Editorial

Togo : Vive les images ! Vive les réseaux sociaux !

« Nous sommes dans un siècle de l’image. Pour le bien comme pour le mal, nous subissons plus que jamais l’action de l’image » (Gaston Bachelard)

« Une image vaux dix mille mots », dit un proverbe chinois. Les images apportent la précision, la vérité.  Elles exposent mieux les faits que les discours. Pendant la guerre du Vietnam, la photo de Phan Thi Kim Phúc a heurté les consciences et permis au monde entier d’être informé des horreurs. Sur l’image prise le 8 juin 1972 par le photographe d’Associated Press, Nick Ut, on voit celle qui n’est alors qu’une petite fille de 9 ans, nue et hurlante, fuyant son village avec les siens, alors que des bombes de napalm – essence gélifiée, habituellement utilisée dans les bombes incendiaires -, lancées par des raids américains, forment un épais nuage derrière elle. Cette image est donc considérée comme une des photos les plus emblématiques de l’horreur de la guerre du Vietnam. Passons.

Cette fois, c’est au Togo que des images prises au cours de la répression des manifestations à Agoè-Zongo permettent d’imposer la vérité. Nos dirigeants qui ont l’habitude de vouloir cacher le soleil avec la main, sont pris la main dans le sac. Le sang d’Idrissou Moufidou (l’enfant) et des autres, criant justice, ils se mélangent les pédales, servent plusieurs versions et mentent effrontément. Alors, fière chandelle à ces citoyens qui, comme Nick Ut, ont eu le courage de filmer ceux qui ont réellement tiré sur les manifestants à Agoè ! Quelle œuvre utile ils ont fait !

En effet, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général Yark Damehame, a indiqué dans la soirée de samedi 08 décembre que l’enfant aurait été « tué par balle par des individus à bord d’un véhicule 4X4, sans plaque » et que « des recherches sont actuellement en cours pour retrouver le véhicule et les auteurs ». Mais comme au Togo, à beau mentir qui vient de près, le ministre sonné par des témoignages vivants et des vidéos, tente de faire un rétropédalage dont lui seul connaît le secret. Dans ces vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, on voit clairement le Général Félix Kadanga, Chef d’Etat-major général des FAT, à bord d’un pick-up de couleur noire immatriculé 0879-AY, positionnant son arme à lunette en direction des manifestants qu’il aurait peut-être confondus aux chauves-souris. Soit dit en passant, le Général de la « PAIY » serait un grand chasseur de chauves-souris.

« Le gouvernement après enquête, confirme bel et bien qu’il s’agit du véhicule du Chef d’Etat-major Général (CEMG) et que ce dernier était effectivement à bord de ce véhicule en compagnie de son garde du corps… », a expliqué lundi nuit le ministre. Et d’ajouter : « Le Chef d’Etat-major Général des Armées Togolaises, dans le cadre d’un suivi des éléments en mission de maintien d’ordre, a parcouru les zones de manifestations ce samedi 8 décembre 2018. À l’étape de Togblékopé qu’il traversait, il s’est retrouvé en face de manifestants qui brûlaient des pneus. Il a fait revenir son cortège et dans la manœuvre, son garde du corps, vu le contexte et l’ambiance a sorti son arme dans un élan de protection de son chef qui lui ordonna immédiatement de la ranger. Ce qu’il fit. Aucun tir d’arme donc n’a été enregistré ». Mais les vidéos que le ministre de la Sécurité qualifie de « montages grossiers » disent le contraire. Désormais les organisations de défense des droits de l’Homme ainsi que les familles des victimes savent ce qu’elles doivent faire pour que justice soit rendue. Vive les images ! Vive les réseaux sociaux.

Médard AMETEPE

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