Politique

3e réunion délocalisée du Comité de suivi à Conakry

 

Enjeux et attentes autour d’une rencontre pas comme les autres

 Les 4 revendications portées par la C14 et l’énigme Alpha Condé

 

Ce n’est pas trop tôt, mais mieux vaut tard que jamais. Les protagonistes de la crise politique togolaise et parties prenantes au dialogue se sont transportés ce samedi à Conakry en Guinée, pour la 3e réunion du Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO. Une rencontre délocalisée aux enjeux énormes au regard de la situation sur le terrain. La fumée blanche viendra-t-elle de la capitale guinéenne ?

Finalement une réunion du Comité de suivi

Au départ, il s’agissait d’une simple « rencontre de concertation » entre le co-Facilitateur Alpha Condé et la Coalition de l’opposition, selon les termes du courrier d’invitation adressé, en date du jeudi 25 octobre, à la Coordinatrice de la Coalition de l’opposition, Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson. « Madame la Coordinatrice, nous avons l’honneur de vous informer que Son Excellence Alpha Condé, président de la République Guinéenne, co-Facilitateur de la CEDEAO dans la crise sociopolitique, vous convie à une rencontre de concertation. Ladite rencontre se tiendra le samedi 27 octobre 2018 à Conakry », lit-on dans un courrier signé de Dr Garba Lompo, Représentant Permanent de la CEDEAO au Togo. Mais la rencontre a été ajournée le jour même où la délégation de la C14 devrait faire le déplacement – c’est sur le chemin de l’aéroport que certains ont été joints au téléphone et informés de son annulation –  pour raisons de calendrier chargé du Président Alpha Condé et/ou d’indisponibilité de son avion devant venir chercher la délégation.

Suite à cet ajournement impromptu, il était dit que la rencontre devrait avoir lieu dans le courant de la semaine du 28 au 4 novembre. Finalement c’est ce samedi 3 novembre que la Coalition a fait le déplacement de Conakry. Et manifestement, ce ne sera plus une simple rencontre de concertation avec la Coalition de l’opposition, mais une réunion du Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO, la 3e du genre après celles des 10 et 23 septembre. « Nous avons reçu une invitation du président Alpha Conde à prendre part à une réunion du Comité de suivi de la feuille de route à Conakry (…) Il s’agira de faire une évaluation de ce qui a été fait depuis le 23 septembre dernier. C’est-à-dire ce qu’on a appelé la synthèse des travaux du 23 septembre», a confirmé le Chef de file de l’opposition Jean-Pierre Fabre ce samedi lors de la marche de Togo Debout.

Le pouvoir RPT/UNIR et le gouvernement ont été également invités à cette rencontre de Conakry.

C’est une première réunion du Comité de suivi délocalisée qui serait présidée par Alpha Conde, en présence du représentant du Facilitateur ghanéen, le ministre de la Sécurité Albert Kan-Dapaah et du Président de la Commission de la CEDEAO Jean-Claude Brou.

La délégation de la Coalition de l’opposition serait composée de Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson de la CDPA,  Jean-Pierre Fabre de l’ANC, Dr Kossi Sama du PNP, Bodé Tchakoura du PSR, Me Yawovi Agboyibo du CAR, Théophile Adjamgba du parti Les Démocrates, Prof Aimé Gogué de l’ADDI et Sambiri Targone des DSA.

Le gouvernement serait représenté par Gilbert Bawara de la Fonction publique, Payadowa Boukpessi de l’Administration territoriale, Yark Damehame de la Sécurité…

Enjeux, attentes, revendications de la C14…

Cette rencontre de Conakry intervient dans un contexte particulier fait de forcing du pouvoir RPT/UNIR dans la conduite du processus électoral et de regain de tensions. En effet, le régime venait d’organiser de façon solitaire le recensement électoral du 1er au 25 octobre, dans des conditions d’obscurantisme total, marqué par des fraudes massives dont l’enrôlement des mineurs. Et ce, en violation des décisions de la 2e réunion du Comité de suivi, notamment celle portant recomposition équitable de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et élaboration d’un nouveau chronogramme. Il s’est permis de faire nommer sept (07) délégués pour la Coalition de l’opposition au lieu des huit (08) prescrits par le Comité de suivi, réservant la 8e place à son allié de l’Union des forces de changement (UFC). Toute chose qui bloque l’entrée de la C14 à la CENI pour une conduite collégiale du processus électoral et est source de tensions. Parallèlement, le pouvoir renoue avec la terreur sur les populations de Sokodé et environs.

Le grand enjeu de cette rencontre de Conakry sera donc de ramener le pouvoir RPT/UNIR à la raison et, au besoin, lui taper sur les doigts, régler ces contentieux en suspens pour une poursuite consensuelle des processus électoral et de sortie en douce de la crise. D’ailleurs le Comité de suivi aurait été saisi par l’UFC et le régime en place a allégué avoir procédé à la nomination partielle des représentants de la C14 en attendant de le voir trancher cette polémique de l’UFC à la CENI. La CEDEAO devra faire parler son autorité et remettre les choses sur les rails si tant est que l’organisation d’élections transparentes et démocratiques, comme l’a affirmé à plusieurs reprises le Président de la Commission, et une sortie pacifique de la crise restent ses préoccupations majeures. De cette rencontre, dépend la poursuite apaisée des processus électoral et de sortie pacifique de la crise politique.

Dans cette dynamique, il nous revient que la délégation de la C14 est porteuse de quatre (04) points de revendications par rapport à la situation actuelle sur le terrain : effectivité de la recomposition de la CENI, reprise des opérations de recensement, report des élections et mise en œuvre des mesures d’apaisement, avec en toile de fond la reprise des violences à Sokodé. Les conclusions de la rencontre de Conakry sont donc très attendues.

L’énigme Alpha Condé

Il n’a jamais inspiré confiance, du moins pas autant que le Président ghanéen Nana Akufo-Addo. Le commun des Togolais acquis à la cause de l’alternance a quelque peu tiqué lorsque le sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO à Lomé le 31 juillet dernier l’avait nommé co-Facilitateur. L’appréhension était légitime, d’autant plus que l’homme a aussi les mêmes envies « démocraticides » que Faure Gnassingbé, rempiler au pouvoir en Guinée en 2020.

L’organisation de cette 3e réunion du Comité de suivi dans son antre à Conakry et la conduite de cette rencontre capitale par ses soins ne sont pas pour rassurer les militants de l’alternance au pouvoir au Togo. Bien de choses ont été dites sur ses agissements, mieux, son jeu trouble pour sauver le pouvoir Faure Gnassingbé. Ce sont ses manigances qui compliqueraient la tâche à Nana Akufo-Addo. Bien de sources avaient même fait état de volonté d’arracher la régence du processus de facilitation et ainsi faire les affaires du pouvoir de Lomé. Cette rencontre de Conakry ne lui offre-t-elle pas l’occasion d’atteindre ses desseins obscurs ? La Coalition de l’opposition et le peuple togolais acquis à l’alternance peuvent-ils faire confiance à Alpha Condé ?

Il est permis de nourrir des appréhensions lorsqu’on voit les misères qu’il fait à l’opposition guinéenne. Tout comme au Togo, l’opposition et les populations qui contestent ses envies et manœuvres pour se frayer le chemin de rempiler au pouvoir sont simplement martyrisées. Comme au 228, il n’a pour toute réponse que la violence sur ses contestataires et il est dénombré des morts d’hommes. Le chef de file de l’opposition Cellou Dalein Diallo est presqu’assigné à résidence, parfois empêché de rallier les marches de contestation organisées. Un état d’esprit qui fait d’Alpha Condé, co-Facilitateur dans le dialogue politique togolais visant à créer les conditions d’une alternance politique au pouvoir, du moins d’une sortie pacifique de crise, une véritable énigme…

 

Tino Kossi

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