Politique

Crise politique: Chronique des manœuvres de bas étage du pouvoir

 

La crise politique traversée par le Togo depuis août 2017 aura révélé au grand jour la mauvaise foi du pouvoir en place. En lieu et place de la satisfaction des revendications légitimes du peuple pour un apaisement et une sortie définitive de crise, il s’est plutôt employé à casser la dynamique contestataire par des manœuvres peu élégantes, allumer des pare-feux, etc. La dernière, c’est de pousser le Facilitateur ghanéen Nana Akufo-Addo à jeter l’éponge. Chronique de ces stratégies ou manœuvres de bas étage.

Répression pour faire taire la contestation

Le pouvoir a été surpris par la percée du Parti national panafricain (PNP) et de Tikpi Atchadam qui ont fait une entrée tonitruante sur la scène politique le 19 août 2017. Il avait minimisé la portée des actions de ce parti et ses caisses de résonance se gaussaient presque. Mais tout ce beau monde a été pris de court par les manifestations ce jour à Lomé, à l’intérieur du pays de même qu’au sein de la diaspora. Il en naitra le regroupement des partis politiques de l’opposition en Coalition et des manifestations communes qui auront l’effet de dénuder le pouvoir Faure Gnassingbé à la face du monde et porter haut les aspirations légitimes du peuple togolais pour l’alternance.

Désarçonné, la toute première réponse a été de recourir à la répression sauvage pour mater la contestation. C’est ainsi que, outre les forces de sécurité et de l’ordre, l’armée a été déployée sur toute l’étendue du territoire et a fait le siège de certaines villes pour étouffer les populations. On pense notamment à Sokodé devenue l’épicentre de la contestation, Bafilo, Mango, entre autres. Comme si cela ne suffisait pas, le pouvoir a fait appel à ses miliciens, que dis-je, ses « agents de l’opération Entonnoir » ou « groupes d’autodéfense ». Le bilan est source d’une polémique qui a conduit le Président du Réseau des jeunes africains pour la démocratie et le développement (REJADD) Assiba Johnson en prison, pour avoir établi les morts à plus de cent. Qu’à cela ne tienne, ils sont de plusieurs dizaines. L’une de ces victimes, le jeune Joseph Zoumekey, a été inhumé le samedi 29 septembre dernier. Mais cette répression sauvage n’a en rien entamé la détermination des populations dont la mobilisation est plutôt allée crescendo.

Accuser Tikpi Atchadam et le PNP de jihadisme

Peinant à casser la mobilisation, la seconde stratégie fut d’accabler Tikpi Atchadam et le PNP de terrorisme, mieux, de jihadisme. Le pouvoir a compris que c’est le filon qui porte ces derniers temps et intéresse beaucoup les Occidentaux. Ainsi à longueur de journée, alors que les manifestations portaient désormais le sceau de la Coalition, la fixation était faite sur le Parti national panafricain et ses responsables. On a encore en mémoire les déclarations intempestives du ministre de la Sécurité et de la Protection civile Yark Damehame, de son collègue Gilbert Bawara et autres accablant Tikpi Atchadam et les siens de tous les maux. Leur mentor même, s’il s’est caché au début, a fini par les suivre dans cette voie.

Faure Gnassingbé a tout lâché dans une interview accordée à Jeune Afrique en décembre 2017, versant aussi dans des accusations de jihadisme. Un événement avait offert l’argument idéal, c’était le soulèvement populaire à Sokodé suite à l’enlèvement le 16 octobre 2017 de l’imam Hassane Djobo soldé par la mort de deux militaires. Tout a été fait pour présenter ces agents comme égorgés. Tout un dossier a été monté de toute pièce par le pouvoir et envoyé à l’Administration américaine, très sensible au terrorisme, pour la séduire. C’est toute la lutte populaire pour l’alternance qui était ainsi réduite à du terrorisme. Mais la manœuvre n’a pas convaincu et a fait pschitt.

Brûler les mosquées et créer un conflit religieux ou une insurrection

Cette stratégie a été mise en branle depuis fin juillet 2018. Des mosquées ont été brûlées et profanées à la chaine dans la périphérie d’Agoènyivé. La série a commencé à la veille du sommet conjoint CEDEAO-CEEAC sur le terrorisme. L’acte a choqué et les partis politiques et autres organisations de la société civile sont montés au créneau pour le fustiger. Mais cela n’a guère dissuadé les auteurs. Même le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, l’inénarrable Yark Damehame est monté en scène pour promettre des enquêtes et menacer les responsables et leurs commanditaires. Rien n’y fit. Les pyromanes et profanateurs sont revenus à la charge à plusieurs reprises, dans la même zone pourtant occupée par un camp militaire et donc pavoisé d’agents. Ils ont fini par s’en prendre à une église aussi.

Mais personne n’est dupe, ces actes sont l’œuvre de gens bien organisés dans les entrailles du pouvoir et visent à susciter la colère de la communauté musulmane et une guerre religieuse, du moins une insurrection des musulmans. Ce qui devrait saper la communion autour de la C14 qui voie les citoyens d’obédiences religieuses différentes se côtoyer au quotidien et ainsi saper la lutte politique engagée ensemble pour l’alternance à la tête du pays. Les responsables des différentes églises l’ont compris et ils se sont mis ensemble pour apporter leur compassion à la communauté musulmane et éteindre cet incendie. Faure Gnassingbé n’a cru devoir que distribuer des corans aux musulmans, à l’occasion de la Tabaski, comme pour encourager les pyromanes et profanateurs à continuer. En tout cas, lui qui a le pouvoir de faire arrêter ces criminels, n’a rien fait dans ce sens.

Parmi ces manœuvres et stratégies de bas étage, il y a celles entreprises entre-temps et visant à semer la discorde et casser la C14. Dans cette dynamique, la Coalition de l’opposition étant la sève de la mobilisation et de la contestation populaire, il fallait créer les conditions pour casser cette synergie, après avoir tenté de corrompre les leaders. La dernière, nous le relevions dans la parution d’hier, c’est le plan obscur visant à pousser à bout le Facilitateur ghanéen Nana Akufo-Addo afin qu’il lâche la mission de bons offices pour la résolution de la crise politique togolaise. Un plan lancé par la sortie fracassante de Yark Damehame, ce mardi, autour de l’affaire de l’évacuation sanitaire de Nicodème Habia où il a osé dardé que « le Togo n’est pas une colonie du Ghana ». Aux dernières nouvelles, le pouvoir chercherait à envoyer une délégation à Accra pour présenter des excuses au dirigeant ghanéen…

Tino Kossi

 

 

 

 

 

 

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