Politique

SAMEDI NOIR POUR LE TOGO

Au moins 4 morts dont un enfant de 11 ans par balle

Yark avoue (presque) le déploiement des miliciens

Les voix autorisées ne cessaient d’appeler le pouvoir à la raison et surtout d’exhorter la CEDEAO à arrêter le processus, craignant le chaos pour le Togo. Mais leurs appels tombent dans des oreilles de sourds et les faits leur donnent malheureusement raison. C’est un samedi noir qu’a vécu le peuple acquis à la cause de l’alternance, avec une demi-dizaine de citoyens de plus tués qui viennent s’ajouter au décompte macabre depuis août 2017.

Environ 5 morts enregistrés

La campagne électorale pâle pour les élections « kadangaises » démarrée au forceps le mardi 4 décembre, a été ensanglantée ce samedi à Lomé et à l’intérieur du pays. Ce jour devrait connaitre aussi des manifestations populaires à l’appel de la Coalition de l’opposition, au crédit de son programme de contre-campagne rendu public devant se dérouler sur une dizaine de jours et composé de cultes, de caravanes de sensibilisation des populations au boycott des élections du 20 décembre, de marches pacifiques…Mais la soldatesque du pouvoir a encore frappé.

Si tous les points de départ, les principaux carrefours et autres points stratégiques de la ville de Lomé ont été pris d’assaut par les corps habillés, c’est particulièrement Agoènyivé, la banlieue Nord qui a concentré les incidents. Aux jeunes qui ont posé des barricades, la soldatesque a répondu par des tirs d’armes et l’on dénombrait deux morts par balle dont un enfant de 11 ans, apprenti mécanicien du nom de Moufidou. Un infanticide de plus donc. La seconde victime, 28 ans, se nommerait Zongo Gado. Il est signalé par ailleurs le décès d’un 3e militant de l’alternance à Sokodé. Dans la journée d’hier, deux des victimes de bastonnades à Sokodé, Ouro Gao Sebou (48 ans) et une dame à la tête ensanglantée dont l’image a suscité de l’émotion, auraient succombé à leurs blessures. Ce qui fait un bilan total de cinq (05) personnes tuées. Ces décès viennent s’ajouter au décompte macabre inauguré depuis août 2017 avec la levée de boucliers du peuple togolais qui est de plusieurs dizaines de morts par balle dont des enfants et qui ne s’arrête pas depuis lors.

La journée de ce samedi a été agitée jusque tard dans la soirée. Plusieurs autres localités ont connu des échauffourées. C’est le cas de Sokodé, Kpalimé, Bafilo et autres à l’intérieur du pays. A Lomé,  à part Bè et Agoènyivé qui ont été très chauds de toute la journée, d’autres quartiers périphériques dont Baguida, Kpogan, Avepozo sont entrés dans la danse dans la soirée, avec des pneus brûlés, des barricades posées…On signale beaucoup d’arrestations. A Anié, il nous revient que des jeunes ont été à nouveau contraints de se réfugier dans la brousse pour échapper aux maltraitances des militaires.

Yark avoue (presque) le déploiement des milices

Qui a tué ces compatriotes ce samedi ? Les responsables sont tout désignés à première vue, il ne peut que s’agir des corps habillés déployés sur le terrain et qui auraient reçu l’ordre formel de tirer sur les manifestants. C’est d’ailleurs une tradition au Togo, ils ont la gâchette facile contre les civils aux mains nues. Cela s’est vérifié tout le long de la crise politique et surtout de la répression et repose simplement la question de l’impunité. Mais certains propos de Yark Damehame sur les auteurs de ces tueries de plus ce samedi retiennent l’attention.

A en croire le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, l’enfant serait « tué par balle par des individus à bord d’un véhicule 4X4, sans plaque ». Et d’indiquer que « des recherches sont actuellement en cours pour retrouver le véhicule et les auteurs ». Simple gymnastique pour dédouaner les corps habillés ? On est tenté de le croire, lorsqu’on voit cette pick-up couleur noire immatriculée 0879 AY où un agent, manifestement militaire, positionné devant tirait à bout portant sur les manifestants, pas des gaz lacrymogènes,  mais avec un fusil à lunettes, selon les témoins oculaires dont les journalistes et des défenseurs des droits de l’homme déployés sur le terrain. Alors même qu’au niveau de la Force spéciales élections 2018 (FOSE), on ne fait état que d’éléments de cette force, entendu des gendarmes déployés sur le terrain ce samedi. Les témoins croient d’ailleurs avoir même vu l’homme de « PAIY, ce mot de quatre mots » sur le terrain… Une chose est sûre, ces tueries n’arrangent nullement l’image des hommes en armes au Togo, responsables des dizaines de morts enregistrés au cours de la crise politique. Mais qui peuvent être ces « individus à bord d’un véhicule 4 X 4 et sans plaque », si ce ne sont des miliciens du pouvoir ?

Ces milices armées, c’est un secret de Polichinelle, prestent aux côtés de la soldatesque depuis l’ouverture de la crise et lors des répressions. Des miliciens cagoulés et bien véhiculés étaient déployées surtout les 17 et 18 octobre 2017 à Lomé et avaient opéré  aux côtés des forces régulières de l’ordre et de sécurité. Pour brouiller les pistes, le ministre de la Sécurité avait raconté qu’il s’agissait des éléments de l’opération Entonnoir. Par après, il était fait état de membres de pseudo-groupes d’autodéfense des quartiers formés à la suite de prétendues violences des militants de l’opposition. 

Ces propos de Yark Damehame donnant l’enfant tué par balle par des individus à bord d’un véhicule sans plaque ne sont rien d’autres que des aveux sur le déploiement de ces miliciens sur le terrain ce samedi. Ces réseaux de tueurs ont été ressuscités dans le cadre de la campagne de terreur inaugurée par le pouvoir pour imposer ses élections bancales et leur présence a été signalée le jeudi dernier dans les environs d’Agoè-Limousine. Mais connaissant l’homme, il est capable de venir raconter après qu’en fait, c’étaient des « Papa Noël » envoyés pour remettre des cadeaux de Noël aux enfants et qui se sont retrouvés au moment endroit au mauvais moment…

Appels au report du scrutin et tergiversations de la CEDEAO

« On aurait pu éviter les morts d’aujourd’hui si la CEDEAO avait été conséquente et sérieuse en ne fixant pas de façon hasardeuse la date des élections au 20 décembre. On aurait pu éviter les morts d’aujourd’hui si depuis que le pouvoir a commencé par violer la feuille de route et le relevé de conclusions du 23 septembre, la CEDEAO avait eu le courage d’appeler les violeurs de l’accord à la raison. Peine perdue !!!! Il faut que le sang d’innocents togolais coule encore». Cette réaction de dépit d’un compatriote n’est que trop légitime et remet au goût du jour la tergiversation de la CEDEAO sur la tragicomédie qui se prépare.

En effet, l’institution communautaire ne semble pas prendre toute la mesure de la gravité de la situation et siffler la fin du processus et ainsi éviter le chaos au Togo. Même si le Parlement de la CEDEAO se sent de plus en plus interpellé, il semble aussi sans armes. Ce ne sont pourtant pas les appels à l’arrêt du processus qui manquent. Après la Coalition de l’opposition et la société civile engagée dont Togo Debout et les Forces vives Espérance pour le Togo, les hommes de Dieu sont entrés dans la danse, avec les évêques, les pasteurs des églises presbytérienne et méthodiste. Mais le dernier appel vient des cadres musulmans. Regroupés au sein de l’Association des cadres musulmans au Togo (ACMT), ces derniers, dans une déclaration rendue publique le jeudi 6 décembre dernier, demandent « humblement mais avec conviction au gouvernement de reporter ces élections législatives du 20 décembre 2018 pour l’intérêt de tout le peuple Togolais » et aux chefs d’Etat du Ghana et de la Guinée, en leur qualité de facilitateurs, « d’œuvrer inlassablement et dans l’urgence pour stopper l’hémorragie » et ainsi « sauver la barque qui est sur le point de chavirer ».

On ne va visiblement pas en rester là en termes d’interpellations à arrêter le processus. La situation politique continue d’inquiéter des personnalités. L’archevêque émérite de Lomé, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro qui n’est plus à présenter, est annoncé en conférence de presse ce mardi à Brother Home. Le prélat ira sans doute de son appel à la raison à l’endroit du pouvoir Faure Gnassingbé. Mais sera-t-il entendu ? That is the question. Pendant ce temps, au sein du pouvoir RPT/UNIR, on ne pense qu’arrestation et neutralisation des leaders de la C14…

Tino Kossi

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