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Jean-Luc Mélenchon veut abattre la Françafrique

 

La France se prépare à rendre un hommage national à ses 13 militaires tués accidentellement lundi soir lors d’une opération contre des djihadistes au Mali, alors que les questions se multiplient sur les limites de l’intervention française au Sahel. Tout en exprimant leur « vive émotion », les députés de La France insoumise ont appelé mardi le gouvernement à « ouvrir une discussion sérieuse et rationnelle pour envisager les voies de sortie » de la « guerre » au Mali. Car, pour eux, « le sens » de ce conflit « échappe désormais à nombre de nos compatriotes et de Maliens eux-mêmes ». Voici la tribune de Jean-Luc Mélenchon, député des Bouches-du-Rhône, et de Bastien Lachaud, député de Seine-Saint-Denis :

Il y a six ans qu’on y est en guerre. Nous y avons perdu 44 vies, nous y stationnons 4.500 militaires et leur matériel. Sans que le Parlement ne l’ait décidé ni n’en ait débattu une seule fois ! Pourquoi sommes-nous là ? Jusqu’à quand ? La situation est-elle meilleure aujourd’hui qu’au commencement ? Les Maliens sont-ils davantage qu’avant en situation de décider de leur destin ? Les Français y sont-ils mieux appréciés ? À ces questions, la réponse est non. L’ensemble des acteurs sur place le reconnaît ; les chercheurs aussi. D’aucuns parlent d’un ‘désastre’.

Dans ces conditions, trois options se présentent. Continuer, même si cela ne marche pas, en espérant que cela finisse quand même par avoir des résultats ; augmenter les moyens au service de la même stratégie ; travailler à une nouvelle attitude en identifiant les impasses de la précédente.

La première option est absurde. Voyons la deuxième. Plus de monde ? Nous ne le pouvons pas. Le général Lecointre, chef d’état-major des armées, l’a reconnu récemment : ‘Je suis au bout de mes capacités’. Dans ces conditions, la mobilisation de la « communauté internationale » serait-elle indispensable ? Elle est plus qu’improbable. Car il faudrait viser des buts réellement partagés. Ce n’est pas le cas. Il faut construire un ‘étau de prospérité’ plutôt qu’ils ne se renforcent.

Pourchasser les terroristes’ ? Mais de qui parle-t-on ? L’action terroriste est un procédé auquel recourent toutes sortes de gens : d’authentiques djihadistes, des trafiquants, des séparatistes et surtout des gens dans la misère qui gagnent, en posant une mine, l’équivalent d’un mois de revenu. Chacun doit être traité différemment. Si nous mélangeons tout, nous aidons les djihadistes qui attisent toutes les tensions pour opposer les communautés. Il faut couper l’ennemi de ses soutiens et ne pas aider nous-mêmes sa propagande.

Interrogeons-nous : sommes-nous vraiment au service du peuple au Mali ? Que lui reste-t-il qui lui appartienne en commun ? L’État s’est effondré à cause des politiques de coupes budgétaires exigées par le FMI dans les années 1990 : il n’y a plus d’écoles, de tribunaux et presque pas d’armée. Si la nation se dissout c’est aussi parce qu’aucun service public ne prouve qu’il y a une solidarité entre tous. Comment lutter contre l’intégrisme islamiste si on laisse fermer les écoles publiques au profit d’écoles coraniques financées par l’Arabie saoudite ? Comment donner confiance si les milices ne sont pas désarmées ? Quel est notre intérêt et donc notre objectif ? Est-ce bien de faciliter l’action de ceux qui veulent construire un Mali démocratique ? Libérer le pays de la menace d’une dictature politico-religieuse, empêcher la création d’un « sanctuaire » d’où les djihadistes pourraient tirer des ressources et organiser des attaques alentours ? Nous devons donc leur ôter leurs moyens d’attraction et leur marge d’action.

Mais comment y parvenir si la vie politique est suspendue et le pouvoir confié à un fantoche avec notre soutien ? Il ne s’agit pas de serrer un ‘étau sécuritaire’. Il faut construire un ‘étau de prospérité’. Reconquérir le territoire, c’est d’abord reconstruire et réconcilier sous l’autorité du peuple lui-même. Et le faire surtout là où les djihadistes ne sont pas encore établis permettrait d’éviter l’élargissement de leur zone d’influence. Ces tâches ne sont pas celles des militaires. Il est certes impossible de retirer immédiatement les forces françaises : nos accords de défense nous l’interdisent. Mais il est indispensable de définir les moyens de les ramener vite à la maison. Et il est temps de passer à une autre relation avec les peuples d’Afrique.

Source : JDD

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