Politique

Le pouvoir RPT/UNIR et sa CENI se moquent de la CEDEAO

 

Bonne foi et responsabilité, c’est à ces vertus que la CEDEAO, les différents partis, acteurs politiques et de la société civile ont appelé les protagonistes de la crise politique et parties prenantes au dialogue, pour une mise en œuvre de la feuille de route. Mais le pouvoir entend poursuivre le processus électoral avec la Commission électorale nationale indépendante (CENI) partisane conduite par le Prof Kodjona Kadanga. Un véritable défi lancé par Faure Gnassingbé à la CEDEAO qui a pourtant prescrit dans ses recommandations, la recomposition de cette institution légendaire de fraudes et de hold-up électoraux. Et ce n’est que le « début du commencement »…

La CENI bancale a repris ses activités…

 « La commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) se félicite de ce que le 53ème sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, tenu à Lomé le 31 juillet 2018, a abordé la situation sociopolitique au Togo, notamment l’exhortation à procéder à la révision intégrale du fichier électoral en vue de l’organisation, le 20 décembre 2018, des élections législatives.

La CENI va s’atteler à mettre en œuvre toutes les dispositions pour remplir sa mission d’organisation et de supervision des consultations électorales, dans le respect de la Constitution et du Code électoral.

A cet effet, la CENI a repris ses activités, en vue de l’installation de ses démembrements et de la préparation du recensement des électeurs, pour disposer d’un nouveau fichier électoral.

La CENI salue l’instruction donnée par les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO à la Commission de la CEDEAO pour l’appui et l’expertise technique dans l’organisation et le déroulement des prochaines élections.

Elle invite les parties prenantes et l’ensemble de la classe politique togolaise à œuvrer à la réussite du processus électoral, dans un esprit d’équité et de transparence».

C’est la quintessence d’un communiqué rendu public, ce mercredi 8 août, par la CENI du Prof Kodjona Kadanga.

De la bonne foi du pouvoir en place

Une pareille sortie il y a quelque temps, du moins avant le 31 juillet 2018, aurait été  classée au registre des manœuvres du pouvoir Faure Gnassingbé pour prendre de court la CEDEAO et la Coalition de l’opposition et les mettre devant le fait accompli dans la préparation du processus électoral. Le pouvoir avait entre-temps tenté de précipiter les choses, avant d’être stoppé dans son élan par les Facilitateurs qui l’ont enjoint d’arrêter. Mais là aussi, Dieu seul sait s’il a vraiment obtempéré, puisque la Coordinatrice de la C14 a récemment révélé que le régime a continué le processus, loin des yeux et des oreilles indiscrets.

Visiblement, Faure Gnassingbé et le RPT/UNIR comptent poursuivre sur leur lancée avec cette CENI partisane, donnant ainsi le ton de ce que sera dans leur entendement la mise en œuvre des recommandations formulées par la CEDEAO. L’institution hémiplégique veut procéder à l’installation de ses démembrements entre-temps tentée, mais arrêtée sous la pression des Facilitateurs. Dans cet état d’esprit, elle a reçu le samedi 4 août dernier, une délégation du Réseau des structures de gestion électorale en Afrique de l’ouest (RESAO), faîtière des organismes de gestion électorale des pays de la CEDEAO, et les échanges ont porté sur la perspective des élections législatives annoncées pour le 20 décembre prochain. Et ce n’est manifestement que le début du commencement.

C’est le confrère « L’Alternative » qui a eu le bon flair en titrant dans sa parution n° 725 du 07 août 2018 sous un ton interrogatoire sur fond de doute et d’ironie : « Mise en œuvre des recommandations de la CEDEAO : Bonne foi de Faure Gnassingbé ? ». Ceux qui ont requis des parties prenantes au dialogue la bonne foi, dans la mise en œuvre des recommandations, sont aussi servis. De même que la C14 qui devrait composer un tant soit peu avec une hypothétique bonne foi de Faure Gnassingbé et du RPT/UNIR dans la mise en œuvre de la feuille de route pour une sortie en douce de la crise…

Un défi lancé à la CEDEAO

La feuille de route de la CEDEAO s’imposait déjà aux protagonistes de la crise et à la toute la classe politique, et l’institution s’est donné la peine de le rappeler aux parties prenantes au dialogue ce mercredi à l’Hôtel 2 Février, au cours de la séance organisée par le Président de la Commission Jean-Claude Brou. A cette occasion, il a insisté que les recommandations sont contraignantes et invité « l’ensemble des acteurs et les parties prenantes au dialogue à s’engager pleinement dans la mise en œuvre effective de la feuille de route telle que définie par la conférence des chefs d’Etat ». Le porte-voix du pouvoir, Gilbert Bawara a semblé épouser cette prescription en clamant la disponibilité de son camp à « travailler dans cet esprit de fraternité, de convivialité pour que la mise en œuvre des décisions des chefs d’Etat de la Cédéao soit fluide et que cela ne pose aucune difficulté ». Mais c’est tout le contraire qui est fait, au soir même de cette séance et de ces professions de foi. Et Dieu seul sait si Jean-Claude Brou est reparti avant cette pirouette du pouvoir à travers la CENI. Plus qu’une simple pirouette, Faure Gnassingbé, le RPT/UNIR et le gouvernement défient royalement la CEDEAO. « Cette sortie n’est pas faite au hasard. C’est un coup tenté par le pouvoir, au fait des plans de la CEDEAO pour le coincer (…) », glose une source qui semble dans le secret des dieux.

Les chefs d’Etat de la CEDEAO ne devraient pas s’attendre à ce que ce soit le pouvoir en place qui viole les recommandations prescrites ce mardi 31 juillet au cours du sommet. Mais c’est bien le camp de leur « frère et ami » qui va à l’encontre de la feuille de route. Avec cette sortie de la CENI qui met en exergue les intentions du pouvoir, on peut comprendre aisément pourquoi le communiqué final de la CEDEAO a été tripatouillé au niveau de la partie concernant la crise togolaise. En tout cas dans la version lue par le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, le passage relatif à la recomposition de la CENI et à la participation inclusive des protagonistes à la préparation du processus électoral a été expurgée – au lieu de « Le renforcement du processus électoral, en particulier le fonctionnement effectif avec une participation inclusive de l’ensemble des acteurs à la CENI » à la 4ème sous-recommandation de la recommandation 38 de la version originale, Robert Dussey s’est limité au « renforcement du processus électoral ». Le défi a donc débuté depuis la salle du 2 Février ce mardi 31 juillet. Officiellement, aucune explication n’a été fournie après la révélation du pot-aux-roses. Plus qu’un simple défi, le régime de Lomé tourne en bourriques la CEDEAO et les chefs d’Etat qui se tuent à réfléchir et trouver une solution à la crise créée par l’insatiabilité d’un seul homme. Les Facilitateurs, les chefs d’Etat, la Commission vont-ils se laisser couillonner par Faure Gnassingbé qui a sanctionné les acteurs bissau-guinéens pour non respect d’accord de sortie de crise et le pouvoir de Lomé ? C’est le wait and see.

Tino Kossi

(Liberté N°2732 du 10-08-18)

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