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Guinée équatoriale : deux opposants livrés à Malabo par les autorités togolaises

 

Deux opposants équato-guinéens en exil sont portés disparus depuis le 18 septembre, alors qu’ils séjournaient à Lomé. Selon nos informations, les autorités togolaises les ont livrés à Malabo hors de toute procédure d’extradition…

Il y a près de deux mois, deux opposants équato-guinéens se sont volatilisés alors qu’ils étaient de passage à Lomé, au Togo. Tous deux membres de la Coalition d’opposition pour la restauration d’un État démocratique en Guinée équatoriale (Cored, principale organisation d’opposants), Fulgiencio Obiang Esono, ressortissant italien d’origine équato-guinéenne, et Francisco Micha, résident espagnol, n’ont plus donné de nouvelles depuis le 18 septembre.

Le 3 novembre, l’avocat Fabian Nsue Nguema assurait que les deux hommes « ont été arrêtés et conduits vers Malabo ». « J’ai eu accès à une information qui confirme la présence à la prison de Black Beach de Fulgencio Obiang Esono et de Francisco Eko Micha », affirmait alors l’avocat, cité par l’AFP, ajoutant qu’ils y seraient « soumis à de graves tortures, sans assistance médicale ni accès à un avocat ». Une information que se sont refusées à confirmer officiellement les autorités équato-guinéennes comme togolaises, qui n’évoquent le dossier que « off the record ».

Malabo demande l’arrestation, Lomé s’exécute

L’histoire remonte au début septembre. Selon les informations recueillies par Jeune Afrique, le régime de Malabo apprend qu’une réunion de la Cored doit se tenir prochainement à Lomé en présence, notamment, des deux hommes. Selon des sources équato-guinéennes, confirmées, sous couvert d’anonymat, par plusieurs hauts responsables togolais, Malabo s’attend aussi à la présence de Salomon Abeso Ndong, le secrétaire général de l’organisation, exilé à Londres, dont le nom est cité dans l’enquête sur la tentative de coup d’État perpétrée à Noël 2017.

Dès lors, le régime équato-guinéen sollicite les autorités togolaises afin de procéder à l’arrestation des opposants présents sur leur sol. Ces dernières finissent par s’exécuter, comme nous l’ont confirmé des officiels togolais proches du dossier.

Durant leur séjour à Lomé, les deux hommes sont arrêtés un soir alors qu’ils dînent au restaurant. Pendant deux jours, ils seront séquestrés dans la capitale togolaise, en dehors de toute procédure légale. Fulgiencio Obiang Esono et Francisco Micha sont ensuite remis aux services équato-guinéens, qui les embarquent à bord d’un avion spécialement affrété par Malabo.

Une source de Jeune Afrique dans l’entourage du chef de l’État équato-guinéen le confirme : Fulgiencio Obiang Esono et Francisco Micha Obama sont bel et bien détenus depuis lors à la prison de « Black Beach ».

La chasse aux opposants

De telles méthodes ont déjà été observées par le passé. En 2013, par exemple, Cipriano Nguema Mba, ancien lieutenant-colonel de l’armée et neveu du président Obiang Nguema, avait été enlevé au Nigeria avant d’être condamné à 27 ans de prison pour tentative de coup d’État. Il a finalement été libéré en octobre dernier, à la faveur d’une grâce présidentielle.

Cette affaire rocambolesque prouve que la tentative de coup d’État survenue en décembre 2017 en Guinée équatoriale n’a pas fini de charrier son lot de boucs-émissaires. L’exclusion de 42 membres du Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE, au pouvoir), le 2 novembre, et la disparition des deux opposants de la Cored, le 18 septembre précédent, ont en effet un point en commun : tous sont accusés par le régime de Malabo d’avoir contribué, de près ou de loin, au putsch manqué survenu en décembre 2017.

Mais si le premier événement est directement lié aux intrigues politiques en cours depuis près d’un an dans le pays, avec notamment la volonté de resserrer les rangs autour du clan de Mongomo (fief du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo), le second est plus inédit et provoque des remous diplomatiques jusqu’en Italie.

L’Italie se saisit de l’affaire

Fulgiencio Obiang Esono, ingénieur du génie civil, âgé de 48 ans et arrivé en Italie en 1988 pour ses études, était installé à Pise, où il s’est même présenté sur une liste aux dernières élections municipales. Au moment de son arrestation, il se trouvait dans la capitale togolaise « pour un rendez-vous professionnel », affirme à la presse italienne Corrada Giammarinaro, l’avocate de la famille.

Le ministère italien des Affaires étrangères a été saisi de sa disparition. Et fin octobre, la vice-ministre Emanuela Del Re a évoqué l’affaire avec son homologue équato-guinéen Simeòn Oyono Esono Angue.

Si la famille du ressortissant italien affirme que celui-ci était à Lomé pour affaires, le fait qu’il s’y soit trouvé en même temps que d’autres opposants équato-guinéens – dont trois, selon certaines sources, auraient été arrêtés – pourrait accréditer la thèse d’une réunion entre plusieurs membres de l’opposition en exil. Ce scénario est cependant réfuté par Salomon Abeso Ndong, contacté par Jeune Afrique. Ce dernier se repose actuellement chez lui à Londres, après avoir été victime d’une agression par balles le 4 octobre dernier.

Source : jeuneafrique.com

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