dans la région ouest-africaine, car les milliers de véhicules togolais comme maliens, nigériens et burkinabés seront en chômage.

Selon des sources, même le Contre-amiral Fogan Adegnon, Directeur Général du PAL, était surpris par cet acte de MSC qui va impacter dangereusement le port. Si les syndicats togolais sont inertes en matière de grève, on se demande comment le réseau MSC va parvenir à clouer la flotte terrestre des peuples du Niger, du Mali et du Burkina Faso.

Surtout qu’au-delà de la grogne des syndicats, c’est toute la plateforme portuaire du Togo qui sera paralysée. Car le Togo étant essentiellement un pays de transit, les importateurs de l’hinterland dont plusieurs sont également des transporteurs et des maisons de transit ne trouveront plus l’intérêt de faire transiter leurs cargaisons de marchandises par le Port Autonome de Lomé. Si leurs camions ne peuvent plus passer à Lomé pour transporter leurs marchandises, alors ils feront simplement le choix des ports voisins.

Aujourd’hui, personne n’a pu dire si c’est le début de la mise en œuvre de la limitation de l’âge des véhicules et des camions au Togo. On se rappelle de ce projet ronflant et surtout apetissant que le Groupe de la Banque mondiale a approuvé en mai 2017 avec l’allocation d’un crédit de 18 millions de dollars pour appuyer le gouvernement togolais à renforcer l’efficacité des services de logistique commerciale dans le pays. Le projet vise plus précisément à améliorer le cadre juridique et réglementaire régissant le secteur du transport et de la logistique. Il devrait soutenir également le renforcement des capacités des acteurs logistiques et la mise en place de formations pour plusieurs fonctions de services. Par ailleurs, le projet devrait appuyer des instruments de crédit-bail (leasing) pour renouveler les véhicules et moderniser ainsi la flotte de camions. A l’époque, déclarait Pierre Laporte, Directeur des Opérations de la Banque mondiale pour le Togo, « L’économie togolaise est ouverte aux échanges internationaux et, grâce à sa situation géographique et ses infrastructures portuaires, le pays est une voie d’accès idéale aux marchés régionaux et internationaux et peut en outre servir de pôle logistique et de transport pour la sous-région ». Mais après la fanfaronnade autour des séminaires et ateliers, c’est un silence radio autour du projet jusqu’à la sortie des camions chinois de Gregory Krief, patron de MSC Togo.

Qui sont derrière cette carte blanche donnée à MEDLOG ? On se souvient également qu’en novembre 2016, le ministre Ninsao Gnofam des Infrastructures et des Transports en personne lançait un programme intitulé « Projet d’appui à la facilitation du commerce et à l’amélioration de la compétitivité des services logistiques au Togo ». Selon Ninsao Gnofam, l’Etat accompagnera les professionnels des transports routiers en les appuyant au niveau des partenaires financiers. Dans la foulée, une coopérative dénommée « Coopérative Nationale des Transporteurs Routiers du Togo (CNATROT) » a été créée sous l’impulsion de l’Etat togolais. Le gouvernement s’apprêterait à octroyer des allègements fiscaux et douaniers aux membres de la coopérative et aussi leur servir de caution au niveau des institutions financières.

Ce programme tel qu’élaboré est a priori louable, surtout qu’il devrait permettre de lutter contre la pollution de l’environnement, éviter de transformer le pays en cimetière des vieux véhicules et engins lourds de tous genres et aussi limiter des accidents liés à des pannes techniques. Cependant, en analysant le fond, le projet avait du plomb dans l’aile. Le contenu étant en contraste avec les réalités du terrain ; il porterait des solutions parachutées de façon brute d’ailleurs. Cela n’étonne pas lorsqu’un Etat n’a pas confiance en ses propres fonctionnaires et qu’il fallait se confier à des mercenaires habillés en experts. A l’époque, c’étaient des Rwandais à la commande.

D’abord, l’âge limite des véhicules importés vers le Togo serait fixé à 5 ou 6 ans. Le prix d’un ensemble routier de moins de 6 ans se situant au-delà de 60 millions, serait largement hors de portée de la classe moyenne. Et pour quel modèle d’économie pour le fret terrestre ? C’est-à-dire combien de Togolais pourront s’offrir ce luxe et pour quel revenu (rentabilité)?

L’autre inquiétude vient du fait que l’Etat voudrait obliger les professionnels des transports (marchandises et passagers) à n’acquérir que des véhicules neufs. Et certains réseaux dans la minorité de Faure Gnassingbé se proposaient d’être les intermédiaires pour les commandes des camions et des bus de fabrication chinoise. Oui, les opportunistes avaient déjà aiguisé leur appétit !

A combien reviendrait un camion et un bus neufs ? Et lorsque l’autorité évoque les sociétés de leasing avec les intérêts d’usurier ? Selon un expert, le camion ne serait pas moins de 80 millions FCFA, et pour les bus, plus de 70 millions FCFA, sans compter les intérêts bancaires. Pour le dédouanement, le gouvernement annonçait l’exonération de la seule  TVA de 18% sur une portion des frais douaniers. Or la douane seule fait plus de 50% sans compter les frais portuaires et autres faux frais. Est-il possible d’exploiter et d’amortir ces engins  et de rembourser les banques avant leur pourrissement ? A-t-on une idée de la durée à laquelle ces engins seront déclassés ? Quand on sait que même le gouvernement peine à rentabiliser les bus de la SOTRAL et que ces bus chinois ou indiens que l’Etat avait mis gracieusement à la disposition des universités et aussi de la SOTRAL n’ont pas fait long feu. Certains n’avaient même pas fait 5 ans avant de céder.

La minorité ne doit pas perdre de vue que le Togo apparaît comme leur propriété, mais l’essentiel de son économie est tournée vers l’extérieur qui fait de lui un corridor de transit. Un projet de ce type doit prendre en compte les pays de l’hinterland afin de ne pays renvoyer le peu d’étrangers qui continuent de faire confiance au Port Autonome de Lomé.

Si le Togo veut moderniser son parc-auto, il faut nécessairement que des études réalisées soient menées en tenant compte du contexte général. Les frais de dédouanement des véhicules au Ghana, au Bénin et au Burkina Faso sont à moindre coût selon que le véhicule est moins âgé. Or le Togo pratique l’inverse. Certains compatriotes qui roulent à Lomé avec les immatriculations de ces pays, estiment que cela leur revient nettement moins onéreux malgré la contrainte de faire les laisser passer chaque 6 mois.

Alors il est encore temps de renoncer un tant soi peu à l’accumulation excessive au détriment de la grande majorité des Togolais.

 Douligna

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