Politique

Double sommet de Lomé : QUI PAIE LA FACTURE ?

 

Les rideaux sont tombés depuis hier sur les deux sommets « géants» CEDEAO-CEEAC et CEDEAO. Faure Gnassingbé peut s’estimer heureux d’avoir réuni à Lomé le gotha des chefs d’Etat et autres personnalités des deux grands regroupements régionaux. De fortes déclarations ont été faites, de grandes décisions annoncées. C’est un pari somme toute réussi pour le Prince. Mais à quel prix ? Qui paie la facture de ces sommets et rencontres internationales qui doit donner le vertige ?

Initiatives appréciables, décisions fortes…

Les deux grands sommets qu’a tenu à organiser le pouvoir de Lomé, celui conjoint CEDEAO-CEEAC et la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, ont refermé leurs portes depuis ce mardi. C’est une bonne série de rencontres de haut niveau abritées par Lomé qui se clôturait ainsi. Le plus marquant, c’est sans doute le sommet conjoint entre la CEDEAO et la CEEAC qui a planché sur les questions de terrorisme, d’extrémisme violent, de paix, de sécurité, lundi à Lomé. Cette initiative particulièrement est sans doute louable lorsqu’on prend en compte les dégâts causés par ces fléaux sur le continent en général et dans certains pays en particulier à l’instar du Nigeria, du Mali, du Burkina Faso, du Cameroun. C’est forcément son importance qui a convaincu tous les pays membres, vingt-six (26) au total à raison de quinze (15) pour la CEDEAO et onze (11) pour la CEEAC à se sentir concernés et se faire représenter au plus haut niveau par les chefs d’Etat.

« Le partage de frontières terrestres et maritimes communes rend nos deux régions vulnérables aux nombreuses menaces sécuritaires et environnementales dans le Golfe de Guinée, notamment la piraterie, le trafic de pétrole, la pêche illégale, non déclarée et non réglementée et le déversement de déchets toxiques dans la mer, etc. Nos deux régions subissent également d’autres activités illicites transfrontalières, notamment le trafic des armes, le trafic d’êtres humains, le trafic de drogue, le blanchiment d’argent. Il est donc impérieux que nous trouvions ensemble la meilleure  approche pour nous attaquer à ces menaces et garantir la paix et la sécurité de nos populations. C’est dans cette perspective que nous tenons notre Sommet Conjoint de ce jour, avec la ferme volonté de créer les conditions d’une paix durable et d’un environnement sécurisé dans l’espace commun aux deux régions à travers l’adoption d’une vision partagée des menaces et d’une approche commune des solutions à y apporter », a justifié Faure Gnassingbé dans son discours d’ouverture du sommet conjoint, et de s’enorgueillir : « Aujourd’hui nous écrivons une nouvelle page de notre coopération qui, j’en suis certain, marquera l’Histoire de nos deux Communautés. En effet, nos deux Communautés économiques régionales ont décidé de travailler conjointement pour évaluer les menaces sécuritaires auxquelles elles font face et d’y répondre collectivement par la définition et la mise en œuvre d’une approche commune et holistique des questions de paix, de sécurité et de stabilité. Ceci est une première dans l’histoire de l’intégration africaine et entre en droite ligne des orientations actuelles au niveau de l’Union africaine visant entre autres, à renforcer le rôle des Communautés économiques régionales et la coopération inter-régionale dans l’approfondissement de l’intégration africaine ».

Une déclaration dite de Lomé sur la paix, la sécurité, la stabilité et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent dans les espaces CEDEAO-CEEAC a sanctionné la rencontre et des décisions ont été prises pour circonscrire ces fléaux, parmi lesquelles l’institutionnalisation de cette rencontre qui aura lieu chaque deux ans (le prochain est prévu au Tchad en 2020)  et le renforcement de la coopération entre les deux communautés pour lutter efficacement contre le fléau. « Les chefs d’Etat ont souligné la nécessité d’une coopération renforcée et effective entre les deux communautés », «s’engagent aussi à coopérer pour la paix et la stabilité dans les deux régions. Ils vont mettre en place un mécanisme d’alerte précoce des menaces», indique le communiqué final, entre autres mesures.

La conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, qui relève plus de la routine, a aussi été l’occasion de décisions, particulièrement sur la crise politique au Togo.

…Mais qui paie la facture ?

On ne saurait révéler ici le coût réel de l’organisation de ces deux sommets et des autres rencontres connexes qui ont tenu en haleine le Togo depuis la fin de semaine dernière. Mais réunir tous ces présidents et autres grandes personnalités des différents regroupements à Lomé durant deux (02) jours et même plus, ne doit pas être une sinécure. Faut-il le préciser, la plupart des chefs d’Etat ont rallié la capitale togolaise depuis dimanche, et si certains ont quitté hier dans la soirée, la plupart des délégations ne devraient le faire que dans la journée d’aujourd’hui. C’est pratiquement une semaine de rencontres internationales que Lomé a abritées. Et il faut des moyens financiers, matériels, techniques, sécuritaires et autres pour une bonne organisation. Et cela a un coût.

« Que personne ne vous trompe, ces genres de rencontres sont financées à un certain niveau seulement par les organisations au nom desquelles elles sont tenues. Par exemple pour les sommets conjoints CEDEAO-CEEAC et CEDEAO, ces organisations régionales devraient contribuer. Mais ces contributions ne représentent rien par rapport aux dépenses totales, elles sont juste symboliques. Ce sont les pays organisateurs qui assurent une bonne part de ces dépenses, sinon la quasi-totalité, le reste n’est que blablabla (…) », confie une source qui semble maitriser les arcanes de l’organisation des sommets.

Pour faire simple, c’est donc le Togo qui aura assuré, du moins pour une large proportion, la facture de l’organisation de ces sommets, en d’autres termes le Trésor public, les contribuables togolais. On ne va pas se hasarder à avancer un chiffre des fonds mis dans ce machin-truc. Mais il faut avouer qu’il doit donner le vertige, du moins s’évaluer en plusieurs milliards de FCFA, si l’on tient compte de tous les besoins. Il suffit de rappeler le cas du sommet d’octobre 2016 sur la sécurité maritime à Lomé pour s’en faire une idée.

En effet, même si officiellement on n’a jamais levé le voile sur la facture réelle de cette rencontre, assurée par le Togo de bout en bout, les indiscrétions avaient fait tout de même état d’une ardoise salée d’au moins 5,5 milliards de FCFA, un montant décaissé dans le budget national. Et dans ce pactole, il était révélé que le communiquant français Richard Attias avait empoché à lui tout seul la bagatelle de 5,5 millions d’Euros, environ 3,5 milliards de FCFA pour l’organisation du sommet. Le sujet avait interpellé des politiques, à l’instar de Pascal Adoko, le Secrétaire Général adjoint de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) chargé de la stratégie politique et de la formation qui avait donné la confirmation du financement par le Togo, au cours d’une intervention le 21 septembre 2016 sur une radio de la place…« Le ministre (de l’Administration territoriale rencontré à l’époque et interrogé sur le financement du sommet par une délégation de l’opposition, Ndlr) a répondu que le financement est dans le budget de la République togolaise. Or dans le budget les gens parlent de 5,5 milliards. Mais moi, je sais que ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mère par rapport à tout ce qui se fait. La publicité sur le plan international, les allers et venues. Ce n’est pas une affaire de 5 milliards», avait pesté M. Adoko.

Une petite projection permet de se faire une idée de ce que l’organisation de ces deux sommets des 30 et 31 juillet et des rencontres connexes aura coûté au budget togolais lorsqu’on tient compte du nombre de chefs d’Etat et de personnalités de haut niveau qui étaient présents et dont le séjour nécessiterait des suites présidentielles, les traitements qui vont avec, les besoins y relatifs, contrairement à ce sommet d’octobre 2016 sur la sécurité maritime…Quand on sait le nombre de besoins sociaux prioritaires que le pouvoir a laissés en friche sous le prétexte de manque de moyens financiers (la question du statut particulier des enseignants traine depuis des années, les revendications de la STT au nom de tous les travailleurs aussi, le CHU Sylvanus Olympio n’a pas de scanner qui coûte pourtant un demi-milliard de FCFA seulement, les populations attendent toujours la mise en œuvre du mandat social…), on peut se faire une idée du degré d’humanité (ou d’inhumanité) de ceux qui gouvernent le Togo…

 

Tino Kossi

(Liberté N°2725 du 1er -08-18)

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