Politique

Elections au pas de charge et pagaille manifeste:Risque d’un effet boomerang pour le pouvoir Faure Gnassingbé

 

Le pouvoir RPT/UNIR fonce droit vers les élections et ne ménage aucun effort pour y parvenir. Dans cette dynamique, il tire tout le monde du bout du nez. La Coalition de l’opposition est royalement ignorée et ses revendications légitimes multipliées par zéro. Même la CEDEAO ne fait plus peur au régime qui se permet de marcher sur ses recommandations. Mais cet état d’esprit indispose jusque dans les sérails de l’institution communautaire et peut bien se retourner contre le pouvoir en place.

Forcing et pagaille

Ce sont ces deux mots qui caractérisent le mieux la démarche du pouvoir. Il était dans une logique de forcing depuis l’enclenchement du processus électoral et c’est ce qui a prévalu aux différentes actions déroulées en l’absence de la C14, protagoniste de la crise et partie prenante au dialogue. Cela n’a jamais changé malgré la feuille de route tracée par la CEDEAO lors du sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement à Lomé le 31 juillet dernier qui a imposé la conduite collégiale du processus. Le pouvoir n’a jamais entendu raison. L’une des dernières illustrations, c’est sans doute le recensement au pas de charge organisé par la CENI version Kodjona Kadanga. En effet, sans attendre que la Coalition de l’opposition rallie la Commission électorale nationale indépendante et qu’un nouveau chronogramme soit défini de façon consensuelle, le pouvoir a sifflé le départ du recensement électoral. L’opération a eu dans la première zone du 1er au 9 octobre. Et pour forcer la mobilisation des populations, il a eu recours à des achats des consciences, des intimidations, des pressions et autres méthodes viles. Tantôt les cartes d’électeurs devront remplacer les cartes d’identité, tantôt elles devront permettre d’avoir accès aux crédits FNFI et consorts…Ce sont surtout les femmes qui ont été baratinées. Malgré toute la contestation, le régime et sa CENI devront enchainer avec la seconde zone à partir du mercredi 17 octobre.

La démarche du pouvoir Faure Gnassingbé vire carrément à la pagaille aujourd’hui. Ce bordel est manifeste dans l’affaire de la recomposition équitable de la CENI recommandée par le Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO. C’est l’Union des forces de changement (UFC) qui a commencé le désordre, en annonçant son intention de maintenir son représentant à la CENI, en la personne de Jean-Claude Homawoo. Le parti a même saisi le Président de l’Assemblée nationale par courrier en date du 27 septembre et usé de chantage. Et c’est Dama Dramani qui l’aide dans cette entreprise en jouant le démarcheur auprès de la Présidente du Groupe parlementaire ANC et tente de lui forcer une place au sein des huit (08) représentants de la C14 à la CENI. La Coalition ne se laissant pas faire, le pouvoir RPT/UNIR a procédé à la confirmation des représentants des partis parlementaires et de la société civile et bloqué celle des délégués de l’opposition parlementaire. Comme dans une pièce de théâtre, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales Payadadowa Boukpessi darde que le pouvoir ne peut pas faire démissionner le représentant de l’UFC à la CENI. On est en face d’un véritable bordel.

Défi de la CEDEAO, impasse et effet boomerang

Le pouvoir qui tire les leaders de l’opposition du bout du nez, c’est la routine. Il ne les a jamais traités avec respect, mais certaines attitudes frisent parfois l’incivilité. Mais la nouveauté ici, c’est le culot de couillonner la CEDEAO et les Facilitateurs. Le pouvoir Faure Gnassingbé se donne l’audace de violer les décisions de la 2e réunion du Comité de suivi de la mise en œuvre de la feuille de route, notamment celle de la recomposition équitable de la CENI entre les deux protagonistes de la crise et parties prenantes au dialogue. En forçant une place à l’UFC dans les 8 représentants de la C14, le régime semble remettre en cause l’autorité même de la CEDEAO alors qu’il n’avait rien trouvé à redire le 23 septembre dernier lors de cette seconde rencontre du Comité de suivi. Plus qu’un simple manque de respect, le pouvoir prend le risque de défier la CEDEAO et ses dirigeants.

Dans cette dynamique, Lomé veut se défaire de la CEDEAO et de ses dirigeants. Le Président ghanéen notamment, Nana Akufo-Addo semble devenu un obstacle aux desseins obscurs de Faure Gnassingbé et de son régime et ils tentent de provoquer sa démission. C’est ce qui est manifeste dans les écarts de langage que s’est permis Yark Damehame – « Le Togo n’est pas une colonie du Ghana » – dans la polémique sur l’évacuation sanitaire de Nicodème Habia.  Cette grève de la faim est déjà une mauvaise publicité pour le pouvoir et la CEDEAO. Si le problème c’est le régime qui ne respecte pas la feuille de route, cette grève de la faim du Président du parti Les Démocrates et membre de la C14 est une pression mise aussi sur la CEDEAO qui, manifestement, n’arrive pas à mettre le pouvoir Faure Gnassingbé au pas. Aujourd’hui le processus électoral est face à une véritable impasse à cause de l’incurie du pouvoir en place, qui sabote les efforts  déployés par la communauté sous-régionale pour une sortie pacifique de la crise politique au Togo. Il est résolu à passer outre les décisions de l’institution communautaire et n’en faire qu’à sa tête. Et cette attitude pourrait se retourner contre lui.

L’information est occultée par les caisses de résonance du pouvoir, Faure Gnassingbé était convoqué la fois passée au Nigeria et s’est retrouvé parmi les Facilitateurs, le Président en exercice de la CEDEAO et un émissaire du Président français Emmanuel Macron. Ce n’est pas bon signe si on en arrive là. Dans les couloirs de la CEDEAO, l’attitude du pouvoir de Lomé ne fait pas sourire. Les Facilitateurs, notamment Nana Akufo-Addo et autres responsables se sentent simplement couillonnés. Si pour l’instant on fait l’effort de ne pas sortir le bâton, cela ne saurait durer éternellement, car la démarche du régime en place est une moquerie à l’égard de l’institution. On attend peut-être qu’il ne franchisse le Rubicon avant de sortir la chicotte. Faure Gnassingbé lui-même, faut-il le rappeler, a créé une jurisprudence intéressante en sanctionnant, en tant que Président de la CEDEAO, les acteurs bissau-guinéens pour non respect d’un accord de sortie de crise. Lui aussi et son régime sont guettés par ce sort…

Tino Kossi

 

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page